La base des relations internationales: l’anarchie
Il existe d’abord dans l’étude des relations internationales une notion importante, soit celle de l’anarchie. L’idée de base est simple : il n’existe pas au niveau international une autorité plus haute que les États qui puisse imposer des lois et contraindre les membres de les suivre.
Il est important de comprendre qu’à titre individuel, celui qui est en mesure d’appliquer quelconques lois et règles est l’État. L’État existe par divers organes tels le gouvernement, la police, l’armée, le système judiciaire. En principe, l’État, par ses organes de représentation, a le monopole sur l’utilisation de la force et de la justice à l’intérieur d’un espace géographique donné, ce qu’on appelle une « juridiction ».
Pour les membres de ce système qu’est l’État (les individus et les groupes), ceci limite bien sûr ce qu’on peut faire, mais il nous protège aussi contre les autres. Par exemple, si quelqu’un me fait mal, je peux faire appel aux autorités.
Dans ce contexte, une construction similaire n’existe pas au niveau international. Autrement dit, il n’y a pas de gouvernement mondial, une véritable police mondiale, ou même une armée mondiale ou tout autre organe véritablement indépendant des États. Il n’y a pas d’autorité centrale et suprême au niveau international.
Il y a certes certaines lois et normes, mais le tout demeure limité dans l’application.
Le résultat peut à cet égard apparaître comme pessimiste, car nous vivons dans un environnement où on ne peut compter que sur soi-même, c’est-à-dire qu’un État ne doit pas compter sur un autre État pour assurer son bien-être et sa sécurité. Donc, l’anarchie peut créer certaines incitations perverses comme la méfiance, mais la crainte engendre fréquemment ce sentiment de méfiance qu’on ne peut pas faire confiance aux autres États. Un phénomène comme la course aux armements est assez représentatif de cette situation, tout comme le besoin de sécurité créer une certaine instabilité dans les relations internationales.
Un État est en mesure de présumer le pire, surtout lorsqu’il tente de deviner les intentions des autres États. Bref, il s’avère toujours difficile dans ces conditions d’aspirer à une sorte de paix permanente en l’absence d’un gouvernement mondial. Les alliances, les trahisons, les crises et les guerres font plutôt partie du lot courant des événements marquant notre monde.
D’un autre côté, les plus optimistes des analystes des relations internationales admettent eux aussi le concept d’anarchie, à savoir qu’il n’y a pas d’autorité plus élevée pouvant s’imposer sur les États et surtout sur les États puissants. Mais cela ne veut pas dire qu’une lutte entre les États est inévitable où que chacun agisse pour soi selon eux.
Les États peuvent toujours nouer des rapports entre eux, soit d’établir des relations de confiance et de coopération qui cherchent à diminuer, à contrecarrer les tendances vers la méfiance et la crainte qui sont créées par ce système dit « anarchique ». Ces relations peuvent atténuer à tout le moins l’anarchie et ses effets néfastes.
Par exemple, c’est pourquoi on créa notamment des institutions (ONU, FMI, OMC), des traités, etc., qui cherchent à régler les activités des États, d’encourager la prévisibilité et de diminuer l’incertitude et la méfiance. Les optimistes examinent donc comment tout cela est régi, notamment parce qu’il existe plusieurs aspects des rapports interétatiques où ce ne sont pas la lutte et la confrontation féroces qui prédominent (ex : rapports économiques, commerciaux, environnementaux, etc.). L’idée est d’examiner les façons, les étapes et les structures de négociations qui encouragent l’émergence d’une confiance.
Un exemple intéressant est celui de l’Union européenne. L’Union européenne avait en partie été créée pour surmonter la méfiance franco-allemande. Dans ce sens, l’Union a fonctionné, car il serait désormais difficile d’imaginer une guerre entre la France et l’Allemagne.
En somme, quelle est l’importance de tout cela pour nous? Il s’agit d’une façon de comprendre l’histoire politique d’après 1945 et les changements opérés depuis 1990-1991 (la chute de l’Union soviétique) et, selon cet angle, de se demander quels facteurs, quels instruments existaient avant et existent maintenant (ou qui n’existent plus) afin d’atténuer les effets de l’anarchie. On peut alors penser en termes de lois internationales, de traités, de normes et de pratiques.
Le régime
Après le système, le second concept cher aux politologues est celui du « régime ». Qu’est-ce qu’un régime? Encore une fois, la définition est somme toute simple.
Un régime est un code de conduite qui prescrit comment des acteurs peuvent se comporter dans des domaines définis. Ce code gouverne la conduite des acteurs. Un autre point est que ce code introduit une certaine organisation qui cherche, en effet, à limiter les effets de l’anarchie. Il y a deux aspects qui orientent la définition du régime sur un plan politique. Il y a un aspect formel qui consiste en l’élaboration des lois et règles, des procédures qui forment (sinon déterminent) les rapports entre les membres d’un groupe. Par exemple:
– la constitution d’un pays
– les règles d’organisation (Scouts, OMC)
En fait, sous son aspect formel, le régime peut régir le code de conduite de diverses organisations à travers d’autres caractéristiques telles l’utilisation de l’espace, l’utilisation des ressources naturelles, la réglementation routière, la vie étudiante, etc.
L’autre aspect d’un régime est davantage informel. Il s’agit des règles non écrites; des procédures non écrites; des lois non écrites, non formalisées qui influencent et souvent limitent l’action des acteurs dans des cas particuliers. On peut citer des exemples comme une file d’attente, ou encore certaines normes informelles (normes contre l’utilisation d’armes chimiques et biologiques, guerre de 1939-1945), des normes contre l’assassinat de chefs politiques (pas toujours appliquées évidemment).
Toujours en ce qui a trait à la définition du régime, celui opère également à l’intérieur de deux cadres. D’abord, il y a le cadre national. Concrètement, en ce qui nous concerne, cela implique le type de régime politique à l’étude. Une première distinction importante pour nous est de voir si le régime est démocratique ou non démocratique. Il faut cependant faire attention avant d’identifier avec certitude un régime comme étant démocratique ou non dans le cadre national. La constitution et la tenue d’élections « libres » sont certes des éléments à considérer. Par contre, elles ne sont pas toujours suffisantes. D’autres règles et normes sont à considérer, comme la protection des libertés individuelles, la libre possession de biens, etc.
Par exemple, l’Union soviétique avait en principe une constitution très progressive, mais pour longtemps celle-ci n’était pas respectée par ses gouvernements. Autre exemple, les USA semblent avoir une constitution dès plus démocratique, mais est-ce que cela se traduit toujours dans les faits et gestes de leur gouvernement (est-ce que l’écoute électronique de certains citoyens américains par l’Adminstration Bush à une autre époque ne constitue-t-elle pas une violation des libertés individuelles, dont celle du droit à la vie privée?) Bref, il ne faut pas toujours se fier à la forme, mais aussi au contenu.
Le second cadre de l’environnement politique dans lequel se définit le régime est d’ordre international. Prise dans son cadre international, donc dans les rapports interétatiques, l’étude des régimes implique un amalgame de caractéristiques qu’on a vues précédemment, comme : la sécurité, l’environnement, etc. On y inclut en somme une série de composantes formelles (ex : les traités), mais aussi informelles qui se traduisent par ces fameuses règles non écrites (le principe de la non-utilisation d’armes prohibées).
La Guerre froide de 1945 à 1990 constitue à cet égard un exemple intéressant de l’étude de la compréhension du régime tel que pris dans son espace international.
Toujours dans la sphère internationale, il n’y a pas que les relations entre les États qui intéressent la définition du régime. En fait, les régimes peuvent aussi sortir de ce cadre interétatique et prendre la forme de régimes économiques (échanges financiers, investissements, etc.). Souvent, des organisations non étatiques (ONG) y sont impliquées. Pensons à tout le travail des ONG, qui essaient de créer des règlements dans plusieurs domaines (finances, traitement des femmes et enfants, des minorités, etc.). Bien entendu, les ONG tentent d’influencer autant que possible les États, mais pas toujours avec succès.
Bref, dans le cadre international, il y a en somme des régimes formels et informels. Retenons que les entrecroisements sont possibles, comme il est possible d’opérer à la fois dans les cadres national et international.
Voilà en somme pour ces quelques aspects théoriques dans l’approche de l’histoire politique au XXe siècle.