À l’instar du reste de la communauté internationale, la population et le gouvernement du Canada furent brutalement interpellés par le désastre survenu en Haïti au début de 2010. De la réaction rapide des autorités fédérales, la générosité des contributions et la qualité de la coordination des mesures d’aide, il semble se dégager un consensus relatif d’approbation des actions de l’État. Cela se perçoit tant au niveau de la classe politique que dans la population.
De cette « union sacrée » des Canadiens ressort une série d’observations que nous voulons partager. Malgré que cela puisse paraître opportuniste, nous croyons que le désastre en Haïti est une bonne occasion pour le gouvernement canadien de remettre à jour sa politique étrangère et ses axes d’intervention sur la scène internationale.
Par son ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, le gouvernement du Canada se dote d’un plan d’action comprenant un nombre de « priorités ». L’une des priorités vise l’enrichissement des Canadiens par le développement de nouveaux marchés comme en Inde, en Russie, en Ukraine, au Brésil et sans compter la Chine qui deviendra un jour un partenaire économique d’importance égale aux États-Unis.
Au renforcement du réseau commercial canadien dans le monde doit suivre le drapeau. En clair, la diplomatie classique bilatérale n’a plus la cote et le Canada doit développer ce réflexe de penser l’acte diplomatique en termes de multilatéralisme. Par exemple, il y a déjà l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) qui encadre les échanges politico-économiques de l’axe nord-américain. À cela se développeront d’autres axes comme celui avec l’Union européenne ou encore avec l’Extrême-Orient où il faut inclure la Russie et l’Inde.
Outre l’économie et le commerce, la politique étrangère d’un gouvernement passe aussi par ses interventions aux plans politiques et de la sécurité internationale. Là encore, le Canada doit constamment mettre à jour ses priorités. Nous avons le dossier afghan jusqu’en juillet 2011 officiellement et Haïti, si l’on fait abstraction de la récente catastrophe, demeure l’une des priorités d’implication du Canada dans l’axe américain.
Sur ce point, le principal problème pour le Canada n’est pas tant l’absence de volonté politique pour rétablir notre place dans le monde, ou le manque de moyens de coercition pour intervenir. Le problème, s’il en est un, c’est l’émergence de nouvelles puissances régionales telles le Brésil, l’Inde et la Chine. Ces pays, en particulier l’Inde et le Brésil, réclament plus de place au sein des grandes organisations internationales comme l’ONU. Leur poids démographique et économique en fait en sorte qu’ils sont en mesure de se faire respecter.
Avec ses 30 millions d’habitants, ses faibles moyens militaires, le vieillissement de sa population et son passé de « gardien de la paix » oublié, le Canada peut-il encore jouer ce rôle de puissance moyenne qu’on lui connaissait? Peut-il, comme au temps de Lester Pearson, influencer les décisions des grands?
Prenant prétexte de la crise en Haïti, les puissances de ce monde tirent ces jours-ci la couverture chacun de leur côté pour déterminer qui prendra la direction des opérations d’aide humanitaire. Le gouvernement canadien est aussi pris dans cet engrenage et tente par tous les moyens d’héberger maintes rencontres internationales de coordination de l’aide à Haïti.
Cela donne l’impression que le Canada maintient son traditionnel rôle d’acteur humanitaire et cette attitude semble populaire auprès du grand public. Dans les faits, il s’agit d’une politique d’improvisation de laquelle émane un constat inquiétant : la communauté internationale n’a plus le réflexe de se tourner vers le Canada dans sa recherche de solutions et de politiques de compromis. Autrement dit, d’autres pays prendront le relais et d’autres mécanismes de gouvernance seront mis en place, mécanismes dans lesquels le rôle du Canada reste à déterminer, mais qui sera probablement moindre qu’à une certaine époque.
En conclusion, mentionnons que dans une indifférence somme toute généralisée, le ministère canadien des Affaires étrangères célébrait en 2009 son centième anniversaire. Que de chemin parcouru depuis la naissance de ce petit département dans un salon de coiffure pour hommes à Ottawa! La politique étrangère du Canada d’alors s’exerçait avec les moyens du bord. Il reste à souhaiter qu’il n’en soit pas de même au XXIe siècle.