Les Canadiens français et la Guerre de Sécession

L’état de nos connaissances du passé militaire des Canadiens français bénéficie depuis quelques années de l’apport d’un nombre croissant d’études qui permettent de combler diverses lacunes quant à la nature de notre participation aux grands conflits de l’Histoire. Parmi ces recherches, il s’avère impératif de souligner celle du professeur Jean Lamarre, du Collère Royal Militaire de Kingston, qui nous propose un chapitre relativement méconnu et sous-estimé de ce passé, à savoir la participation des Canadiens français à la Guerre de Sécession américaine (1861-1865).

Les Canadiens français et la Guerre de Sécession retrace en effet l’aventure de ces milliers de Canadiens français qui s’enrôlèrent, pour la plupart, dans les armées nordistes lors d’un conflit qui fut, avec son demi-million de victimes militaires, le plus meurtrier de l’histoire des États-Unis jusqu’à ce jour. Le questionnement à la base du travail de M. Lamarre engendre une analyse en profondeur des motivations qui amenèrent les francophones du Canada et des États-Unis à s’enrôler, mais également de brosser le portrait sociologique des ces militaires, dont 1 sur 7 ne revint pas des champs de bataille.

L’argument central de l’auteur est que la Guerre de Sécession s’inscrivait comme une étape parmi d’autres du processus migratoire des Canadiens français vers les États-Unis entre 1840 et 1930. En effet, M. Lamarre écrit que l’aventure guerrière représenta pour les Canadiens français une séduisante, mais ô combien dangereuse, occasion afin de regarnir les portes-feuilles. Cet ouvrage est une étude socio-militaire qui retrace les principales phases de la guerre civile américaine vécue à travers la perspective qu’en ont eue les Canadiens français. L’auteur consacre un premier chapitre au traitement de l’évaluation de la participation canadienne-française à la lumière de l’état général et actuel de la recherche sur le conflit. Un second chapitre fait la synthèse entre, d’une part, le contexte social et politico-militaire de l’époque (les causes du conflit) et, d’autre part, des impacts sur le Canada et les mouvements migratoires transfrontaliers. C’est à la suite de ces explications que M. Lamarre analyse les divers incidents qui marquèrent cet engagement canadien-français (motivations, combats, désertions, etc.).

Par conséquent, le livre de M. Lamarre est la résultante d’un long dépouillement des archives militaires américaines qui permirent à l’auteur de construire un échantillon d’environ 1,300 soldats canadiens-français. Ceux-ci représentaient adéquatement, selon lui, la diversité des expériences combattantes canadiennes-françaises entre 1861 et 1865. L’auteur intègre aux chapitres 3 et 4 les résultats de ses recherches à un récit chronologique des phases majeures de la guerre (batailles de Bull Run, Antietam, Gettysburg, etc.).

Le dur contexte socio-économique du milieu du XIXe siècle met donc en relief les espoirs, mais surtout les désillusions des Canadiens français, dont beaucoup comptaient sur l’aventure guerrière afin d’améliorer leur situation. Aussi juste et convaincante que soit la démonstration de M. Lamarre, il peut s’avérer difficile pour le lecteur néophyte de fixer certaines phases du conflit dans la dimension espace-temps. En effet, il aurait été utile d’y intégrer une chronologie et une carte des opérations afin que le lecteur puisse se retrouver à l’intérieur d’une histoire dont de larges pans restent à explorer. Sur ce point, les amateurs de généalogie trouveront en fin d’ouvrage un guide utile consistant en la liste des militaires canadiens-français recensés par M. Lamarre, ce qui pourrait motiver les lecteurs à mener des recherches sur leurs ancêtres ayant participé à cette guerre. L’ouvrage compte également une solide bibliographie des sources primaires et secondaires consultées, de même que les monographies les plus pertinentes traitant des différents aspects de la guerre civile américaine.

L’ouvrage de M. Lamarre contribue à son tour au renouvellement de l’écriture de l’histoire militaire des Canadiens français entrepris depuis une quinzaine d’années, et ce, à travers les deux dimensions essentielles que sont : 1— l’importance de l’aspect socio-culturel de cette participation active; 2— l’exploration de l’idée du consentement des populations aux guerres comme postulat obligatoire d’une réinterprétation de notre histoire militaire. De Fort Sumter à Appomatox, le livre de M. Lammare est une invitation à entreprendre de futures recherches sur notre passé militaire à cette époque.

LAMARRE, Jean. Les Canadiens français et la Guerre de Sécession. 1861-1865. Une autre dimension de leur migration aux Etats-Unis, Montréal, VLB Éditeurs, 2006. 186 p.

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