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La Guerre de 1812

Introduction

Guerre de 1812: des soldats américains. (Oeuvre de Henry Alexander Ogden)

Ce qu’on appelle la Guerre de 1812 se caractérise par une série de conflits qui, au final, fixèrent de manière presque définitive les frontières actuelles des États-Unis, notamment pour la période allant du début de la Guerre d’Indépendance en 1775 jusqu’à la Guerre américano-mexicaine de 1848. Précisément, la guerre déclenchée en 1812 dura jusqu’en 1815. Ses causes se trouvent, d’une part, dans une série de plaintes formulées par les États-Unis envers la Grande-Bretagne relativement à l’obstruction quasi systématique de celle-ci du libre commerce américain en haute mer puis, d’autre part, de l’appui de Londres aux guerriers amérindiens qui s’opposaient à l’expansionnisme américain vers l’Ouest.

Par contre, une autre façon d’envisager la problématique serait à l’effet que nombreux étaient les Américains de l’époque désireux d’annexer tout le territoire de l’actuel Canada, ou du moins une partie de celui-ci. Puisqu’il est question de réajustement de frontières, une autre cause du conflit résiderait dans cette volonté des Britanniques de stopper net l’expansionnisme américain à l’Ouest par la création d’un État tampon (et marionnette) amérindien.

Pour emprunter la voie expéditive, disons simplement que la Guerre de 1812 trouve ses origines dans toutes ces causes, mais une chose demeure: de véritables combats eurent lieu. La plupart de ces derniers se déroulèrent entre les lacs Michigan et Champlain, et bien que le gouvernement et le public canadiens nous semblent, non sans surprise, mettre l’accent sur des batailles comme Queenstown Heights (1812) et Châteauguay (1813), les épisodes de loin les plus marquants furent les batailles de la Nouvelle-Orléans, de la Louisiane et du raid britannique à Chesapeake, qui résulta en la composition de l’actuel hymne national américain (The Star-Spangled Banner). Or, ce qui nous apparaît étonnant et ironique, c’est de constater que la zone géographique qui connut la plus importante modification de frontière, soit la Floride-Occidentale espagnole, fut celle où les combats furent pratiquement inexistants.

La préparation militaire des belligérants

Cela dit, rarement une nation si encline à entrer en guerre le fit avec un niveau de préparation militaire aussi rudimentaire. Tel fut le cas des États-Unis, dont le gouvernement déclara la guerre à l’Angleterre, sans avoir au préalable vérifié si l’armée était prête. En effet, l’armée américaine du début du XIXe siècle était minée par toute une série de problèmes, notamment la paresse (disons les choses franchement) de ses chefs et administrateurs, le tout combiné à ce sentiment fortement ancré voulant que la Milice américaine (au sens absolu du terme) puisse affronter tous les dangers. Ici, le mythe tire sa source de ces révolutionnaires qui prirent les armes quelques décennies plus tôt contre l’autorité de Londres, mythe par la suite récupéré par les générations subséquentes d’officiers qui envisagèrent la lutte armée moderne avec les mêmes paramètres que leurs ancêtres.

Pourtant, en 1812, la réputation de l’armée britannique n’était plus à faire. Composée d’une armée de terre professionnelle et d’une redoutable marine de guerre, l’Angleterre avait vaincu plus d’un ennemi et elle avait fait chèrement payer aux Américains le prix de leur nouvelle indépendance. Bref, l’« armée régulière » des États-Unis forme en 1812 une structure obsolète, mal préparée et mal dirigée pour affronter à nouveau une puissance comme l’Angleterre.

Quant aux paramètres stratégiques du conflit qui allait débuter, plusieurs conseillers suggérèrent au président James Madison que l’objectif prioritaire de l’armée des États-Unis devrait être la capture de Montréal au Bas-Canada. Cependant, Madison préféra opter pour une stratégie qui peut apparaître moins agressive dans un premier temps, à savoir la défense de la frontière dans les environs de Détroit et du bassin du Lac Ontario.

Ici, le problème des Américains ne fut pas tant celui de la pertinence de la stratégie adoptée (celle de Madison), mais bien une méconnaissance de l’adversaire britannique. En 1812, les Américains ont à faire au très agressif général britannique Isaac Brock. Accompagné de ses alliés amérindiens, celui-ci captura assez tôt les forts Mackinac (17 juillet) et de Détroit (16 août), en plus de défaire une force américaine à Queenstown Heights le 13 octobre, après que cette dernière eut traversé la rivière Niagara vers le Haut-Canada.

Bien que Brock trouva la mort au cours de ce dernier engagement, la stratégie britannique d’ensemble avait sérieusement compromis l’effort de guerre américain en cette phase initiale du conflit. Seuls quelques forts tinrent le coup un peu plus à l’ouest, comme les forts Harrison, Wayne et Madison, pour ne nommer que ceux-ci. Vers la fin de 1812, la guerre terrestre alla de plus en plus mal pour les États-Unis, qui allèrent passer la majeure partie de 1813 à pallier leurs pertes.

Carte du théâtre d’opérations de la Guerre de 1812. (Cliquez pour agrandir.)

Une guerre plus longue que prévu

Entre temps, le Gouverneur Général canadien Sir George Prevost concentra logiquement ses ressources à la défense du fleuve Saint-Laurent et du bassin du Lac Ontario. Il confia ainsi la défense des lacs plus à l’ouest à un bataillon de réguliers britanniques sous les ordres du général Henry Proctor, qui succéda en fait à Brock. Proctor voulut maintenir la pression autour de Détroit, notamment en étant assisté de quelques unités navales dirigées par des marins britanniques et canadiens, voire des commerçants britanniques et leurs alliés amérindiens.

Par contre, les Américains furent loin d’être battus, surtout en mer. La manœuvre de Proctor n’alla pas suffire à empêcher la montée en puissance de la marine américaine dans la région d’Erie en Pennsylvanie (sous les ordres d’Oliver Perry), ni contrecarrer le déploiement de réguliers et de miliciens américains dans le théâtre du nord-ouest de l’Ohio (William Harrison). D’ailleurs, en mer, Perry vainquit une escadre britannique à la bataille du Lac Érié (10 septembre 1813), en plus de forcer l’ennemi à évacuer Détroit (29 septembre) et permettre aux forces de William Harrison d’avancer jusqu’à la vallée de la Thames River au Canada, où il défit une troupe anglo-amérindienne le 5 octobre. Mentionnons également que les Britanniques défendirent avec succès le Fort Mackinac en 1814 et parvinrent à garder le contrôle d’une partie de la péninsule du Michigan et de l’actuel Wisconsin, mais ils abandonnèrent leurs alliés amérindiens et les commerçants de fourrures lors des négociations de paix. En clair, cette région fut retournée aux États-Unis à la fin des hostilités.

Bien que les Britanniques semblent avoir débuté la guerre sous de favorables auspices, il semble évident que, d’un strict point de vue stratégique, l’année 1813 fut néanmoins difficile. Il est vrai que la dispersion des forces américaines rendit plus aisée la défense d’un secteur important comme le Lac Ontario, mais d’autres problèmes affectèrent la gestion des opérations. Le premier élément qui nous vient à l’esprit est celui de la qualité du haut commandement. George Prevost avait comme officiers subordonnés les généraux Sir Roger Hale Sheaffe, le baron Francis de Rottenburg et le commodore Sir James Lucas Yeo. D’emblée, ces commandants n’étaient pas du calibre de ceux qui luttèrent en Europe à la même époque, comme le duc de Wellington et Lord Nelson, mais heureusement pour eux, l’armée américaine était commandée par des généraux encore plus incompétents.

D’ailleurs, les forces navales américaines sur le Lac Ontario commandées par Isaac Chauncey ne parvinrent pas à obtenir une quelconque supériorité dans ce secteur vital du théâtre de guerre. Les Américains réalisèrent alors l’importance d’une efficace coopération entre l’armée et la marine, coopération qui fut démontrée avec un relatif succès au cours de l’attaque contre York (Toronto) le 27 avril 1813 et contre le Fort George à l’embouchure de la rivière Niagara le mois suivant.

Pendant ce temps, les Britanniques jouèrent également la carte de la coopération marine-armée. Celle-ci fut démontrée par Prevost et Yeo contre Sacketts Harbor (New York), le seul port américain en eau profonde du côté américain du Lac Ontario. Cet assaut britannique des 28 et 29 mai 1813 fut un échec, mais il amena le commodore américain Chauncey à renforcer ce secteur, le tout au détriment d’allocation de ressources aux opérations combinées, qui pourtant s’étaient montrées prometteuses autour de York le mois précédent.

Représentation de la bataille de Châteauguay d’octobre 1813, où des miliciens canadiens-français et leurs alliés mohawks parvinrent à enrayer la progression des forces américaines en direction de Montréal.

Cependant, l’échec pour les Britanniques de la prise de Sacketts Harbor mina les relations entre Prevost et Yeo, au point où subséquemment, leurs opérations combinées en furent également affectées. Il y eut certes un épisode en août 1813 où les belligérants auraient pu remporter une brillante victoire en mer, mais une prudence exagérée de part et d’autre ne put mettre fin à la guerre à court terme. Il empêche que sur le plus long terme, l’impasse des opérations dans les Grands Lacs allât favoriser les Britanniques, qui au fond n’avaient besoin que de gagner du temps afin de préserver leurs provinces canadiennes et contraindre les Américains à négocier.

C’est probablement dans cet esprit, à savoir que le temps jouait contre eux, que les Américains y allèrent d’une dernière offensive contre l’actuel Canada en 1813. Deux colonnes d’infanterie américaine firent mouvement vers le fleuve Saint-Laurent en direction de Montréal, colonnes commandées par les généraux Wade Hampton et James Wilkinson. Comme c’est le cas dans bien des chapitres de l’Histoire militaire, ces généraux se détestèrent au point qu’ils ne purent coordonner efficacement leurs opérations. Sans surprise, ils furent vaincus par une force anglo-canadienne inférieure en nombre. Hampton fut battu à Châteauguay (au sud de Montréal) le 26 octobre, tandis que Wilkinson subit le même sort à Crysler’s Farm au Haut-Canada le 11 novembre. Loin de s’améliorer pour les Américains, la situation empira le 18 décembre, lorsque les Britanniques lancèrent une contre-attaque contre le Fort Niagara, du côté américain de la rivière, établissant ainsi un contrôle effectif de cette artère vitale. De cet instant et jusqu’à la fin des hostilités, les Américains allèrent se trouver sur la défensive, du moins en ce qui a trait aux opérations terrestres.

Combats classiques et pirateries: la guerre en haute mer

En mer, la situation fut différente. La marine de guerre des États-Unis fut relativement performante et elle constitua un adversaire de taille pour la Royal Navy. En 1812, au commencement des hostilités donc, la Royal Navy disposait de plus de navires que les États-Unis ne possédaient de canons dans tout leur arsenal. Cependant, la longueur des côtes américaines, la nécessité de maintenir des effectifs contre la marine française (dans le conflit l’opposant à la France napoléonienne), la qualité assez bonne des navires américains (sans compter la compétence confirmée de nombre d’officiers et de marins américains), tous ces facteurs ont eu comme conséquence de nombreuses défaites pour les Britanniques.

À titre d’exemple de la force de la marine des États-Unis de l’époque, notons qu’elle avait en ses rangs de puissants vaisseaux tels le United States, President et Constitution, chacun équipé de 44 canons et voguant aisément en haute mer. Toujours en 1812, le capitaine américain Isaac Hull et son Constitution coulèrent le Guerrière le 19 août et un autre puissant navire de 38 canons, le Java, le 29 décembre (cette fois sous les ordres de William Bainbridge). De son côté, le United States de Stephen Decatur coula le 25 octobre le Macedonian, autre navire de 38 canons. Dans un même ordre d’idées, d’autres épisodes impliquant de plus petites embarcations firent mal paraître la Royal Navy. Le Essex (32 canons) coula le Alert (14 canons) le 13 août, comme le Wasp (18 canons) vint à bout du Frolic (18 canons) le 17 octobre.

La Royal Navy sut tout de même encaisser les coups et en porter à l’adversaire. Notons que certains de ses navires durent de regrouper afin de couler le navire américain Nautilus (12 canons) le 17 juillet, ainsi que le Vixen (14 canons) le 22 novembre, toujours en 1812. Non sans surprise, les Britanniques durent renforcer leur présence maritime en Amérique du Nord. On ajouta une dizaine de bâtiments de ligne, une trentaine de frégates et une cinquantaine de sloops (navires un peu plus petits que les frégates). À terme, ces renforts permirent à la Royal Navy d’isoler la marine des États-Unis dans le courant de 1813 et de 1814.

C’est en ce sens que les Américains tentèrent par tous les moyens de casser ce blocus naval et de porter ainsi la guerre en haute mer, ailleurs dans le monde, dans une sorte de gigantesque jeu de chat et de souris. Par exemple, le capitaine David Porter parvint à mener le Essex précédemment mentionné jusque dans le Pacifique, où il fit la vie dure aux navires marchands britanniques, et ce, jusqu’au moment où le célèbre navire de 32 canons fut emprisonné à Valparaiso au Chili (28 février 1814). Avec le U.S.S. Hornet (18 canons), James Lawrence coula le Peacock au large de la Guyane britannique le 24 février 1813. Une fois encore, les Britanniques purent mieux respirer lorsqu’arriva à Londres la nouvelle à l’effet que le capitaine américain Lawrence avait été neutralisé, cette fois bord du Chesapeake, coulé par le Shannon (38 canons) du capitaine Philip Broke le 1er juin 1813.

La Guerre de 1812 ne fut pas seulement une campagne terrestre. Elle comprit également un important volet maritime, voire un chapitre regroupant de nombreux épisodes d’opérations « combinées », où l’infanterie et la marine travaillèrent de concert afin de capturer des objectifs primordiaux. Face à la puissante Royal Navy britannique, la marine militaire des États-Unis sut se montrer capable de porter la guerre en haute mer et gagner des engagements.

Ceci ne constitue que quelques épisodes du volet naval de la Guerre de 1812. Il y en eut d’autres, mais notons simplement que, certes, les Britanniques eurent bien des maux de tête en luttant contre les navires américains ci-dessus mentionnés, mais cela ne fut rien, pour ainsi dire, en comparaison du danger que représenta pour leur commerce la piraterie américaine en haute mer. Vers novembre 1812, les pirates opérant pour le compte du gouvernement américain avaient capturé par moins de 150 navires marchands britanniques uniquement dans les eaux du Golfe du Saint-Laurent au Canada. Pendant toute la guerre, ce furent environ 500 navires-pirates américains qui saisirent quelque 1,300 navires marchands britanniques. Le blocus établi le long des côtés américains n’empêcha nullement les pirates de voguer en haute mer jusqu’en Europe. Cela eut d’ailleurs comme conséquence de faire tripler les frais d’assurance des transports intercontinentaux dans le contexte plus large des guerres napoléoniennes, sans compter que l’opinion publique britannique commença à s’énerver du fait que la Royal Navy, en apparence la plus puissante du monde, ne parvint pas à enrayer la menace de ces petites embarcations pirates américaines.

La modification des buts de guerre

La poursuite des hostilités et la difficulté à obtenir une décision militaire contraignirent l’Angleterre à repenser sa stratégie, notamment en ce qui a trait à ses buts de guerre. L’Angleterre avait certes obtenu du succès dans sa lutte contre la France napoléonienne en Europe, mais les États-Unis continuèrent à la défier. En clair, il appert que les Britanniques connurent des difficultés à faire une évaluation adéquate de la situation politico-militaire de l’ennemi américain.

Autrement dit, et contrairement à ce qui était véhiculé à Londres, les Américains, dans l’ensemble, ne semblèrent pas totalement insatisfaits de la gestion de la guerre de leur président Madison. De plus, il semble évident, après coup, que Londres sous-estima les forces militaires américaines en plus de surévaluer la qualité des siennes. Par conséquent, l’Angleterre modifia ses buts de guerre afin de les adapter à la situation du moment. De la stricte défense de l’actuel Canada, l’Angleterre mesura désormais ses gestes afin de les aligner vers un réajustement de la future frontière avec les États-Unis.

Concrètement, cela signifia que l’Angleterre chercherait à étendre le territoire de l’actuel Nouveau-Brunswick et du Haut-Canada dans le but d’inclure une plus large portion du Maine et de la vallée du Lac Champlain en poussant une pointe à Plattsburgh (État de New York). Londres tenterait aussi d’assoir son contrôle naval sur les Grands Lacs, en plus d’ajouter les actuels territoires du Michigan et du Wisconsin au Haut-Canada, tout en voyant à ce que la Louisiane soit retournée à l’Espagne.

Pour réaliser ces objectifs assurément ambitieux, Londres chercha d’abord à sécuriser les Grands Lacs avec des renforts terrestres et navals venus d’Europe. Ensuite, lancer une expédition au Maine, mener des raids sur la côte atlantique (en mettant l’emphase sur la Baie de Chesapeake) puis, enfin, capturer les villes de Mobile et de la Nouvelle-Orléans. Ajoutons à cela qu’un peu plus tard, lors des négociations de paix à Gand en Belgique, l’équipe de négociateurs britanniques reçut également comme instructions d’exiger que les territoires militairement occupés demeurent la possession de Londres.

L’autre problème majeur, nous semble-t-il, que les Britanniques ne surent pas voir dans l’immédiat, fut que l’armée américaine de 1812 et celle de 1815 n’était plus du tout la même. Il ne s’agissait plus de cette force mal dirigée, mal entraînée et mal équipée. Par exemple, des batailles livrées dans la péninsule du Niagara en 1814, dont Chippawa (5 juillet) et Lundy’s Lane (25 juillet), montrèrent la ténacité et l’endurance de l’armée du major-général américain Jacob Brown face à une force de réguliers britanniques. De plus, l’échec des Britanniques à mener à terme le siège du Fort Érié (août-septembre) confirma l’incapacité des Britanniques à sécuriser cette région stratégique en 1814. Il est vrai que les Britanniques défendirent avec succès l’important Fort Mackinac, en plus de garder le contrôle des Lacs Michigan et Supérieur. Ainsi, le théâtre des Grands Lacs demeura dans une impasse au courant de 1814.

Cette même année, le Gouverneur Général Prevost reçut des instructions d’avancer ses forces vers Plattsburgh. Pour ce faire, Londres lui fournirait quelque 10,000 soldats aguerris. L’année 1814 en fut également une de « course à l’armement», dans la mesure où les belligérants se lancèrent dans la construction effrénée de navires de guerre. Bref, Prevost avança vers Plattsburgh, mais il refusa d’attaquer la garnison américaine composée de quelques réguliers et surtout de miliciens sous les ordres du brigadier-général Alexander Macomb, du moins jusqu’à ce que l’escadron naval du capitaine George Downie vienne à bout de la flotte ennemie à Plattsburgh Bay. Downie échoua, en plus de perdre à l’ennemi d’importants navires de guerre (11 septembre). Constatant la défaite en mer, Prevost se résigna à abandonner le projet de prendre Plattsburgh et ordonna la retraite vers le Canada.

La guerre d’usure

Croquis représentant des soldats britanniques marchant devant un édifice en flammes lors de l’occupation de Washington (D.C.) en 1814.

L’Angleterre allait-elle abandonner la lutte? Sûrement pas, du moins si l’on se fit à l’arrivée en théâtre d’opérations du très agressif vice-amiral Sir Alexander Cochrane, le nouveau commandant du secteur de l’Atlantique Nord. Cochrane effectua divers raids le long de la côté américaine, de Chesapeake Bay jusqu’à la Nouvelle-Angleterre, allant même jusqu’à proposer d’étendre la manœuvre plus au sud vers la Caroline du Sud et la Géorgie, dans le but ici d’appuyer les Creeks et les esclaves noirs. Cette stratégie d’ensemble, en apparence désintéressée de la part des Britanniques, avait comme objectif, ambitieux certes, de mettre en colère l’opinion publique américaine contre son gouvernement. C’est en ce sens que le lieutenant-général Sir John Sherbrooke, gouverneur de la Nouvelle-Écosse, dirigea une opération combinée avec la Royal Navy afin de sécuriser une tête-de-pont sur la rivière Penobscot (Maine actuel, alors au Massachusetts). Cette avancée avait un objectif politique très clair, soit de contraindre les États-Unis à modifier la frontière Maine-Nouveau-Brunswick afin d’y aménager une route terrestre plus directe vers la vallée du Saint-Laurent.

Plus importante par contre, à notre avis, fut cette autre manœuvre britannique visant cette fois à l’exécution de raids directement contre la capitale Washington et Baltimore. En août 1814, Londres dépêcha le major-général Robert Ross et le contre-amiral George Cockburn dans la baie de Chesapeake. L’imposante force britannique vainquit l’armée américaine à la bataille de Bladenburg au Maryland, le 24 août. Les Britanniques eurent alors la voie libre et marchèrent sur Washington, dont ils brûlèrent plusieurs édifices publics et propriétés privées. Par contre, les Américains parvinrent à défendre Baltimore (12-14 septembre), ce qui inspira l’écriture de l’hymne national américain, tel que mentionné en introduction. La principale conséquence des opérations dans la baie de Chesapeake fut la diversion de fantassins et de marins américains des Grands Lacs, relâchant du coup la pression sur les Haut et Bas Canada.

Le même mois, les Britanniques encaissèrent successivement trois défaites importantes, soit à Fort Érié, Plattsburgh et Baltimore, ce qui obligea Londres à chercher une issue politique au conflit, tout en adoucissant ses termes à la table des négociations. La paix fut conclue à Gand (Belgique) le 24 décembre 1814, dans une optique de statu quo ante bellum.

Conclusion

Cette paix signée en Belgique nous donne l’impression, dans une optique nord-américaine, voire canado-centriste, que la Guerre de 1812 se limita au théâtre d’opérations du nord-est, soit autour des Grands Lacs et de la vallée du Saint-Laurent. Or, nous l’avons déjà brièvement évoqué, les États-Unis voulurent profiter des hostilités contre l’Angleterre pour saisir l’important et riche territoire qu’était la Floride espagnole, qui était aussi reconnue comme une source d’appuis aux Amérindiens et un refuge pour les esclaves noirs en fuite. Les Américains capturèrent Mobile en avril 1813. De plus, lorsque les Creek massacrèrent la garnison du Fort Mims (Alabama, août), les États limitrophes du Tennessee, de la Géorgie et de l’actuelle Louisiane dépêchèrent des troupes pour leur faire face. En dépit d’une bravoure et d’une ténacité exemplaires, les Creeks furent vaincus par la milice du Tennessee sous les ordres du major-général Andrew Jackson à la bataille de Horseshoe Bend, le 27 mars 1814. Cet épisode fit probablement réaliser aux Britanniques qu’ils auraient dû intervenir plus tôt dans le théâtre sud, celui du Golfe du Mexique, ne serait-ce que pour aider les Amérindiens à mieux diriger leurs coups et nuire à l’effort de guerre américain.

À l’évidence, le temps jouait en faveur des Américains, ce que l’épisode de la bataille de Baltimore avait confirmé, puisque leur armée avait fait la démonstration qu’elle était capable de, non seulement, porter de rudes coups, en plus de contraindre l’adversaire à engager davantage de ressources. Les Britanniques étaient-ils prêts à prendre ce risque, en 1814? On peut en douter, et ce, même si Cochrane poursuivait ses raids à l’utilité douteuse (ex: la défaite britannique à Fort Boyer, baie de Mobile, le 15 septembre). D’ailleurs, mentionnons qu’en ce début d’année de 1814, les Britanniques avaient subi une désastreuse défaite dans la région de la Nouvelle-Orléans, les privant déjà du point d’appui nécessaire pour mener une campagne à partir du sud.

En somme, et comme mentionné, la Guerre de 1812 trouva sa conclusion au Traité de Gand du 24 décembre 1814. Les belligérants acceptèrent de revenir au statut géopolitique d’avant les hostilités. Faisant quelques milliers de morts de part et d’autre, cette guerre laissa un goût amer dans chaque camp, si bien que l’on peut légitimement se demander à quoi elle servit.

Pour les Britanniques, à très peu de choses. Quant aux Américains, ceux-ci y vengèrent probablement un certain « honneur national », tandis que les Canadiens, eux, y gagnèrent un certain sentiment d’unité bien relatif.

Virginien d’abord: portrait de la carrière militaire du général Robert E. Lee

Introduction

Dans le contexte des commémorations entourant le 150e anniversaire des événements liés à la Guerre de Sécession aux États-Unis (1861-1865), certains noms continuent de forcer l’admiration du public et des historiens. Parmi ces figures désormais légendaires se trouve celle du général Robert Edward Lee (1807-1870), dont la carrière militaire et le destin se confondent avec une page d’histoire des États-Unis qui, nous le pensons, divise encore aujourd’hui la nation américaine.

Robert E. Lee naquit en Virginie et gradua à la célèbre académie militaire de West Point, où il se classa au second rang de la promotion de 1829. Avant que ne débute la Guerre civile, on peut dire que sa carrière militaire fut marquée par trois principaux mandats. Il servit d’abord à la frontière du Texas, puis comme superintendant à West Point et, enfin, comme officier d’active lors de la Guerre américano-mexicaine. Comme officier d’état-major du général Winfield Scott durant la campagne mexicaine, Lee (alors capitaine d’une troupe d’ingénieurs) sut se distinguer et se faire remarquer pour ses capacités à commander et analyser rapidement des situations au combat.

1861: choisir son camp

Au moment où sa Virginie natale fit sécession du reste de l’Union en avril 1861, Lee avait déjà atteint les plus hauts échelons de la hiérarchie militaire. Qui plus est, il refusa même le poste de commandant en chef des forces fédérales (Nord), démissionna et prit la décision d’accepter à la place le poste de commandant des forces sécessionnistes de Virginie. Ce faisant, Lee allait, non sans surprise, accéder aux plus hautes fonctions de la hiérarchie militaire des États confédérés et ainsi avoir une forte influence sur la prise des décisions stratégiques (ce qui lui était quasiment acquis dès l’automne de 1861).

En juillet de la même année, le président confédéré Jefferson Davis lui confia un difficile mandant, soit celui de ramener l’ordre au sein du corps des officiers confédérés de la Virginie-Occidentale miné par les rivalités, la partisanerie politique et les querelles quant à la stratégie à adopter affectèrent leurs qualités opérationnelles. En fait, Lee ne savait trop comment exécuter cette mission, étant incertain quant à la nature de sa propre autorité et assisté par des officiers qui eux-mêmes étaient des novices souvent incompétents. Par ailleurs, Lee savait fort bien que le sentiment de la population de la Virginie-Occidentale penchait plutôt du côté de l’Union, si bien qu’au final, la mission fut un échec.

Toujours en 1861, en novembre, le président Davis dépêcha Lee afin de diriger ce qu’on appela alors le Département de la Caroline du Sud, de la Géorgie et de la Floride, poste qu’il occupa jusqu’en mars 1862. Là, et avec un peu plus de succès, Lee fut chargé d’améliorer les défenses côtières. Compte tenu du peu de ressources à sa disposition, Lee sut malgré tout doter la région de défenses en apparence crédibles, ce qui de toute évidence sut attirer à nouveau l’attention de Davis qui le transféra cette fois à Richmond (Virginie) au printemps. Sans doute que cette nouvelle affectation le séduisit davantage, puisqu’il allait prendre le commandement des forces militaires de cet important État confédéré, en plus de combattre sur sa terre natale. Mais Lee n’allait pas avoir l’entière liberté d’action, dans la mesure où ses gestes seraient scrutés de près par les hommes du président Davis.

La naissance d’un tacticien

Comme dans toute campagne militaire, l’évolution rapide des événements et le hasard donnèrent à nouveau à Lee une opportunité de se faire valoir. Le 31 mai 1862, lors de la bataille de Seven Pines, le commandant de l’armée confédérée chargée de protéger Richmond, le général Joseph E. Johnston, fut grièvement blessé. Le président Davis se tourna vers Lee pour le remplacer, le temps que Johnston achève sa convalescence. Cette porte qui s’entrouvrit à Lee lui fournit l’occasion de remanier la structure de commandement et la stratégie d’ensemble sur le théâtre d’opérations virginien.

D’abord, Lee prit conscience de l’importance d’accoler à ses hommes une identité, une « marque de commerce », pour employer une expression moderne. Il rebaptisa et regroupa ses forces sous le nom d’Armée de la Virginie du Nord (Army of Northern Virginia) et il entreprit aussitôt une campagne d’une année, où il livra des batailles d’un caractère exceptionnel qui forcèrent l’admiration. Vers la fin de juin 1862, Lee entama une campagne connue sous le nom de Seven Days’ Battles. Bien qu’il ne put anéantir les imposantes forces de son adversaire nordiste, le général George B. McClellan, Lee put néanmoins repousser temporairement ce dernier en dehors des environs immédiats de Richmond, malgré que les pertes enregistrées furent importantes.

Lorsque les forces de l’Union sous le commandement de John Pope menacèrent à nouveau Richmond en ce même été, Lee fit équipe avec le célèbre général Stonewall Jackson, où ils infligèrent une humiliante défaite à l’adversaire à la seconde bataille de Mannassas/Bull Run près de Washington, du 28 au 30 août 1862. En fin stratège, Lee vit l’opportunité de poursuivre l’ennemi vaincu et ainsi porter le front de l’autre côté du fleuve Potomac, la barrière naturelle qui sembla protéger la capitale fédérale.

L’idée de porter la guerre au Nord fut audacieuse à ne pas en douter. Le général virginien savait que cette opération ne se ferait pas sans risque. Certes, elle menacerait directement la capitale adverse, mais ses maigres ressources militaires ne lui permettraient pas de protéger sa propre capitale. Par ailleurs, un incident hors de son contrôle faillit entraîner son armée vers un désastre lorsqu’une copie de ses ordres destinés à ses subordonnés tomba entre les mains de McClellan. Ce faisant, McClellan put coincer Lee sur le Potomac, avec le fleuve dans son dos, limitant sérieusement du coup sa marge de manœuvre.

Peinture de Mort Kunstler montrant Lee et les généraux Longstreet et Jackson en train d’analyser la situation le 29 août 1862, lors de la seconde bataille de Manassas. Bien qu’étant le commandant en chef, Robert Lee avait la réputation d’un général à l’écoute des recommendations de ses subordonnés.

C’est là que Lee prit une décision qui nous apparaît juste, bien qu’audacieuse et fort risquée. Ayant des troupes déjà fatiguées par de longues marches issues de précédentes et infructueuses manœuvres vers Washington, Lee choisit de rester sur place, avec le Potomac dans le dos, et de livrer une bataille défensive en attendant que l’ennemi arrive. D’un strict point de vue logistique, ce fut la bonne décision à prendre, car le Potomac représente un obstacle considérable à franchir (ce n’est pas un ruisseau) et Lee ne souhaita pas placer son armée dans une position de vulnérabilité, le dos à l’ennemi. Par conséquent, ses ingénieurs militaires furent affectés à la construction d’ouvrages défensifs plutôt que de pontons. Le résultat d’ensemble fut un match nul (mais pas une défaite), à savoir la bataille d’Antietam/Sharpsburg du 17 septembre 1862, sans doute la journée la plus sanglante jusqu’à présent dans l’histoire militaire des États-Unis.

Naturellement, Lee et son armée auraient pu y rester. D’aucuns seraient tentés de dire qu’il a été chanceux, mais la vérité est que Lee possédait un sens aigu des réalités, notamment en ce qui a trait à sa capacité de juger de la préparation de ses hommes au combat. Antietam fut un massacre, mais l’issue incertaine offrit à l’armée de Lee une porte de sortie vers le sud, dans ce qui apparut comme une retraite en ordre vers la Virginie. Bien que fortement réduite en nombre, cette armée était encore capable de combattre en cette fin de 1862.

En face, le début de la saison hivernale vit le remplacement de McClellan à la tête des forces de l’Union en Virginie par le général Ambrose Burnside. Celui-ci entreprit aussitôt de marcher à nouveau vers Lee, une marche que le Virginien n’eut guère de difficulté à arrêter net compte tenu de l’ineptie de son adversaire. Ce dernier commit la folie de prendre d’assaut la cité de Fredericksburg, où Lee était bien retranché sur les hauteurs, avec de bons ouvrages défensifs, des hommes expérimentés et équipés, ayant à tirer sur des forces ennemies avançant en rangs serrés.

La guerre d’usure

Lee était-il un général invincible? On serait porté à le croire, d’autant qu’au printemps suivant, il continua d’accumuler les succès militaires face à un autre général de l’Union, Joseph Hooker, à Chancellorsville (1er au 4 mai 1863). Là encore, Lee fit preuve d’une maîtrise tactique exemplaire, où son association avec le général Jackson mentionnée précédemment offrit aux États confédérés une autre brillante victoire. Malheureusement pour Lee, il apprit dans les heures qui suivirent la bataille une fort triste nouvelle. Le général Jackson fut victime d’un tir ami durant les affrontements et mourut quelques jours plus tard après avoir été amputé d’un bras.

La perte de ce précieux collaborateur ne ralentit pas Lee, qui marcha à nouveau vers le Nord, à travers le Maryland jusqu’en Pennsylvanie. À Gettysburg, Lee fit à nouveau face à ses vieux adversaires du Potomac sous les ordres du très capable George G. Meade. Ce qui alla devenir la plus importante bataille de la Guerre civile américaine en terme d’effectifs engagés vit le général Lee attaquer vigoureusement du 1er au 3 juillet 1863, mais sans pour autant obtenir la victoire cette fois. Au contraire, les forces de Lee furent saignées à blanc sous une grêle de balles et d’obus, mais comme à Antietam l’année précédente, il parvint à retraiter au Sud en un bon ordre relatif, pour revenir dans le théâtre habituel d’opérations en Virginie.

Peinture de Mort Kunstler montrant le général Lee (à droite) accompagné de son célèbre collaborateur mort de ses blessures à la bataille de Chancellorsville: Stonewall Jackson.

C’est ici qu’il est important, à notre avis, de marquer une pause et rappeler un élément essentiel de la carrière militaire du général virginien. Alors que Gettysburg sembla avoir sonné le glas du destin des États confédérés, la guerre se poursuivit néanmoins pendant encore presque deux ans. Pourquoi? L’une des réponses pouvant expliquer cette « endurance » des États confédérés réside précisément dans la capacité du général Lee à conduire avec succès des opérations avec les moyens du bord. Par « succès », soyons clairs, nous entendons ici tout engagement où Lee parvint à sortir son armée de la bataille avant l’anéantissement et à lui conserver une capacité opérationnelle. Antietam et Gettysburg sont révélateurs à cet égard.

Cependant, il ne faut pas oublier que la période post-Gettysburg (automne 1863 jusqu’à la fin des hostilités en avril 1865) en fut une autre de remarquables réussites pour Lee. Des réussites défensives, certes, mais des succès tout aussi importants pour le destin de la Confédération. Le Virginien allait affronter cette fois un ennemi nettement plus dangereux en la personne du général Ulysses S. Grant, qui venait de prendre le commandement des forces de l’Union au lendemain de Gettysburg. Contrairement à ses prédécesseurs, Grant était parfaitement conscient de la lourdeur de ses propres troupes, de leurs difficultés à manœuvrer avec la même aisance que celles de Lee. Grant fut aux prises avec un « beau problème », dans la mesure où ses effectifs furent nettement supérieurs à ceux de son adversaire, ce qui amena précisément une congestion et d’autres difficultés associées aux déplacements de groupes d’hommes sur le terrain. En ce sens, Lee tenait fermement les rênes de son armée et il put, en quelques occasions et pour un certain temps, choisir le terrain de bataille. La résultante fut un prolongement de la guerre de plus d’une année, en plus d’accroître la protection autour de Richmond.

Fixé par Grant: la fin

Un adversaire de taille pour Lee: le général Ulysses S. Grant.

Lee et Grant s’affrontèrent à plusieurs reprises en mai et en juin de 1864, dans ce qui fut connu sous l’appellation de la Campagne terrestre (Overland Campaign ou Wilderness Campaign). Les pertes de l’Union furent nettement supérieures, mais elle sortit victorieuse. Plus important encore, Grant était parvenu à fixer le gros des forces confédérées à deux endroits en Virginie: Richmond et Petersburg. Tout n’était désormais qu’une question de temps avant que le Sud ne capitule, en principe.

Toujours en appliquant à ses forces délabrées le précepte du maintien d’un minimum de cohésion et de capacités opérationnelles (comme il le faisait depuis 1861), Lee put prolonger la résistance jusqu’au 2 avril 1865. Contraint d’abandonner Richmond ce jour-là, il prit la fuite vers l’ouest, mais Grant le rattrapa rapidement et le força à capituler à Appomattox Court House la semaine suivante.

Conclusion

Comme dans bien des épisodes de l’Histoire militaire, le sort d’une nation ou d’une entité collective est associé de près au destin personnel de ses dirigeants. L’étude de cas du général Lee que nous venons de survoler n’y fait pas exception. Sans aucun doute, le général Lee, qui ne fut pas un militariste, ni un belliciste au sens propre du terme (mais surtout un homme attaché à sa Virginie natale), fut largement reconnu comme ayant été l’un des plus brillants généraux de la Confédération et de l’histoire des États-Unis.

Pourquoi? Parce que Lee fut capable de faire beaucoup avec peu. Tout simplement. Mais plus encore, comme nous l’avons mentionné, il avait ce que nous appelons un « sens aiguisé » de la bataille, à savoir cette faculté à évaluer d’emblée une situation sous tous ses angles (effectifs, équipements, moral, terrain, ennemi en présence, etc.).

Lee a-t-il commis des erreurs? Bien entendu. On pense entre autres à sa décision, à Gettysburg, d’avoir fait attaquer la division du général Pickett (12,500 fantassins) lors d’une charge demeurée célèbre, mais combien désastreuse et controversée. D’ailleurs, Lee s’en excusa auprès de ses hommes, Pickett ne lui pardonna jamais, mais l’épisode a marqué la mémoire collective américaine.

Le général Robert E. Lee (1807-1870) / Mort Kunstler.

Nous concluons sur cette citation qui nous semble le mieux décrire la personne que fut le général Robert Edward Lee. Elle est extraite d’une allocution prononcée par l’historien américain Benjamin Harvey à Atlanta en 1874:

« (General Lee) was a foe without hate; a friend without treachery; a soldier without cruelty; a victor without oppression, and a victim without murmuring. He was a public officer without vices; a private citizen without wrong; a neighbour without reproach; a Christian without hypocrisy, and a man without guile. He was a Caesar, without his ambition; Frederick, without his tyranny; Napoleon, without his selfishness, and Washington, without his reward[1]. »

Voir aussi:

Lincoln, Commandant en Chef des armées, ou l’exercice de la Présidence en temps de guerre

Bonjour à tous,

Je vous présente cette semaine une excellente entrevue faisant partie d’une série intitulée Conversations with History et réalisée par M. Harry Kreisler de l’Université de Berkeley. Celui-ci s’entretient avec M. James M. McPherson, professeur émérite d’histoire de l’Université de Princeton et spécialiste de la Guerre civile américaine.

La discussion porte sur l’un des ouvrages de M. McPherson ayant pour titre Trial by War, une fort pertinente monographie de la présidence d’Abraham Lincoln. L’entrevue aborde une série de sujets, notamment les qualités qui ont défini la présidence et le leadership de Lincoln, comment en est-il venu à concevoir, sinon inventer, un rôle de Commandant en Chef des armées des États-Unis, de même que l’évolution de sa politique nationale relativement à l’épineuse question de l’esclavage.

Par ailleurs, une portion importante de l’entretien se concentre sur l’objectif général qu’avait Lincoln de préserver l’Union et comment il orienta sa stratégie militaire pour y parvenir. La discussion soulève également la complexité des relations qu’entretint le Président avec ses généraux, en plus de la réflexion et des circonstances qui l’amenèrent à suspendre pour un temps l’habeas corpus et la création de tribunaux militaires pour juger des civils.

Le professeur McPherson dresse un bilan des leçons que l’on puisse tirer de la gestion de la guerre par Lincoln, Commandant en Chef des armées, tout en établissant des parallèles avec la conduite de la guerre à une époque contemporaine.

Bon visionnement!

La guerre « à l’américaine »: entretien avec le Dr. Victor Hanson

Bonjour chers lecteurs,

J’inaugure une nouvelle catégorie pour ce blogue que j’intitule simplement Entretiens & biographies.

Le but étant de présenter périodiquement de courtes biographies de grands personnages de l’histoire militaire ainsi que des entretiens avec des spécialistes réputés.

Je débute avec un entretien réalisé avec un historien militaire et universitaire de réputation internationale, le Dr. Victor Hanson.

D’emblée, le Dr. Hanson y va d’une affirmation voulant que la pratique de la guerre se révèle indissociable de la condition humaine. Par la suite, Hanson développe un argumentaire sur les particularités d’une soi-disant « approche américaine » de la guerre.

Bon visionnement!

La Première Guerre du Golfe (1991)

Introduction

La Première Guerre du Golfe, mieux connue dans la culture populaire sous l’appellation d’Opération Desert Storm, fut une campagne militaire multinationale conduite du 17 janvier au 3 mars 1991 dans le but de libérer l’Émirat du Koweït de son occupation par les forces irakiennes. En effet, la cause immédiate du déclenchement des hostilités réside dans l’invasion du Koweït par l’Irak le 2 août 1990. Cette agression par l’armée de Saddam Hussein, qui comprit alors plus de 1,5 million de soldats et environ 6,000 chars d’assaut, constitua une menace directe au Royaume d’Arabie Saoudite ainsi qu’à toute la zone productrice de pétrole se trouvant à l’ouest du Golfe Persique. Les forces koweïtiennes tentèrent tant bien que mal de résister, mais elles furent rapidement écrasées par un ennemi largement supérieur en nombre. Trois jours après le début de l’invasion, le Koweït fut rayé de la carte.

Été 1990: la donne stratégique

Hormis l’invasion d’août 1990, les causes ayant amené le déclenchement de cette guerre dans le Golfe Persique sont plus complexes qu’elles n’en paraissent. Saddam Hussein avait déclaré à maintes reprises que le Koweït appartenait historiquement à l’Irak. Cependant, l’agression de Hussein fut aussi justifiée par d’autres intentions. La prise du Koweït signifierait pour l’Irak un élargissement notable de son accès à la mer. Qui plus est, le Koweït était le principal créancier de l’Irak puisqu’il avait prêté à son dictateur d’énormes sommes dans le but de financer sa guerre contre l’Iran entre 1980 et 1988. Bien qu’elle émergea du conflit en prétendant l’avoir remporté, l’Irak se trouva dans l’impossibilité de rembourser son créancier en lui devant environ 17 G$ américains, sans compter un autre 25 G$ emprunté à l’Arabie Saoudite et à d’autres États du Golfe.

Autrement dit, l’annexion du Koweït annulerait cette dette, tout en envoyant aux autres États du Golfe un message clair à l’effet de ne pas se montrer trop pressés, ni exigeants, dans le remboursement. Enfin, le contrôle du Koweït ferait de l’Irak une puissance majeure sur la scène internationale avec la possession du cinquième de la production pétrolière mondiale (soit plus d’un milliard de barils par an), tout en plaçant les forces militaires irakiennes en position de frapper éventuellement l’Arabie Saoudite et ses champs pétrolifères, qui eux fournissaient le quart du pétrole mondial.

Saddam Hussein crut que les Nations-Unies (ONU) seraient impuissantes à répliquer face à ses actions, outre des protestations d’usage. En fait, sa seule crainte fut face à la réaction des États-Unis, mais selon l’analyse qu’il fit de l’expérience américaine au Vietnam, il sentit que les Américains n’oseraient pas le confronter militairement, surtout s’il fallut que le sang américain soit versé. Dans les deux cas, Saddam se trompa lourdement.

Le calcul politique fait par Saddam Hussein lors de l'invasion du Koweit par son armée en août 1990 reposait sur la soi-disant inaction militaire des États-Unis. Il eut tort sur ce point, mais il sous-estima également les capacités de la communauté internationale de l'époque à se mobiliser pour mettre un terme à l'agression.

De Desert Shield à Desert Storm: « vendre » la cause de l’intervention

La réponse militaire américaine survint dès le premier jour de l’invasion du Koweït à l’été de 1990. Sous la direction d’ensemble du président de l’époque Georges H. W. Bush, le général Norman H. Schwarzkopf, le commandant du U. S. Central Command (CENTCOM), ordonna aux forces déployées au Moyen-Orient d’empêcher d’éventuels mouvements de l’armée irakienne vers l’Arabie Saoudite et vers d’autres États du Golfe. Ainsi, plusieurs porte-avions de la marine américaine furent envoyés dans la région, tandis que des éléments des forces spéciales de l’aviation, de la 82e Division aéroportée et d’une brigade de Marines furent dépêchés d’urgence en Arabie Saoudite. Cette grande opération défensive de dissuasion de l’été de 1990 reçut le nom de code Desert Shield.

Alors que les forces américaines continuèrent de s’organiser, le Conseil de Sécurité de l’ONU condamna l’invasion du Koweït et imposa des sanctions économiques contre l’Irak le 6 août. Ce geste fut le premier d’une série de treize résolutions du Conseil de Sécurité, la plupart ayant été votées à l’unanimité et sans aucun vote de dissension. Les résolutions déclarèrent illégales les actions irakiennes au Koweït, tout en imposant un blocus économique et demandant aux États membres de l’ONU leur assistance afin de mettre en application ces résolutions.

Cette étonnante unanimité affichée au Conseil de Sécurité se traduisit également au sein de l’Assemblée Générale. Il est probable que dans ce dernier cas, une partie de la réponse réside dans le fait que même si les États du Tiers Monde (comme on les appelait à l’époque) affichèrent fréquemment un certain niveau d’hostilité envers les États-Unis, ils considérèrent que le respect des frontières interétatiques revêtait une dimension sacro-sainte à ne violer en aucun moment. De plus, les États arabes interprétèrent l’agression de Saddam Hussein comme une violation flagrante de la solidarité arabe.

Le 29 novembre, à la suite d’efforts diplomatiques du président Bush, du président égyptien Hosni Moubarak et du roi Fahd d’Arabie Saoudite, le Conseil de Sécurité de l’ONU envoya à l’Irak un ultimatum lui demandant d’avoir retiré ses troupes du Koweït au plus tard le 15 janvier 1991. Ce faisant, cette nouvelle résolution permit d’utiliser tous les moyens nécessaires, par une coalition de nations qui prit rapidement de l’expansion, advenant que l’Irak refuse de se plier à l’ultimatum. Toutefois, à mesure qu’approcha la date butoir, l’Administration Bush (qui se rappela très bien à quel point l’absence de consensus national avait créé de sérieux problèmes sur le front intérieur lors de la Guerre du Vietnam) prit la peine de forger l’opinion publique américaine pour qu’elle appuie d’éventuelles opérations militaires visant à libérer le Koweït.

C’est ainsi que le secrétaire d’État James A. Baker, le secrétaire à la Défense Richard Cheney et le chef d’état-major des armées, le général Colin Powell, travaillèrent avec diligence dans leur plaidoyer en faveur d’une intervention militaire des États-Unis. Non sans surprise, ces efforts officiels et officieux suscitèrent de nombreux et virulents débats. L’argumentaire de Baker, Cheney et Powell reposa sur cette idée que le support quasi unanime de la communauté internationale constitua en soi un facteur pouvant conditionner l’appui domestique à l’intervention. En janvier 1991, après des mois de virulents débats, le Congrès des États-Unis passa une résolution conjointe qui accorda au président l’autorisation du recours à la force militaire contre l’Irak. Qui plus est, nombreux furent les sénateurs et les représentants ayant voté contre la résolution à déclarer publiquement qu’ils appuyèrent moralement les troupes, ce qui constitua pour ainsi dire un renforcement du front intérieur, ce dont avait exactement besoin l’Administration Bush.

Les cerveaux derrière l'intervention américaine dans le Golfe, de gauche à droite: Richard Cheney (secrétaire à la Défense), James Baker (secrétaire d'État), le président George H. W. Bush, Brent Scowcroft (conseiller du président à la Sécurité nationale) et le général Colin Powell (chef d'état major des armées).

Simultanément, le président Bush et son administration travaillèrent à forger un consensus international en faveur de l’intervention. Il s’impliqua personnellement dans l’affaire avec son secrétaire Baker et le résultat fut qu’ils purent former une coalition d’États qui iraient combattre les Irakiens. Les États-Unis n’allèrent donc pas partir seuls à la guerre. Ultimement, trente-cinq nations contribuèrent militairement à la coalition, avec les États-Unis, l’Arabie Saoudite, l’Égypte, la Grande-Bretagne, la France et la Syrie parmi les plus importants fournisseurs de troupes pour la campagne. Pour commander toutes ces forces, le général Schwarzkopf établit un quartier-général intégré avec le lieutenant-général saoudien Khalid ben Sultan, qui assuma le commandement de la force combinée interarmes arabo-islamique de la coalition. Schwarzkopf et Sultan dirigeraient conjointement la campagne terrestre, aérienne et maritime contre les forces irakiennes, dans ce qui devint le théâtre koweïtien des opérations. Au moment où l’ultimatum onusien expira, la coalition alliée contre Saddam Hussein atteignit une force de 700,000 soldats, dont 540,000 furent fournis par les États-Unis.

Desert Storm: l’assaut aérien

À mesure que les forces alliées débarquèrent en théâtre d’opérations, la planification de l’offensive alla bon train. Cette dernière se divisa en quatre phases. Les trois premières furent entièrement orientées vers une vaste offensive strictement aérienne afin d’affaiblir les appareils politiques, économiques et militaires de l’Irak. Quant à la quatrième phase, elle consisterait en une offensive terrestre visant à encercler et détruire les forces ennemies déployées au Koweït et dans la partie sud de l’Irak.

L’offensive aérienne débuta vers 2 heures, le matin du 17 janvier 1991, avec une escadre combinée comprenant des avions de la force aérienne et des hélicoptères de la 101e Division aéroportée américaine. Cette escadre fut chargée de conduire un raid en profondeur derrière les lignes ennemies afin de détruire deux centres de commandement irakien de batteries antiaériennes. Dans cette attaque, qui ne dura officiellement que quatre minutes, les Américains ouvrirent une brèche de 10 kilomètres dans le dispositif « parapluie » antiaérien de l’ennemi. Dans ce périmètre dépourvu de défenses s’engouffrèrent des centaines d’appareils et de missiles de croisière qui purent frapper au cœur du système de commandement militaire irakien dans et autour de Bagdad.

Pendant les semaines qui suivirent, la cadence et l’intensité du bombardement aérien allié furent infernales. Le bombardement finit par anéantir le dispositif irakien de défense antiaérienne, ce qui permit ensuite de concentrer les frappes sur les réseaux de communications, les édifices gouvernementaux, les usines d’armement, les raffineries, les ponts et les routes stratégiques. À la mi-février, les Alliés changèrent la direction de l’attaque aérienne afin de la concentrer cette fois contre les forces terrestres ennemies au Koweït et dans le sud de l’Irak, détruisant par le fait une série de fortifications et de chars d’assaut, des éléments cruciaux du système défensif ennemi au sol. Cette offensive aérienne d’envergure, qui totalisa pas moins de 2,000 sorties quotidiennes et qui balança environ 80,000 tonnes de munitions sur l’ennemi, se poursuivit sans relâche pendant 38 jours, ouvrant ainsi la voie pour une autre offensive aérienne et terrestre visant à expulser les forces irakiennes du Koweït.

Précédant l'assaut terrestre, les Alliés débutèrent leur offensive dans le Golfe Persique en janvier 1991 par une série de raids aériens visant à détruire systématiquement les défenses antiaériennes, les systèmes de communication, de commandement, de même que les infrastructures politiques, économiques et militaires irakiennes.

La campagne terrestre

Dans cet ordre d’idées, les évaluations faites par les Alliés du dispositif irakien dans et autour du Koweït firent état de la présence d’éléments appartenant à 43 divisions différentes totalisant 500,000 hommes, ce qui inclut un contingent substantiel de la sinistre Garde Républicaine, la force personnelle de sécurité de Saddam Hussein. Pour affronter cette armée, le général Schwarzkopf ordonna à la 3e Armée américaine de déployer ses deux corps, préalablement mobilisés depuis une période de six mois (à partir de bases aux États-Unis et en Europe), quelque peu à l’ouest de la frontière irako-koweïtienne.

Le plan de la coalition impliqua un vaste encerclement partant de la partie sud du front initial (Koweït), tout en faisant un grand mouvement en faux vers la gauche (ouest), dans le but de frapper les forces irakiennes sur leur flanc gauche et ultimement couper leur voie de retraite vers l’Irak. Ensuite, le 7e Corps américain, qui constitua une lourde force comprenant plusieurs divisions blindées et mécanisées (incluant la 1ère Division blindée britannique), devait percer les défenses irakiennes et faire mouvement au nord sur un large front à l’ouest de la frontière irako-koweïtienne.

Plus à l’ouest encore, le 18e Corps aéroporté (qui comprit deux divisions aéroportées américaines et la 6e Brigade Légère blindée française pour protéger l’extrémité du flanc gauche exposé) devait à son tour effectuer une grande manœuvre de flanquement et attaquer profondément les arrières de l’ennemi afin d’empêcher ses réserves de rejoindre le front. Simultanément, deux divisions du Corps des Marines (renforcées par une brigade de chars de l’Armée de terre) et les forces alliées arabes attaqueraient les défenses irakiennes le long de la frontière Koweït-Arabie Saoudite afin de libérer la capitale de Koweït City.

Comme le montre cette carte, le plan du général Schwarzkopf consista à faire croire à l'ennemi à un assaut direct vers le Koweit par le déploiement de ses forces vis-à-vis celles des Irakiens. À la dernière minute, les Alliés entreprirent un vaste mouvement en pince vers la gauche (ouest) et, combiné avec un appui aérien de tous les instants, ils prirent à revers l'ensemble des forces de Saddam Hussein.

En conséquence, l’offensive terrestre débuta au matin du 24 février 1991. Les Alliés percèrent rapidement les défenses irakiennes et avancèrent à un rythme accéléré et soutenu. Les Irakiens tentèrent de donner la réplique par des tirs d’artillerie, mais leurs canons furent rapidement détruits par des tirs de contre-batterie et un appui aérien tactique efficaces. À peine entamée, l’offensive alliée causa une onde de choc dans les rangs irakiens dont les soldats capitulèrent en masse.

En trois jours, les Alliés reprirent Koweït City et la vaste manœuvre de flanquement par la gauche fut couronnée de succès, si bien que leurs forces avancèrent de 200 kilomètres en Irak, attaquant ainsi les réserves irakiennes à l’arrière du front. Au 27 février, les Alliés avaient détruit la presque totalité des unités de la Garde Républicaine, la force d’élite irakienne, une fois que celle-ci tenta en vain d’offrir une résistance au sud de Basra, au sud-est de l’Irak. Par le temps que le président Bush annonça officiellement un cessez-le-feu à 8 heures, le matin du 28 février, toute résistance irakienne dans le théâtre d’opérations irako-koweïtien s’était effondrée. La guerre terrestre avait duré pas plus d’une centaine d’heures.

Au moment de l’annonce du cessez-le-feu, on rapporta que 42 des 43 divisions irakiennes engagées furent anéanties ou sérieusement atteintes. Environ 25,000 soldats irakiens furent tués (quoiqu’ici les sources varient entre 8,000 et 100,000 décès liés au combat), 85,000 furent prisonniers, tandis qu’au moins 100,000 hommes désertèrent. Quant à la coalition, ses pertes furent relativement légères. Environ 250 de ses soldats furent tués au combat depuis le début de la campagne aérienne, dont 148 Américains.

Rapidement éliminée du ciel, l'aviation irakienne ne put porter assistance aux forces terrestres qui furent harcelées sans relâche par l'aviation alliée. En plein désert, les chars et véhicules blindés irakiens furent livrés en pâture.

Conclusion

Bien que quelques combats sporadiques se poursuivirent entre les forces alliées et les forces irakiennes qui essayèrent de s’échapper, les pourparlers pour un cessez-le-feu définitif, tenus le 3 mars à Safwan (sud-est irakien), mirent un terme à la phase de combat de l’opération Desert Storm. Dans ce contexte, rappelons que la décision de mettre fin à la guerre fut dictée par un ensemble de facteurs. Il y eut d’abord une montée des inquiétudes dans la communauté internationale concernant les maux et privations de toutes sortes infligés à la société irakienne. Ensuite, à mesure que les forces de la coalition resserrèrent l’étau autour de l’armée irakienne, les craintes d’être victimes de « tirs amis » s’accrurent, ce qui en soi fut une source d’inquiétude, dans la mesure où il fut estimé qu’environ le quart des pertes américaines furent attribuables à ce genre d’incidents.

Un autre incitatif résida dans la nature des contraintes politiques avec lesquelles la guerre fut menée. L’ONU avait autorisé le recours à la force pour expulser les Irakiens du Koweït et, à la fin de la journée du 27 février, cette mission avait été accomplie. Aller au-delà, dans une tentative de renverser Saddam Hussein, aurait créé des difficultés et des tensions au sein de l’organisation onusienne, de même que parmi les partenaires arabes de la coalition.

Au lendemain du cessez-le-feu définitif du 3 mars 1991, les forces de l’ONU firent mouvement au Koweït afin de protéger le petit État d’une autre agression irakienne. Bien que la guerre fut une victoire militaire incontestée pour la coalition, Saddam Hussein resta au pouvoir, dans un État policier toujours aussi solide, malgré les désastres encaissés par son armée. En fait, le dictateur irakien put librement tourner son attention afin de réprimer brutalement les révoltes internes chiites et kurdes, et ce, sans que la communauté internationale ait pu effectivement intervenir.

Enfin, les termes de la paix dictée par la coalition internationale spécifièrent notamment que l’Irak devrait ouvrir ses frontières afin que ses installations et programmes nucléaires, chimiques et biologiques puissent être inspectés régulièrement. Par contre, les années suivantes virent Saddam Hussein mettre des bâtons dans les roues des inspecteurs internationaux. Cela amena ultimement la communauté internationale à voter maintes sanctions contre son régime, tout en mettant sur la table, d’une certaine manière, les conditions du déclenchement d’une Seconde Guerre du Golfe en 2003.