La campagne de Normandie (1944)

Introduction: la donne stratégique

Célèbre photo du caporal Victor Deblois de St-Georges-de-Beauce (Régiment de la Chaudière) tenant en joue des prisonniers allemands (juin 1944).

1944. Les forces alliées à l’ouest de l’Europe avaient convenu depuis longtemps de la nécessité d’une invasion du continent dès que les conditions militaires, logistiques et météorologiques le permettraient. Pour leur part, les Soviétiques réclamaient également, depuis au moins trois ans, l’ouverture de ce fameux second front afin de réduire la pression allemande à l’Est. Cependant, les Britanniques avaient des réticences et des doutes quant à la faisabilité d’une telle opération de débarquement sur les côtes de la France. On se souvenait trop bien du désastre du raid de Dieppe d’août 1942, qui avait été mené par l’un des partenaires de l’Empire britannique, le Canada.

En effet, l’assaut sur Dieppe par des éléments d’une division canadienne et un commando britannique avait échoué avec de lourdes pertes. L’opération ratée avait illustré la panoplie des problèmes logistiques, dont celui de la traversée de la Manche. Dès lors, les planificateurs stratégiques réalisèrent que les prochaines vagues d’assaut auraient besoin d’être appuyées par des véhicules blindés spécialement conçus pour ce genre d’opération, de même que d’être transportées par des péniches permettant une attaque amphibie.

Cela dit, si l’on se ramène à un niveau stratégique, l’idée même d’un débarquement sur les côtes ouest de l’Europe était dans l’air depuis un certain temps. Ce fut surtout à partir de la conférence de Casablanca de janvier 1943 que Churchill et Roosevelt s’entendirent à l’effet que les Alliés allaient maintenir la pression sur les Allemands. Leur stratégie d’ensemble reposait essentiellement sur trois éléments.

La conférence de Casablanca (1943). De gauche à droite, le général Giraud, le président Roosevelt, le général de Gaulle et le premier ministre Churchill.

Le premier consistait en un assaut prévu à l’été en Méditerranée, c’est-à-dire un débarquement dans la péninsule italienne. Ensuite, on s’était entendu pour maintenir et intensifier la cadence de l’offensive aérienne contre l’Allemagne. Enfin, le moment venu, un débarquement en France serait tenté. Bien que la conférence de Casablanca ne permit pas de nommer sur le champ un commandant suprême pour une opération en France, on confia néanmoins au lieutenant-général britannique Frederick Morgan, le dirigeant du Chief of Staff to Supreme Allied Commander (COSSAC), le soin de préparer des plans d’invasion avec comme date exécutoire le 1er mai 1944.

Logistique et tromperie

Le lieutenant-général Frederick Morgan, l’un des artisans d’Overlord.

L’état-major du COSSAC envisagea deux principaux sites d’invasion en France: le Pas de Calais, qui se trouvait de l’autre côté de la Manche en son point le plus exigu, puis la Normandie. On opta finalement pour le second site. L’argument de base reposait sur le fait que la Normandie paraissait, d’une part, être un endroit moins naturel pour un débarquement, compte tenu de la distance beaucoup plus éloignée et, d’autre part, le secteur était moins bien défendu. À cela, il faut ajouter la possibilité de capturer rapidement le port de Cherbourg et, bien que le théâtre d’opérations soit plus loin que celui du Pas-de-Calais, la Normandie demeurait à l’intérieur du rayon d’action de l’aviation alliée basée en Angleterre. Par ailleurs, la Normandie se situait vis-à-vis la côte anglaise et de ses nombreux ports, ce qui faciliterait le ravitaillement des troupes débarquées.

Le général Morgan croyait qu’à elle seule la capture du port de Cherbourg nécessiterait un délai de deux semaines et qu’entre temps les conditions météorologiques de la Manche rendraient plus ardu le ravitaillement des troupes sur la plage. D’ailleurs, dans le but de remédier aux difficultés logistiques, deux immenses ports artificiels flottants (les Mulberries) seraient remorqués en France. Conscient par conséquent de l’imposante contrainte logistique, le général Morgan s’était allié toutes les technologies et les compétences nécessaires à la réussite de cette gigantesque opération amphibie. À cet égard, il avait fait appel à son ancien collègue sorti de la retraite, le major-général Percy Hobart, un pionnier de l’arme blindée, afin de prendre le commandement d’une division composée de funnies, ces véhicules spécialement conçus pour aider les assaillants à débarquer sur la plage et avancer à travers les défenses ennemies.

Une partie d’un port artificiel (Mulberry) érigé sur la côte normande en 1944 afin d’assurer le ravitaillement des forces terrestres sur le continent. À noter les batteries anti-aériennes installées sur la structure supérieure.

À l’élément logistique, il fallait ajouter celui de la tromperie. En effet, le plan naval de l’opération portait le nom de code NEPTUNE, celui de l’offensive en tant que telle OVERLORD, puis un troisième allait porter le nom de code FORTITUDE. L’idée à la base de ce dernier plan consistait à faire croire aux Allemands que le Pas de Calais serait le lieu du débarquement et que l’opération en Normandie ne serait qu’une diversion.

Concevoir l’invasion

Les plans de l’invasion du continent européen se peaufinèrent au cours de l’année 1943 jusqu’au moment où, en décembre, le général américain Dwight Eisenhower fut nommé commandant suprême des forces alliées avec comme adjoint le maréchal de l’air britannique Arthur Tedder. D’ailleurs, fait étonnant s’il en est un, tous les autres commandants adjoints d’Eisenhower pour l’opération étaient britanniques. Par exemple, les forces navales étaient sous les ordres de l’amiral Bertram Ramsay, celles au sol (le 21e Groupe d’Armées) sous le commandement du maréchal Bernard Montgomery et, enfin, l’aviation sous la direction du maréchal de l’air Trafford Leigh-Mallory.

Parmi ces officiers, Montgomery ne s’était pas gêné pour critiquer certains aspects du plan d’invasion préparé par le COSSAC, notamment celui de la dotation en troupes pour l’assaut initial qu’il jugeait insuffisante. Montgomery fit pression afin que l’on fasse passer à cinq le nombre de divisions d’infanterie qui allaient donner l’assaut. Ces divisions seraient réparties en différents secteurs d’est en ouest face à la plage. Cette première vague d’assaut était donc composée de deux divisions américaines, deux divisions britanniques et une division canadienne. Leurs flancs seraient protégés par trois divisions aéroportées, soit la 6e Division aéroportée britannique à l’est de la zone d’opération, puis les 82e et 101e Divisions aéroportées américaines à l’ouest.

Dans le but que l’invasion réussisse, il fallait l’appuyer par toute une série de manœuvres opératoires, que certains jugeront au final secondaires, mais qui eurent malgré tout leur importance, ne serait-ce qu’au niveau de la diversion engendrée. À titre d’exemple, notons l’important travail réalisé par la résistance française sur le terrain afin d’amasser un maximum d’informations à jour sur la zone d’invasion.

Préalablement au débarquement, la résistance française joua un rôle important dans la collection d’informations, de même que lors d’opérations de sabotage des lignes de communication ennemies.

Il faut également considérer les opérations aériennes préalablement menées afin d’observer le dispositif défensif de l’ennemi, sans négliger la collecte d’informations qui, une fois le tri fait et les sources confrontées, permettaient d’établir un portrait général de la situation sur le terrain. À cela, ajoutons des attaques aériennes sporadiques contre les lignes de communication ennemies (chemins de fer et routes) en divers endroits. Le but de ces derniers assauts était de ne pas privilégier la Normandie, histoire de ne pas éveiller les soupçons de l’ennemi.

Le temps, la tromperie et la logistique constituaient trois éléments fondamentaux au succès potentiel de l’opération. Le temps fut en effet une variable importante, ne serait-ce qu’en considérant le moment propice dans l’année où il fallait attaquer (idéalement l’été), puis la lenteur à monter une force d’invasion d’ampleur. À cet effet, Montgomery avait demandé encore plus de péniches d’assaut, ce qui forcément allait reporter la date de l’invasion, qui passa du 1er mai au 5 juin 1944. Pour sa part, l’opération FORTITUDE prit son rythme de croisière, ce qui persuada les Allemands que les Américains sous le commandement du général George Patton étaient positionnés au sud-est de l’Angleterre, fin prêts pour une invasion du Pas-de-Calais.

Un char d’assaut de type Sherman gonflable utilisé dans le cadre de l’opération FORTITUDE.

La perspective allemande

Les Allemands savaient qu’une invasion du continent était imminente. Leurs forces en France, en Belgique et aux Pays-Bas, sous les ordres du commandant en chef à l’Ouest Gerd von Rundstedt, comprenaient le Groupe d’Armées G, au sud de la France, puis le Groupe d’Armées B au nord sous les ordres d’Erwin Rommel. La 7e Armée, appartenant à ce dernier Groupe, occupait le front de la Normandie, puis la 15e Armée s’était vue confier la défense du Pas de Calais, de la Belgique et des Pays-Bas.

Les Allemands travaillaient au renforcement de leurs dispositifs défensifs sur le continent, en particulier avec la construction du fameux Mur de l’Atlantique à partir de 1942. L’ampleur de la tâche à exécuter inquiéta Rommel, qui faisait des pressions afin que s’accélèrent les travaux. Sa propre expérience des combats en Afrique du Nord l’avait persuadé que la théorie alors enseignée dans les manuels militaires quant à la mise en place de dispositifs défensifs contre des assauts amphibies ne tiendrait pas la route sur le front normand. En effet, la théorie générale de l’époque enseignée aux généraux allemands consistait vaguement à l’identification de la principale menace, puis concentrer les réserves nécessaires pour la contrer.

Le maréchal Rommel inspectant le dispositif du Mur de l’Atlantique.

Par conséquent, Rommel était d’avis que cette manière de voir les choses ne fonctionnerait pas en Normandie, pour la simple raison que les Alliés contrôlaient totalement le ciel, si bien que les manœuvres au sol (surtout en plein jour) étaient dangereuses. De plus, le maréchal allemand pensait qu’une invasion ennemie devait être immédiatement arrêtée sur la plage, ce qui signifiait que, tant pour les Alliés que pour les Allemands, le premier jour de la campagne militaire serait déterminant.

Cependant, il s’avéra que von Rundstedt et le commandant du Panzergruppe West, le général Geyr von Schweppenburg, étaient en désaccord avec la vision de Rommel. Leur thèse, qui essentiellement contredisait la sienne quant à la faisabilité de repousser une invasion dès le premier jour, s’appuyait sur un seul argument, mais un de taille. En partant du principe que l’appui des divisions blindées situées en Normandie et dans le Pas de Calais était vital, leur utilisation nécessitait au préalable le consentement personnel de Hitler. Dans les faits, Rommel ne disposait à sa guise que d’une seule division blindée de qualité moyenne, la 21e Panzer, qu’il pouvait immédiatement utiliser sans demander quelconque permission.

Au niveau stratégique, l’autre facteur qui jouait à la défaveur des généraux allemands à l’ouest était que la majorité des ressources de l’armée étaient consacrées au front est. Le commandement à l’ouest n’avait à sa disposition que peu de divisions parfaitement opérationnelles. La plupart des unités n’étaient pas à effectifs complets et dépendaient largement du cheval comme principal moyen de transport. Par ailleurs, nombre de ces divisions étaient composées de soldats « étrangers » (non allemands), dont des prisonniers de guerre soviétiques qui parlaient très peu la langue de Goethe.

Quant au ravitaillement des troupes, notons que les bombardements de l’aviation alliée menés depuis quelques années avaient affecté, dans une certaine mesure, la production industrielle d’armements. Quoiqu’on en dise sur l’efficacité de ces raids aériens, ils forcèrent le commandement allemand à consacrer d’importantes ressources humaines et matérielles à la défense anti-aérienne du Reich, le tout au détriment des différents fronts terrestres. D’ailleurs, la plupart des escadrons de chasse allemands étaient affectés à la couverture aérienne de l’Allemagne, et non à celle des autres fronts comme la Normandie.

Des soldats allemands des fameuses divisions de Panzer-SS, celles dont Rommel aurait bien eu besoin le Jour J.

L’assaut

La mauvaise température contraignit Eisenhower à repousser de 24 heures l’invasion prévue le 5 juin. Le soir même, les prévisions météorologiques n’étaient guère encourageantes, si bien que le général américain fut confronté à une grave décision. Le matin du 5 juin, il convoqua son état-major à Southwick House, près de Portsmouth, afin d’informer ses généraux que le Jour J serait prévu pour le lendemain, et ce, peu importe les caprices de la nature.

Ce faisant, Eisenhower ordonna aux 5,000 embarcations maritimes de larguer leurs amarres et aux parachutistes de monter dans leurs appareils pour des largages qui débuteraient aux alentours de minuit, le 6 juin. C’est dans ce contexte que les premiers accrochages entre les soldats alliés et allemands eurent lieu, lorsque des soldats britanniques transportés par planeurs parvinrent à sécuriser des ponts près de Caen et de la rivière Orne au nord de la capitale normande.

Peu de temps après, les divisions aéroportées américaines furent larguées et, bien qu’elles furent largement dispersées (avec nombre d’hommes perdus en mer ou noyés dans les rivières), elles parvinrent à semer la confusion dans le commandement allemand. Celui-ci était en effet indécis, dans la mesure où son chef Rommel était parti en permission en Allemagne et que plusieurs des officiers supérieurs de la 7e Armée étaient absents pour des exercices militaires à Rennes.

Carte des opérations en Normandie en 1944. On y voit les principaux secteurs de débarquement du Jour J, de même que les zones de parachutage. Les villes et dates indiquent les lieux des principaux engagements qui suivirent le débarquement, jusqu’à la libération de Paris à la fin d’août 1944.

Les opérations aéroportées entreprises dans la nuit furent suivies tôt le matin par l’assaut amphibie principal. Les Britanniques et les Canadiens débarquèrent sur la plage dans des secteurs aux noms de code de GOLD (brit.), JUNO (can.) et SWORD (brit.) (voir la carte). L’opération anglo-canadienne se déroula somme toute conformément à ce qui était prévu, bien que la pénétration à l’intérieur de terres fut par la suite beaucoup plus difficile que ce qui avait été anticipé (la 3e Division britannique ayant échoué à capturer Caen le premier jour).

De leur côté, les troupes américaines qui prirent d’assaut la plage UTAH à l’extrémité ouest de la ligne de front progressèrent rapidement avec peu de pertes en cette première journée. Cependant, les Américains qui débarquèrent à OMAHA furent accueillis par un feu d’enfer qui faillit compromettre le succès de l’invasion, d’autant que leurs véhicules blindés furent détruits ou coulés. D’ailleurs, il ne faut pas oublier que ces forces d’assauts ne disposaient pas d’autant de véhicules spécialisés dans les assauts amphibies comme en possédaient les Britanniques.

Image tirée du film « Il faut sauver le soldat Ryan » montrant l’horreur des combats dans le secteur d’Omaha Beach le 6 juin 1944.

En dépit des difficultés rencontrées à OMAHA, la première journée du débarquement en Normandie fut considérée comme un succès. Environ 150,000 soldats alliés étaient déployés et la contre-offensive tant attendue de la part des Allemands ne parvint pas à se matérialiser. La 21e Panzer, seule division blindée à la disposition immédiate de Rommel, se trouvait tout près du secteur SWORD et de la zone de parachutage près de l’Orne, mais elle ne fut engagée que de longues heures après le début du débarquement.

Pendant les jours qui suivirent, les Alliés firent la liaison entre les différentes têtes de pont à la suite du débarquement. Pour leur part, les Américains entreprirent la capture de la péninsule du Cotentin, tandis que les Britanniques tentèrent le premier d’une série d’assauts pour prendre Caen bien défendu. D’ailleurs, la célèbre 7e Division blindée britannique (les Rats du Désert), avec son expérience de l’Afrique, connut maintes difficultés à manœuvrer dans le difficile terrain du bocage, si bien qu’elle fut battue lors de la bataille de Villers-Bocage du 12 au 14 juin.

L’un des objectifs majeurs, le port de Cherbourg, tomba à la fin de juin, mais les installations étaient si endommagées qu’il fallut des mois pour les réparer. Ce n’était que le début de longues frustrations pour les Alliés. La pire d’entre elles était probablement la résistance qu’exerçaient les Allemands dans et autour de Caen. Les Britanniques avaient lancé du 24 au 30 juin l’opération EPSOM, qui visait essentiellement à prendre la capitale normande par le flanc ouest. Encore une fois, les progrès étaient bien lents et les combats d’une rare violence.

Un objectif du Jour J, la ville de Caen ne tomba qu’un mois et demi plus tard.

La guerre en Normandie: usure et immobilisme

Les caractéristiques de la bataille pour la Normandie, où l’intensité des combats ressemblait par moment à s’y méprendre à celle de la guerre de 1914-1918, n’étaient que trop évidentes. Il faut d’abord considérer que les Alliés avaient à leur disposition une quantité de ressources que les Allemands ne purent jamais égaler, ni même s’en approcher. Les Alliés étaient même parvenus à maintenir un minimum de ravitaillement des troupes, malgré une tempête qui détruisit le port artificiel américain et qui endommagea sévèrement celui des Britanniques.

Par ailleurs, l’aviation anglo-américaine fit des ravages dans les unités allemandes en partance pour le front, si bien qu’elle rendit leurs mouvements sur le champ de bataille presque impossible en plein jour. Malgré tout, cette supériorité matérielle des forces alliées ne pouvait immédiatement compenser pour leur manque relatif d’expérience du combat, qui eut un impact non négligeable par moment sur le moral des troupes dans la campagne normande. En effet, la particularité du bocage, présent surtout dans l’ouest de la Normandie, favorisait les défenseurs et on pouvait même se demander, à l’état-major d’Eisenhower, si les difficultés du terrain n’allaient pas compromettre l’ensemble des opérations.

Des soldats américains à plat ventre dans le bocage normand. Ces hautes haies épaisses favorisent la défense et la précaution est toujours de mise face aux tireurs embusqués.

Ces doutes quant à l’issue de la campagne étaient partagés à l’état-major allemand, mais pour d’autres raisons. En plus d’une carence évidente en ressources, il y avait assurément des problèmes au niveau du haut commandement. Par exemple, Hitler déplorait le manque d’énergie et le pessimisme de von Rundstedt, qui fut bientôt remplacé par Günther von Kluge, un officier qui arriva plein de confiance en théâtre d’opérations, mais qui désenchanta rapidement à son tour. De son côté, Rommel avait été grièvement blessé lors d’une attaque aérienne le 17 juillet, sans compter que trois jours plus tard, l’attentat à la bombe raté visant à tuer Hitler ne fit qu’accroître les tensions entre ce dernier et ses officiers supérieurs.

Toujours dans l’optique des problèmes de direction, les Alliés connurent leur lot d’ennuis. À titre d’exemple, le rôle de Montgomery lors de cette campagne se prête à la controverse. Le maréchal britannique croyait en l’importance de « fixer » les divisions blindées allemandes à l’est, tandis que les Américains feraient face à moins de résistance pour percer à l’ouest. En clair, les forces anglo-canadiennes allaient absorber, en principe, le principal choc des meilleures troupes ennemies. Un mois après le débarquement, Montgomery était confronté à une impasse militaire, à savoir que Caen était toujours aux mains des Allemands.

Toujours dans le bocage normand, des soldats britanniques font face aux Waffen-SS dans le cadre de l’opération GOODWOOD (19 juillet 1944).

C’est alors que Montgomery se trouva sous pression et il dut lancer une opération de dégagement le 18 juillet sous le nom de code GOODWOOD. Trois divisions blindées allaient prendre Caen par l’est, le tout précédé par une offensive aérienne d’envergure. Bien que Montgomery ne sembla pas de cet avis, les historiens ont par la suite critiqué GOODWOOD, qualifiant même cette opération de « désastre ». En effet, les forces anglo-canadiennes perdirent en l’espace de quelques heures plus de 6,000 hommes et 400 blindés, sans qu’aucune percée du front ne soit obtenue. Montgomery n’accordait pas tant d’importance au résultat de l’offensive. Ce qui lui importait, c’était d’attirer sur son front les réserves allemandes, donnant ainsi au général Omar Bradley, le commandant de la 1ère Armée américaine, la marge de manœuvre nécessaire pour la percée.

La percée

Par conséquent, Bradley mit au point l’opération COBRA qui débuta le 25 juillet à l’ouest de Saint-Lô. Les objectifs initiaux étaient modestes, mais le lieutenant-général Joseph Collins, qui commandait le 7e Corps sous Bradley, réalisa la percée tant attendue et exploita la brèche jusqu’à Avranches. Ce déblocage du front à l’ouest de la Normandie permit également au commandement américain de se réorganiser. L’arrivée massive de renforts permit l’activation de la 3e Armée sous les ordres du général George Patton, tandis que le général Courtney Hodges remplacerait Bradley à la 1ère Armée, qui lui-même prendrait le commandement du nouveau 12e Groupe d’Armées.

Une autre figure emblématique de la bataille de Normandie, le général américain George Patton.

Agressif et parfaitement rompu aux tactiques de la guerre mobile, le général Patton semblait être l’homme de la situation. Sitôt la percée réalisée par Collins, Patton déploya ses troupes vers la Bretagne, tout en n’hésitant pas pour en disperser vers l’est si une opportunité de percée se présentait. Cette guerre mobile dans laquelle combattaient les Américains ne semblait pas avoir d’égal sur le front anglo-canadien qui stagnait, toujours autour de Caen.

Les Britanniques avaient pris le point stratégique du Mont Pincon et les Canadiens montèrent deux assauts méthodiques, soit les opérations TOTALIZE et TRACTABLE, le long de la route Caen-Falaise. Ce renouvellement d’assauts combinés anglo-canadiens permit enfin de prendre Caen et de percer momentanément le front à l’est de la Normandie. Face à la situation, Hitler ordonna que soit montée une contre-offensive afin de briser ce fragile équilibre, dans le secteur de Mortain, dans le but de disloquer le dispositif allié à la jonction du front anglo-américain. En dépit de progrès initiaux le 7 août, l’assaut tourna rapidement au désastre pour les Allemands, dont les forces croulèrent sous le poids des assauts venant du ciel.

La fin de la campagne

En ce mois d’août de 1944, les troupes allemandes se trouvèrent au piège dans une poche autour de Falaise. Les Américains avancèrent à partir du sud, alors que les Britanniques, les Canadiens et une division blindée polonaise en firent de même au nord. Malgré que les Alliés furent quelque peu lents à fermer la poche, ce qui permit à plusieurs milliers de soldats allemands déterminés de s’échapper, la bataille de Falaise fut le point culminant de la campagne de Normandie.

L’aviation anglo-américaine fut sans pitié face aux colonnes de l’armée allemande qui s’aventurèrent sur les routes à découvert, comme en témoigne ce cliché pris lors de la bataille de la poche de Falaise à la fin de la campagne de Normandie (août 1944).

Les Allemands avaient perdu la majorité de leurs canons et véhicules blindés, essentiellement en raison de la supériorité aérienne de leurs ennemis. La chute de Falaise ouvrit la route vers Paris, qui fut libéré le 25 août, et le front se déplaça rapidement vers le Rhin. Ainsi s’acheva la campagne de Normandie. La défaite allemande était sérieuse en elle-même, et elle prenait davantage d’ampleur si on l’ajoute à une autre défaite majeure subie sur le front de l’Est, où le Groupe d’Armée Centre fut anéanti lors de l’offensive soviétique du nom de code BAGRATION.

La position stratégique de l’Allemagne devenait dès lors intenable à partir de la fin de l’été de 1944. Ce n’était désormais plus qu’une question de temps avant que ne s’effondre le Reich.

Lorsque la porte de la péniche s’abaisse, les soldats sortent et avancent vers la plage. L’écran de fumée au loin les dissimulent partiellement. Entre temps, au moment jugé opportun, l’ennemi ouvrira le feu.

Une réflexion sur “La campagne de Normandie (1944)

  1. La campagne de Normandie (1944)

    « de plus, le maréchal allemand pensait qu’une invasion ennemie devait être immédiatement arrêtée sur la plage »

    Il avait tort, tout comme nous en 1940 de promouvoir une défense en ligne et non pas en quelques points forts en profondeur car cette défense sur les plages était à la portée des grosses pièces de marine Anglaise.

    Il m’a été dit que l’artillerie de marine était terriblement précise et d’une portée non négligeable, 20 km. Il me semble avoir lu que des chars Allemand qui le jour J s’étaient aventurés vers les plages au nord de Caen se sont retrouvés retournés comme des crêpes, ces chars se seraient d’ailleurs enterrés en position défensive et fixe par la suite. Contrairement aux Américains, lors de l’assaut des plages, la coordination avec les pièces de marine semble avoir été remarquable coté Anglais. Le soldat anglais garde en souvenir les tirs tendus au dessus de leur tête et les commentaires d’Anglais que j’avais accompagné sur ces plages semblent être celui d’une promenade militaire. Illustration de la précision des tirs des pièces de marine, lors du débarquement, un navire Français a détruit une casemate d’artillerie par un coup direct dans l’embrasure.

    La supériorité aérienne des Alliés était probablement mieux gérable en Normandie, nombreuse forêts, couvert forestier que dans le désert Libyen.

    Dans un cadre offensif, la concentration des moyens anti aérien semblerait avoir été négligée par les Nazis.

    Les esprits ont trop été marqués par les images de convoi allemand détruits par l’aviation car contraints à une retraite en plein jour.

    L’aviation Anglaise était méfiante sur les camouflages, ma mère a vécu le piqué d’un avion allié sur un tombereau chargé de foin, en agitant leurs chapeaux ils ont évité le mitraillage.

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