Ypres: le baptême de feu
L’arrivée au front des troupes canadiennes de la 1ère Division s’effectua dans la nuit du 2 au 3 mars 1915, dans le secteur d’Armentières-Fleurbaix non loin de la frontière belge. Les Canadiens partagèrent le secteur avec les forces britanniques (4e et 6e divisions du IVe Corps) qui leur montrèrent les rudiments de la vie dans les tranchées, avant de les laisser à eux-mêmes, face aux Allemands.

Le premier mois passé au front fut relativement tranquille et la division canadienne fut transféré au nord en Belgique, dans le secteur du saillant d’Ypres. La division canadienne releva la 11e Division de l’armée française, qui se trouvait à l’extrême gauche de la ligne de front occupée par l’armée britannique en Belgique. La division canadienne avait dans un premier temps été assignée au Ve Corps de la Seconde armée britannique. À la droite des Canadiens se trouvait la 28e Division britannique, à la gauche la 45e Division algérienne de l’armée française.
C’était en face de ces forces en présence que les troupes allemandes lancèrent un assaut contre les positions françaises et une partie du front de la division canadienne le 22 avril 1915 à Ypres. L’assaut allemand était appuyé d’une nouvelle arme: le chlore. En effet, les Allemands avaient répandu dans l’air du chlore contenu dans quelque 5,730 cylindres installés sur le rebord de leurs tranchées, prêts à être relâchés au moindre signe de vent favorable. C’était la première fois que cette arme était utilisée sur le front Ouest.
Les forces algériennes avaient rapidement reculé, prises de panique, laissant derrière elles un grand nombre de soldats tués ou suffoquant sous les effets du chlore. La situation était critique, car en reculant, les forces algériennes avaient laissé ouvert un large trou sur la ligne de front, si bien que la gauche de la division canadienne était à flanc ouvert et pouvait être prise à revers à tout moment. Dans le but de boucher le trou, les Canadiens ont dû rapidement se redéployer sur une nouvelle ligne de tranchées construites à la hâte le long de la route de Saint-Julien et Poelkapelle (voir la carte). Par conséquent, les Canadiens avaient dû étirer dangereusement leur front, au risque de l’amincir, le rendant ainsi plus vulnérable à d’éventuelles percées ennemies.

Heureusement pour les Alliés, les Allemands ne parvinrent pas à exploiter cet avantage, notamment parce qu’eux-mêmes n’étaient pas préparés à exploiter une situation dont le succès initial les avait aussi surpris. Par surcroît, les actions des forces canadiennes avaient permis de gagner du temps et même de lancer quelques contre-attaques fort coûteuses en des points précis du front.

Forte de 12,000 fantassins, la division canadienne mena un combat désespéré du 22 au 25 avril 1915, moment le plus fort de la Seconde bataille d’Ypres (la Première ayant eu lieu dans le même secteur en octobre 1914, avant l’arrivée des Canadiens). Pendant ces trois jours, la division canadienne fut impliquée dans des combats continus, ce qui laissa du temps aux Britanniques de se réorganiser et d’y envoyer à leur tour des renforts afin de soulager le front canadien. Le gros de l’orage était passé au matin du 25 avril, mais les Canadiens restèrent dans le secteur pour encore deux jours.

Les Canadiens étaient sortis de leur premier engagement majeur la tête haute et avec une excellente réputation. Le haut commandement britannique avait publiquement fait l’éloge de la division canadienne, qui avait littéralement empêché une défaite initiale de se transformer en déroute. Les faits d’armes n’ont pas manqué. Par exemple, quatre Croix de Victoria furent décernées à des soldats canadiens. Parmi eux, on note le lance-caporal Fisher (13e bataillon), le premier récipiendaire de la division. Il avait été tué le 24 avril, le lendemain après l’annonce officielle de sa décoration. Sa dépouille n’a jamais été retrouvée et, par conséquent, son nom fut gravé sur la Porte de Ménin, en Belgique, avec les 7,000 autres soldats canadiens tués dans ce petit pays et qui n’ont pas de sépultures connues.
Au cours des trois semaines pendant lesquelles la division canadienne fut dans le saillant d’Ypres, elle enregistra des pertes d’environ 6,000 hommes. De ce nombre, un peu plus de 2,000 avaient été tués.
La levée d’une nouvelle division: la 2e
Trois jours après que le premier contingent eut quitté le Canada à l’automne de 1914, le gouvernement Borden avait offert d’en lever un second d’environ 20,000 hommes. De sérieux problèmes de logements et de transports du côté de l’Angleterre ont retardé le déploiement de ce deuxième contingent qui ne traversa l’Atlantique qu’en mai 1915. Du côté canadien, le manque de canons a également contribué à retarder la formation, l’entraînement et le déploiement du second contingent.
La levée d’un second contingent représentait la création de 15 nouveaux bataillons, dont trois parmi ce nombre furent envoyés directement en renfort de la 1ère division au front au début de 1915. Les 12 bataillons restants furent organisés en tant que « 2e Division », elle aussi découpée en trois brigades correspondant autant que possible aux régions géographiques de recrutement. Par exemple, la 4e brigade (la « 4e brigade » originale faisait partie du premier contingent, mais elle avait été dissoute en Angleterre afin de fournir des renforts à la 1ère Division au front) venait de l’Ontario, la 5e brigade comprenait des bataillons du Québec et des Maritimes (dont le 22e bataillon canadien-français) et l’Ouest était représenté par des bataillons formant la 6e brigade.
Le second contingent arriva en Angleterre en mai 1915 et fut officiellement constitué en 2e division à la fin du mois. La 2e Division fut une première fois déployée dans la région de Shorncliffe sous le commandement du major-général Samuel Steele, un officier de 65 ans qui avait combattu lors des raids des Fenians vers 1870. En raison de son âge avancé, il n’a pas accompagné la division en France et il fut remplacé par le brigadier-général Turner, qui commandait alors la 3e brigade de la 1ère Division.
Entre temps, la 2e division complétait son entraînement dans la région de Shorncliffe dans des conditions de loin meilleures, tant au point de vue climatique qu’environnemental, que ce qu’avait connue la 1ère division quelques mois auparavant. Comme c’était la coutume, le Roi, en compagnie de son ministre de la Guerre Lord Kitchener, avait inspecté la 2e Division le 2 septembre et le transport de celle-ci en France s’effectua du 13 au 17 septembre. La division avait débarqué à Boulogne et Le Havre. Elle fut ensuite transportée par train et à pied dans la région de Hazebrouck en Belgique. Jusqu’au début de 1916, une partie de l’artillerie de la 2e Division était britannique, en raison du manque de canons pour les Canadiens, tel qu’évoqué précédemment.

La formation d’un Corps d’armée
Avec l’arrivée de la 2e Division au front, il fut décidé de regrouper l’ensemble des forces afin de former le « Corps canadien » qui fut au départ commandé par le lieutenant-général britannique Alderson. Son poste à la tête de la 1ère Division fut comblé par le brigadier-général Currie, qui fut remplacé à la tête de la 2e brigade de la 1ère Division par le lieutenant-colonel Lipsett, l’ancien commandant du 8e bataillon (1ère Division).

La formation du nouveau Corps canadien amenait un problème épineux, soi le manque d’officiers d’état-major compétents. Non sans surprise, une bonne partie des postes à l’état-major du Corps furent dans un premier temps comblés par des officiers britanniques.
Bien que le Corps canadien ne fut considéré comme réalité qu’à partir de septembre 1915, le débat autour de sa création datait de plusieurs mois déjà et la formation existait sur le papier dès le mois de juin. Au moment où la 2e Division arrive en France, les effectifs du Corps canadien se situaient autour de 38,000 hommes.
En plus de l’infanterie endivisionnée, le Corps comprenait la Brigade de cavalerie (Lord Strathcona’s Horse, Royal Canadian Dragoons et un régiment britannique spécial nommé, le 2nd King Edward’s Horse) et quatre unités de Canadian Mounted Rifles converties en bataillons d’infanterie. À cela le Corps se vit ajouter quelques bataillons supplémentaires d’infanterie, dont le PPCLI (alors avec la 27e Division britannique) et le RCR (anciennement aux Bermudes) qui arriva en France en novembre 1915. Ces derniers renforts allaient amener la création d’une 3e Division sous les ordres du major-général Mercer.
La 3e Division et la fin de l’année 1915
La décision de lever une troisième division avait été prise à l’été de 1915. Les 7e, 8e et 9e brigades allaient former cette nouvelle division. Ce n’est qu’au début de 1916 que la 3e Division était à effectifs complets, dans la mesure où elle était opérationnelle, malgré que son artillerie fut au départ fournie par les Britanniques, et ce, jusqu’à l’été de 1916.
Toutes proportions gardées, on peut affirmer que l’année 1915 (et en particulier la Seconde bataille d’Ypres) fut la plus terrible pour les soldats canadiens en termes de pertes et d’apprentissage de la guerre moderne. Les soldats canadiens avaient commis les mêmes erreurs que les autres belligérants (des attaques en rangs serrés, de mauvaises tranchées, une mauvaise utilisation de l’équipement disponible, etc.) et firent face aux mêmes réalités pénibles de la guerre de positions.

De plus, la publication des listes des pertes avait alarmé le public canadien. Les soldats comme les civils prenaient subitement conscience de toute la barbarie de la guerre. Une bonne partie des défaillances du corps canadien furent mises sur la responsabilité de Sam Hughes, qui par ailleurs ne se gênait pas pour critiquer publiquement les généraux britanniques. En effet, on a longtemps blâmé les généraux britanniques qui commandaient les Canadiens, mais bon nombre d’officiers canadiens n’avaient aucune expérience militaire, encore moins pour accomplir des fonctions d’état-major.
Chose certaine, la guerre n’était pas terminée au moment où s’achevait l’année 1915. Les deux camps étaient bien enterrés dans leurs tranchées et il fallait trouver de nouvelles solutions pour rompre l’impasse qui régnait sur le front occidental.
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