
Malgré les horribles coûts en vies humaines, la Première Guerre mondiale avait permis au Canada de voir progresser son statut politique sur la scène internationale. Cela était en soi une bonne nouvelle, mais entre temps, étant donné que la paix était revenue et que les soldats rentraient au pays, il fallait réorganiser l’armée. Bref, il fallait couper dans les budgets alloués à la défense.
1919-1939 : La fin des hostilités et la réorganisation de l’armée canadienne
En mai 1919, après quatre années de service outre-mer, le 22e Bataillon (canadien-français) revient au Québec où la population des villes l’accueille chaleureusement. La guerre terminée, il fallait réduire les effectifs de l’armée et, par conséquent, Ottawa entreprit dès les années 1920 un vaste processus de réorganisation des forces canadiennes.
Pour ce faire, le ministère de la Milice et de la Défense créa une commission spéciale visant à proposer des solutions et un plan d’action pour améliorer le système de défense du Canada. Il est à noter qu’avant la création de cette commission, la réactivation du 22e bataillon ne figurait sur aucun plan de réorganisation. Durant l’année 1919, cette Commission spéciale effectue une tournée pancanadienne et prête oreille à tous les intervenants qui veulent bien la rencontrer.

À cet égard, le Conseil de Ville de Québec et le Gouvernement provincial décidèrent de témoigner et de participer activement aux travaux de la Commission. En effet, le Conseil de Ville de Québec soumit un mémoire et témoigna à la Commission afin de demander l’intégration du 22e bataillon au sein de la Milice permanente et que cette unité soit postée à Québec. Le Premier ministre du Québec, Louis-Alexandre Taschereau appuyait aussi le projet. Considérant aussi que ces demandes étaient appuyées par des militaires anglophones, la Commission recommanda la réactivation du 22e bataillon.
Cependant, cette réactivation comportait un prix pour la communauté militaire anglophone. En effet, pour faire de la place au 22e bataillon dans la Milice permanente, le gouvernement canadien a dû couper l’effectif d’une compagnie au sein du Royal Canadian Regiment (RCR) et d’un escadron au sein du Royal Canadian Dragoons (RCD). Les restrictions budgétaires en vigueur ont conduit le Canada à réduire ses forces à environ 3,000 militaires à plein temps, le même nombre qu’en 1914.
En avril 1920, on proclame l’existence du «22nd Regiment» de la Force permanente de la Milice active du Canada. Cette décision autorise le recrutement d’un état-major et de deux compagnies. L’une d’elles sera licenciée trois ans plus tard lors d’une autre réduction des effectifs.
Encore fallait-il trouver une garnison pour loger cette unité nouvellement réintégrée. Puisque la Ville de Québec est disposée à recevoir ce bataillon canadien-français, le gouvernement s’empresse d’y emménager le 22e Régiment en mai 1920. Le premier commandant du Régiment sera le lieutenant-colonel Henri Chassé, un ancien officier ayant combattu au sein du 22e bataillon lors de la Grande Guerre.

D’avril 1920 à septembre 1939, le Régiment recrutera 863 soldats, pour une moyenne de 45 recrues par année. La solde et les chances de promotion étant très faibles, il fallait vraiment avoir la vocation pour être soldat dans le 22e! En octobre 1921, le Régiment dirige sa première école de formation militaire, il s’agit de l’École royale d’infanterie et de mitrailleuses. De 1921 à 1939, l’entraînement estival s’effectuera presque toujours au fort de Lauzon, un élément de l’ensemble du système défensif de la ville de Québec.
La période de l’entre-deux-guerres fut assez « tranquille » pour le nouveau régiment, à l’exception de quelques épisodes où il fallut intervenir pour ramener l’ordre public (grèves, manifestations, etc.). Les années 1920 et 1930 permettent au Régiment d’établir ses assises historiques et patrimoniales. Par exemple, en juin 1921, on reconnaissait officiellement les nombreux faits d’armes et les états de service des membres du 22e bataillon de la guerre de 1914-1918.
Par le fait même, le Roi d’Angleterre George V accordait le titre « Royal » au 22e Régiment, attribuant au Régiment l’appellation «Royal 22nd Regiment». Le nom sera francisé en juin 1928, pour devenir le Royal 22e Régiment. Et en mars 1921, le Maréchal Foch, qui avait commandé l’ensemble des forces alliées en France en 1918, devint le premier Colonel en Chef du Régiment. Cette nomination très prestigieuse avait eu pour effet de renforcer l’identité et le caractère unique de l’unité.
Autre événement d’importance, en septembre 1927, le 22e s’affilie avec le Royal Welch Fusiliers. Issu du pays de Galles, ce Régiment existe depuis 1689. L’année suivante, à l’été 1928, c’est le début des cérémonies de la Relève de la Garde à la Citadelle de Québec.
Dans un autre ordre d’idées, la catastrophe économique causée par la Grande Crise des années 1930 conduit les Canadiens à s’inquiéter davantage de leurs emplois et de leurs familles que de l’état des forces armées. Sans ennemis évidents, pourquoi réserver aux militaires des ressources trop rares? Cette crise économique mondiale a eu un impact direct sur l’entraînement, l’effectif et l’équipement des Forces canadiennes de l’époque.

Il fut même un temps où le Royal 22e Régiment ne comportait qu’une seule compagnie d’infanterie, à tel point que la force permanente du pays comptait uniquement 3 000 militaires. Par exemple, en novembre 1938, l’effectif du Régiment se compose à peine de 189 membres, incluant ses musiciens et ses spécialistes. De plus, le Canada évitait de s’engager militairement outre-mer, dans le contexte de la signature en 1931 du Statut de Westminster, qui faisait du Canada un pays totalement indépendant de la Grande-Bretagne.
Petit à petit, au milieu des années 1930, le gouvernement commença lentement à moderniser et rééquiper les forces armées. La défense des côtes canadiennes était sa priorité, mais il permit que les forces canadiennes puissent aider la Grande-Bretagne dans l’éventualité d’une guerre majeure.
Dans les années 1930, plusieurs crises internationales vont progressivement mener à une nouvelle conflagration mondiale, encore plus meurtrières que celle de 1914-1918. Adolf Hitler et le Parti nazi accèdent au pouvoir en Allemagne en 1933 et ne tardent pas à établir une dictature sans merci. L’Italie et le Japon, deux autres dictatures expansionnistes, représentaient également de grandes menaces à la paix et à la sécurité internationales.
La Grande-Bretagne et la France ont tenté sans succès de négocier avec ces régimes dictatoriaux, dans l’espoir d’éviter une autre guerre mondiale. Dans ces circonstances, une fois encore, des Canadiens français allaient peut-être retourner sur les champs de bataille d’Europe.
