Quand on parle de la Russie, on évoque le sujet de la transition d’un régime (d’un empire) communiste à quelque chose d’autre à partir de 1989. La Russie représente un cas très intéressant, surtout en ce qui concerne la politique et l’économie. Par exemple, on a assisté dès les années 1980 à des transformations révolutionnaires qui sont à la fois politiques et économiques. Les Russes vivent aujourd’hui avec les conséquences de ces transformations.
Dans ce contexte, il y a trois éléments qui caractérisent la fin de l’empire soviétique qui s’est écroulé en 1989, soit une transformation inattendue, une transformation pacifique et une transformation non planifiée. En 1989, cette transformation, cette chute de l’empire soviétique, était un projet de réforme économique et politique, mais surtout économique. Par contre, peu de temps après que se projet fut mis en route, les choses s’accélèrent et les dirigeants ont perdu le contrôle. Ce qui avait commencé comme une réforme est devenu une révolution. Le résultat est la fin de l’Union Soviétique et de l’Empire soviétique.
Tous ces événements, et surtout la période qui va suivre, sont vus comme un laboratoire. Par exemple, comment transformer une économie dirigée en une économie de marché ? Toujours dans la fameuse année 1989, la question est de savoir : qu’est-ce qui s’est passé? Pourquoi l’empire soviétique s’est-il écroulé, s’est-il suicidé?
Les causes de la chute de l’empire soviétique
On peut diviser les événements en deux périodes: avant et après l’arrivée de Mikhaïl Gorbatchev. D’abord, en mars 1985, Gorbatchev devient Secrétaire général du Parti communiste (PC), soit le poste le plus important dans l’Union Soviétique. Six ans après, l’Union Soviétique n’existe plus grâce, en bonne partie, à cet homme. Et l’ironie est qu’il n’a pas voulu cela.
Pour bien comprendre la chute de l’URSS, il faut se reporter à la période de son arrivée au pouvoir, soit en 1985. Au plan économique, en 1985, la situation est lamentable. L’URSS est un système communiste, avec une économie planifiée, où tout appartient à l’État (ou au Parti). Bref, toutes les décisions sont prises par l’État (les fonctionnaires), et les marchés privés ne jouent presque aucun rôle. Ce sont les fonctionnaires qui déterminent ce qui va être produit, dans quelles quantités, de la distribution des ressources, etc.
Toutes les questions banales comme les prix et les désirs de consommateurs n’entrent pas dans les calculs des dirigeants. Le grand problème est qu’il n’y a pas de flexibilité, pas de sensibilité aux désirs des consommateurs. Il n’y a aucune incitation personnelle à la production, où l’on produirait des biens que les personnes veulent acheter. Ce système d’économie planifiée date des années 1920 et 1930, et il a été renforcé par l’expérience de la Deuxième Guerre mondiale, où l’État gérait tout. Ce système de mobilisation à outrance des ressources a connu un certain succès (pendant la guerre bien sûr), mais aussi après. Dans les années 1950 et 1960, il y avait des taux de croissance impressionnants, même si les chiffres peuvent être contestés.
Jusqu’aux années 1970, la croissance économique de l’URSS a été basée sur un accroissement des inputs, soit des ressources investies, et non pas sur une gestion plus efficace de la productivité à partir de ces mêmes ressources, pour notamment éviter le gaspillage et la corruption. À long terme, cela entraîne une baisse de la production, soit une production de plus en plus inefficace, basée surtout sur les industries lourdes comme l’acier et le fer. Mais les problèmes économiques deviennent de plus en plus graves à partir des années 1970.
Plus important, toujours à partir des années 1970, il y a une transformation économique dans les pays développés. Les pays de l’Ouest abandonnent les industries lourdes et se concentrent sur les services, sur la production de biens de haute valeur (ex : informatique), soit une production qui demande une main-d’œuvre très éduquée, très spécialisée. Cette transformation a plus ou moins dépassé l’Union Soviétique, qui est restée fixée dans les industries lourdes, dans une phase de développement retardée face aux pays développés.
Il y a cependant une exception, soit le secteur militaire, où l’Union Soviétique est très compétitive en terme des missiles, la course spatiale, etc. Mais tout cela coûte cher pour l’URSS. Au plus fort de la Guerre froide, au tournant des années 1970 et 1980, 25 % du PIB de l’URSS était consacré aux dépenses militaires, en comparaison de 5-6% pour les États-Unis. Par surcroît, il devient de plus en plus difficile pour les Soviétiques de rivaliser avec les Américains sur le plan militaire. Ce qu’on voit c’est une Union soviétique de plus en plus en arrière en terme économique (ex: dans les années 1980 une croissance économique à 0 %). Il y a une hausse de la pauvreté, une baisse de l’espérance de vie, l’alcoolisme, etc.
Ce qui va en partie sauver le régime, dans les années 1970 et au début des années 1980, c’est la vente de pétrole, qui permet d’obtenir des monnaies fortes et d’acheter des biens a l’Ouest (ex : ordinateurs). À noter que la même situation aujourd’hui, soit une baisse du prix de pétrole, serait une catastrophe économique et peut-être politique pour la Russie. Mais le prix du pétrole avait déjà commencé à tomber dans les années 1980.
Parallèlement, les budgets de l’État augmentent de par l’invasion et l’occupation de l’Afghanistan en 1979, puis dans sa tentative de rivaliser avec le programme américain d’armements dans les années 1980. Au plan politique, bien des facteurs peuvent aussi expliquer la chute du régime en 1989. L’URSS est dotée d’un système autoritaire, datant lui aussi des années 1920 et 1930. Le pire a été le système stalinien, avec peut-être 60 millions de personnes mortes à cause des politiques du régime (ex : l’industrialisation forcée, la collectivisation forcée des terres, un système répressif, des camps de concentration, la présence policière du NKVD et du KGB, etc.)
Après la mort de Staline, les choses vont un peu mieux. Il y a un dégel sous son successeur Khrouchtchev dans les années 1950 et 1960. Mais l’URSS demeure un système répressif, où le Parti contrôle tout, incluant toutes les positions administratives. Il est impossible de faire quelque chose sans être membre du Parti. Ce sont les personnes les plus ambitieuses et intelligentes qui en deviennent membres (comme Gorbatchev). Pour monter dans la hiérarchie, cela dépend en partie du mérite et en partie de vos contacts. En réalité, c’est un système des inclus et des exclus. Il y a les membres du Parti et les autres.
Il y a donc très peu de société civile, pas d’organisations qui sont indépendantes du Parti. L’URSS était un État très corrompu. À chaque niveau, il fallait payer. On ne faisait rien sans payer quelque chose à quelqu’un. Tout cela s’était renforcé par une certaine décentralisation du pouvoir dans les années 1970. Les chefs locaux étaient de petits dictateurs. Comme le Parti contrôle tout (les affaires économiques, postes, etc.), les possibilités de corruption sont immenses. Donc, c’était un système politique corrompu qui n’était pas sensible aux désirs du peuple. L’URSS était un système dominé par un seul Parti qui détenait tout le pouvoir.
Compte tenu de ce contexte, il était difficile pour Gorbatchev de réformer le système, parce que les membres du Parti ne voyaient pas l’intérêt de nuire à leurs intérêts. Étant donné que le Parti contrôle tout, il n’existe pas vraiment d’autres véhicules qui auraient pu mobiliser les personnes comme l’Église catholique en Pologne. Il y avait une quasi-inexistence de ce qu’on appelle maintenant la société civile (ex : pas de manifestations). L’État contrôlait tous les moyens de communication (journaux, télévision…) et accordait une grande importance aux forces de répressions comme la police. Il n’y avait pas de raison pour que ce système craque. Il pouvait même se perpétuer longtemps et probablement maîtriser toutes les conséquences possibles des difficultés économiques. Donc, en 1985 personne ne parlait de la fin de l’Union Soviétique.
Les réformes de Gorbatchev
1985 est une année névralgique dans l’histoire de l’URSS. Elle marque la date d’élection de son dernier Secrétaire général du Parti, soit Mikhaïl Gorbatchev. Il était vu comme un modéré, un “réformateur”. Il constatait qu’il y avait des problèmes sévères, que des réformes étaient nécessaires. Le fait qu’il soit élu indique que beaucoup de hauts placés dans le Parti pensaient que des réformes étaient nécessaires, que les choses ne pouvaient plus continuer comme avant.
Le but de Gorbatchev était de réformer le système pour qu’il puisse continuer et maintenir le contrôle, sinon le monopole du pouvoir du Parti avec quelques réformes limitées. Pour réformer le système, cela prend quelqu’un qui croit dans le système communiste.
Sur le plan extérieur, dans le contexte de la Guerre froide, Gorbatchev a entrepris des négociations avec les Américains (ex : la réduction des missiles) et il engageait l’URSS à faire des concessions, notamment pour la libération de ressources financières consacrées à d’autres fins que l’armement.
Cependant, c’est surtout sur le plan intérieur que des réformes étaient urgentes. Dès le départ, Gorbatchev a associé les réformes politiques à celles d’ordre économique. Sa réforme la plus connue est la Perestroïka, qui constituait une restructuration économique et politique (à vrai dire une certaine libéralisation économique). C’était un effort pour relâcher certains contrôles et de permettre une certaine liberté pour les forces du marché, pour l’initiative individuelle (ex : en usines, les dirigeants peuvent faire quelques profits).
Au début, dans les premiers temps de la Perestroïka, Gorbatchev constate que les réformes économiques impliquent forcément quelques réformes politiques (mais pas trop). Il lance alors la Glasnost (« transparence »), qui consiste en une vaste réforme du système politique soviétique. L’idée est notamment d’ouvrir le système au scrutin public. Par exemple, pour réformer le système économiquement, Gorbatchev disait qu’il fallait diminuer le pouvoir du Parti, surtout les pouvoirs de ceux qui ont quelque chose à perdre. Donc, en jetant la lumière sur leurs activités, le résultat serait de les discréditer, donc plus d’ouverture, de transparence.
Pour donner une idée des failles et du manque de transparence politique à l’époque, on peut se rappeler le désastre nucléaire de Tchernobyl, près de Kiev en avril 1986. L’explosion d’un réacteur nucléaire (et les retombées nucléaires) a fait en sorte que les dirigeants ont essayé de cacher la vérité. Trois semaines s’étaient écoulées avant qu’ils décident d’évacuer les enfants, par exemple. Donc, cela illustre tout ce qui a de mauvais en Union Soviétique: des choses mal faîtes, un système politique qui cache la vérité, etc. Gorbatchev poursuit néanmoins les réformes, mais sans toujours avoir les succès escomptés.
Il veut moderniser la technologie, donc il encourage l’achat d’ordinateurs, ce qui accroît la dette. La disparition des contrôles des prix mène à une inflation. Les prix montent, ce qui pousse le gouvernement à imprimer plus d’argent parce que les demandes sont plus grandes. Un autre exemple est la permission aux entreprises de vendre une partie de leurs produits sur le marché. Cela poussait ces dernières à fabriquer des produits chers qui n’étaient pas de nécessité. S’il y a moins de produits de base, les personnes seront incitées à stocker ce qui reste et cela entraîne à la pénurie des biens.
L’idée de Gorbatchev de combattre l’alcoolisme a amené la fin de la vente de vodka, donc une perte financière importante pour le gouvernement. La vente d’alcool se faisait au marché noir et avait comme corollaire une hausse du crime organisé. Malgré de bonnes intentions, Gorbatchev a détruit un système de contrôles qui marchait mal, mais qui marchait quand même, et il ne l’a pas remplacé. La conséquence fut que devant les résultats mitigés des réformes économiques sous la Perestroïka, Gorbatchev a poussé plus en avant le volet des réformes politiques de la Glasnost.
Gorbatchev a encouragé les gens à critiquer le système et les membres du Parti, désormais tenus responsables de leurs actes. Le résultat était d’encourager une mobilisation d’en bas des personnes, notamment par la création d’autres partis politiques. Peu de temps après la chute du Mur de Berlin, un mouvement politique nommé “Russie démocratique” est formé. Gorbatchev joue un jeu délicat et à la fin dangereux, soit celui d’encourager les luttes internes au sein du PC pour discréditer ceux qui s’opposent à ses réformes.
Gorbatchev finit aussi par perdre le contrôle de ses partisans réformateurs. À titre d’exemple, aux premières élections de 1989 pour le nouveau Parlement, 87% des députés étaient membres du Parti, mais beaucoup de personnes ont voté contre le Parti communiste (malgré qu’il y ait eu spoliation des bulletins de vote des adversaires). Mais comme le Parti est partout, cela voulait dire pour les Russes qu’une critique des conditions de vie de la société devenait automatiquement une critique du Parti et de son monopole du pouvoir. Il faut aussi noter l’importance des révolutions en l’Europe de l’Est (1989-1990). Que va alors faire Gorbatchev? La répression demeure toujours possible, mais il ne fera rien, parce qu’il ne peut le faire sans renoncer aux réformes chez lui.
La désagrégation de tout l’Empire soviétique accélère les événements. S’il n’y a plus d’Empire, il y a moins de raison pour maintenir le système communiste en Russie. Il faut également considérer comme facteur important de désagrégation de l’URSS en 1989-1990 et le rôle des populistes comme Boris Eltsine. Celui-ci avait fini par créer une base politique populaire. En jouant la carte russe (et non communiste), Eltsine attaquait Gorbatchev et le système communiste dans l’idée qu’on ne peut pas le réformer, qu’il fallait l’abolir.
La montée des rivalités nationales et ethniques est aussi importante. L’Union Soviétique est une fédération de 15 républiques comprenant 140 groupes nationaux. Les rivalités ethniques ont été plus ou moins réprimées auparavant. Maintenant, avec les réformes, elles remontent à la surface et affaiblissent le contrôle du Parti et de l’État. Ces rivalités ethniques sont encouragées par Eltsine. Il encourage les protestations nationales qui peuvent renforcer son pouvoir en Russie, et miner le pouvoir central.
Le reste n’est qu’une suite d’événements rapides. Un simili coup d’État est opéré en août 1991 par Eltsine. Gorbatchev est alors en vacances en Crimée. Il est arrêté. Les tanks interviennent devant le Parlement et c’est l’heure de gloire d’Eltsine qui mobilise la résistance. Tout se passe à la télé. Le coup d’État est vite maîtrisé, mais c’est vraiment la confirmation de la fin du pouvoir de Gorbatchev. Donc, en décembre 1991, c’est la dissolution de l’Union Soviétique. La Russie, l’Ukraine et la Biélorussie forment la Communauté des États indépendants (CEI).
La transition post-soviétique
Cette révolution s’est faite rapidement et sans violence, tout comme elle était inattendue. Il s’agit d’un processus intéressant, surtout parce que les réformes économiques demandaient des réformes politiques (pour miner la position des intérêts ancrés du Parti), mais les réformes ont eu des conséquences politiques bien au-delà de ce qu’attendait Gorbatchev.
En terme de politiques économiques, les réformes sont poussées, accélérées et vues comme une libéralisation économique. C’est la « thérapie de choc », une libéralisation vite et brutale. Et il y a encore un grand débat entre les économistes sur les conséquences de cette politique de libéralisation accélérée. Pour voir dans quelle mesure se pose le débat de la réussite ou de l’échec de la transition en Russie, on peut l’aborder sous deux angles, soit celui de la réforme drastique ou celui de la réforme lente (progressive).
Les partisans des réformes drastiques pour la Russie disent qu’une fenêtre vient de s’ouvrir et elle risque de disparaître. Donc, il faut tout changer, tous abolir, très vite. Ils veulent une poussée énorme vers un système basé sur le marché. Ils disent aussi que des réformes économiques progressives ne seraient, en fin de compte, qu’un argument pour ne rien faire ou pour permettre l’exploitation. Donc, il faut réduire le plus possible l’ingérence de l’État.
De leur côté, les tenants des réformes progressives insistent sur le fait que les conditions pour une transformation vers un système de marché n’existaient pas. Il n’avait aucun « préalable institutionnel » comme des institutions financières, judiciaires, policières, pas de respect de la loi, de la propriété, etc. Ils disent également qu’on ne peut pas seulement appliquer des modèles, mais qu’il faut regarder la situation sur place. Par exemple, pour les entreprises et les personnes qui ne sont pas compétitives, on ne peut pas mettre fin aux subventions et aux prix artificiels, sinon ce serait de provoquer la misère, une chute de production, etc. Ils ajoutent que la thérapie de choc a été préconditionnée sur une aide financière de l’extérieur qui n’existait pas.
Que s’est-il passé?
Entre les courants drastique et réformiste, la question est toujours de savoir ce qui s’est véritablement passé en Russie. En 1991-1992, Eltsine gagne du pouvoir et c’est la fin de l’Union soviétique et du contrôle du Parti. Pour les économistes et les dirigeants des pays occidentaux, c’était l’euphorie. On avait gagné la Guerre froide. Le libéralisme comme système politique et économique s’était montré plus fort, plus efficace. Donc, il fallait l’implanter en Russie.
On savait que ça serait difficile au début, qu’il y aurait des dégâts, mais c’est le prix du progrès, et de faire rien n’est pas une solution. L’idée était d’essayer de limiter le rôle de l’État. Des entités vouées à réglementer le marché (lois, agences commerciales, etc.) et les institutions (politiques, judiciaires, financières, etc.) n’étaient pas vues comme nécessaires pour le moment, mais viendraient naturellement plus tard. Par ailleurs, pour les dirigeants russes, tout ça est assez intoxicant, d’autant plus que le financement de l’Ouest sous forme d’emprunts dépendait en partie de l’adoption de ses politiques économiques. Plusieurs Russes voulaient aussi profiter des nouvelles politiques libérales pour carrément piller les ressources du pays.
Dans les faits, on va assister en Russie à ce que l’on pourrait appeler une « trinité de politiques économiques ». Il y a eu en effet une libéralisation économique. On a enlevé les contrôles sur les prix et les subventions, comme on a enlevé les quotas et les restrictions sur les échanges à l’intérieur et à l’extérieur. Deuxièmement, la Russie a connu une grande phase de privatisation. C’était un défi immense, étant donné que tout appartenait à l’État. Il fallait vendre les biens, et l’idée était de provoquer l’activité entrepreneuriale, de créer des marchés compétitifs. Le problème c’est que les personnes avec l’argent sont souvent des anciens membres du Parti. Un troisième défi était celui de la stabilisation de la monnaie. On a besoin d’une monnaie stable, avec un système de prix stable pour restreindre l’inflation. En réalité ce fut le marché qui détermina la valeur d’une monnaie bien flottante, avec comme résultat un renforcement de la libéralisation.
Ironiquement, la Russie post-soviétique connut peu de réformes démocratiques. On assiste à un renforcement des pouvoirs du Président et les réformes se font par décrets présidentiels. C’est aussi un cercle privilégié de personnes qui renforcent le pouvoir d’Eltsine et se protègent entre eux au détriment de la démocratie. Sous Vladimir Poutine, la Russie est superficiellement une démocratie. Le pouvoir exécutif est énorme et les élections ne comptent pas pour grande chose. Au pire, on peut dire que c’est lamentable; au mieux, mieux vaut que Poutine concentre des pouvoirs, plutôt que de les voir entre les mains des ultranationalistes, des oligarchies financières, etc.
Les résultats des réformes politico-économiques depuis 1992
Pour les données à notre disposition, la production industrielle de 1992 à 2005 a chuté, de même que le PIB d’environ 40 à 50%. Il y eut un léger redressement en 1997, mais la croissance annuelle demeure faible (autour de 1 %). L’inflation est problématique, il y a chute du revenu per capita, les impôts rapportent peu à l’État et le déficit commercial est omniprésent. Le gouvernement a de moins en moins d’argent, au moment où les besoins de la population augmentent. Il faut par conséquent s’endetter.
Pour sa part, la privatisation a créé des oligarchies qui pillent la Russie et placent leur argent à l’extérieur. La mafia se développe, il y a beaucoup de spéculation peu productive. En termes de privatisation, beaucoup va dans les mains des riches. En même temps, l’investissement étranger tant attendu ne vient pas. Entre 1994 et 1999, la Russie reçoit quelque 17 milliards de dollars de l’étranger. Par contre, le Brésil en reçoit 30 milliards pour 1999 tout seul. Entre 1995-1998, la Russie a reçu d’importantes sommes du FMI, souvent détournées par les oligarchies.
La Russie connaît en 1998 une grave crise par une chute de sa monnaie et l’effondrement du système bancaire. Les classes moyennes perdent tout, même qu’elles avaient déjà perdu beaucoup auparavant à cause de l’inflation. L’économie russe devient une économie sur le même plan que celle du Mexique ou du Brésil. Cela va prendre des années et des années avant de se joindre aux pays développés. Pire, la Russie est maintenant une économie colonisée. Elle est devenue une source de matières premières et un marché pour les produits étrangers.
Conclusion
En somme, nous avons actuellement une Russe affaiblie économiquement, et qui tente de faire sa place parmi les puissances développées. Ce qui arrivera un jour. C’est aussi une Russie qui politiquement est en train de construire un système qui n’est ni démocratique, ni complètement autoritaire (avec un renforcement du pouvoir exécutif). Peut-être que cela va évoluer, mais on ne peut prédire avec exactitude de quelle manière. On pourrait dire que l’autoritarisme en place avec Vladimir Poutine crée des tentations, comme celles de jouer la carte nationaliste, ou de saisir des biens au détriment de la collectivité.
Tout cela compte parce que la Russie demeure une grande puissance par son influence dans la région et sa force nucléaire. Ses prétentions dans la région de l’Arctique sont à prendre au sérieux.