La Guerre d’Algérie (1954-1962)

Introduction

La Guerre d’Algérie qui se déroula de 1954 à 1962 fut une guerre de « libération nationale » dans laquelle les populations indigènes musulmanes d’Algérie obtinrent leur indépendance de la France. Suivant la conquête et la colonisation de l’Algérie dans les années 1840, la France n’avait fait que très peu afin de rendre aux populations arabes et berbères musulmanes dépossédées leurs droits politiques et économiques.

Par ailleurs, la perte de puissance, d’influence et de prestige de la France sur la scène internationale au lendemain de la Seconde Guerre mondiale eut des impacts dans les colonies sous son administration. Ces limites de la France furent démontrées par les succès des insurgés du Viet Minh lors de la Guerre d’Indochine (1946-1954). La victoire de ces derniers finit par convaincre les nationalistes algériens, dont nombreux étaient de jeunes hommes issus de classes moyennes, que l’indépendance politique ne pourrait se réaliser que par une rébellion armée.

L’organisation politico-militaire de la rébellion

Le 10 octobre 1954, des représentants des principaux groupes nationalistes algériens se rencontrèrent à Alger. De cette rencontre naquit le Front de Libération nationale (FLN) qui s’embarqua dans une révolte armée débutant le 31 octobre de la même année, par des attaques contre des installations militaires françaises, des civils et des lignes de communication et routes à travers l’Algérie.

Les six chefs du Front de Libération Nationale photographiés le 1er novembre 1954, au moment du déclenchement des hostilités. Deuxième rang, de gauche à droite : Rabah Bitat, Mostefa Ben Boulaïd, Didouche Mourad et Mohamed Boudiaf. Premier rang : Krim Belkacem à gauche, et Larbi Ben M'Hidi à droite.

La rébellion s’étendit rapidement et le FLN s’attira efficacement des appuis et sympathies, ce qui lui permit d’établir une structure organisationnelle. La direction politique de la rébellion et la responsabilité encourue d’obtenir des appuis d’États étrangers « amis » furent confiées à une « délégation externe » basée au Caire. À cela, notons que le FLN avait divisé l’Algérie en six provinces administratives et militaires (wilayas), dont les commandants se reconnaissaient sous l’étiquette de « délégation interne ».

Pour leur part, les forces militaires actives du FLN, l’Armée algérienne de Libération nationale (ALN), virent leurs effectifs croître de façon rapide, où elles atteignirent un sommet à l’été de 1959 avec près de 47,000 hommes (plus de 31,000 à Alger, 10,000 en Tunisie et environ 5,000 au Maroc). Cette armée était divisée en trois branches: les soldats réguliers (moudjahidine), les réservistes (moussebeline) et les terroristes (fidayine). Ajoutons à ces effectifs un autre contingent de 90,000 sympathisants non armés du FLN qui évoluaient dans l’Organisation Politico-Administrative (OPA). Celle-ci s’occupait du renseignement, des finances et du support logistique de l’ALN. Notons enfin que vers la fin de 1958, le FLN avait une armée somme toute conventionnelle dirigée par Haouri Boumédiène et dont les bases opérationnelles se trouvaient en Tunisie et au Maroc voisins.

Les stratégies et tactiques du FLN reposaient sur une conception en trois phases de la guerre révolutionnaire inspirée de Mao Zedong, au plan stratégique, et qui prônait au niveau tactique le recours aux manœuvres de guérillas pratiquées contre les forces françaises par le Viet Minh en Indochine. De plus, le terrorisme constitua une part importante du programme du FLN. Celui-ci fit preuve d’un zèle remarqué dans ses attaques à la bombe, ses assassinats, ses enlèvements ou la torture rituelle de prisonniers de guerre français, de Pieds Noirs (les colons européens) ou de musulmans pro-français. Bref, toutes ces tactiques furent amplement employées par le FLN, en particulier lors de la soi-disant bataille d’Alger en 1957, qui s’acheva brutalement par la répression du soulèvement par des unités parachutistes d’élite de l’armée française.

Des soldats de l'Armée de Libération Nationale s'entraînant au tir anti-aérien avec des fusils-mitrailleurs britanniques Lewis.

Malgré des désavantages de toutes sortes, le FLN parvint à mettre en place une structure logistique relativement fonctionnelle basée sur un financement soutenu et un support matériel provenant de l’Égypte, de la Ligue Arabe, de régimes communistes (Chine, Yougoslavie…), voire de la Turquie, qui pourtant était une alliée de la France dans l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord. Ainsi, le FLN put se procurer avec une relative aisance le matériel militaire dont il avait besoin pour ses opérations, du matériel qu’il prenait soin de cacher dans ses bases sur les frontières algériennes, toujours avec la complicité des régimes amis tunisien et marocain. Par contre, le transport de ce matériel en sol algérien s’avéra beaucoup plus difficile que ce qui était initialement envisagé. Nous y reviendrons.

Sur les champs de bataille

Bien que surprises par le déclenchement de la rébellion, les autorités civiles et militaires françaises dépêchèrent d’urgence des renforts militaires en Algérie, en même temps qu’elles instituèrent des programmes politiques, économiques et sociaux dans l’espoir de décourager et mater la rébellion. En 1956, la France avait déjà engagé plus de 400,000 soldats dans sa colonie, incluant des unités d’élite parachutistes et de la Légion Étrangère, de même que quelque 170,000 troupes composées d’Algériens musulmans loyaux. L’année suivante, le général Raoul Salan institua une stratégie défensive reposant sur la technique du « quadrillage », dans laquelle les Français divisèrent le territoire algérien en petits secteurs, tout en s’assurant le contrôle de points stratégiques afin de nuire aux opérations rebelles.

Carte du théâtre des opérations lors de la Guerre d'Algérie (1954-1962). Les tracés en rouge indiquent les différents barrages érigés par l'armée française afin d'empêcher l'entrée de troupes et de matériels ennemis sur le territoire algérien. (Cliquez pour agrandir.)

Ce fut dans ce contexte que les Français achevèrent la construction d’un système défensif constitué de puissantes barrières le long des frontières algériennes avec le Maroc et la Tunisie. Ces fameuses barrières étaient composées de clôtures électriques, de barbelés, de mines, de même que de dispositifs de détection sophistiqués, le tout appuyé sur des forces de réaction mobiles qui pouvaient rapidement réagir afin de colmater d’éventuelles brèches dans ce système. À cela, les Français disposaient d’une surveillance aérienne constante. Le but du système défensif du général Salan était relativement simple: isoler les rebelles d’Algérie de leurs bases tunisiennes et marocaines.

Par conséquent, les dirigeants du FLN furent contraints de trouver une façon de faire passer leurs troupes et matériels à travers les barrages. Ils y sont allés de manière « classique », soit par des assauts frontaux contre ces barrages. La bataille dite des « Barrages » eut lieu dans la première moitié de 1958, alors que l’ALN s’engagea dans une série d’attaques sanglantes, mais futiles, afin d’infiltrer quelconques points sur la partie est des barrages d’Algérie connus sous le nom de la Ligne Morice, qui faisait une longueur de 320 kilomètres. D’autres tentatives de ravitailler les forces de l’ALN d’Algérie s’effectuèrent via de petites caravanes de chameaux qui tentèrent d’infiltrer la partie sud du dispositif à travers le désert du Sahara. Ces manœuvres ne furent pas plus couronnées de succès, tout comme d’autres assauts frontaux sur différents barrages à la fin de 1959 et au début de 1960.

Une jeep de l'armée française en position d'observation le long de la Ligne Morice.

Face à l’efficacité du système défensif français, l’ALN en Algérie fut contrainte à dissoudre ses larges unités et réduire ses opérations à plus petite échelle dans le but de les rediriger sous forme d’attaques terroristes, de sabotages ou de raids occasionnels contre des avant-postes français isolés. Le restant des bandes rebelles fut anéanti lors d’une série d’offensives conduites en 1959 et 1960 par le général Maurice Challe, qui assembla les forces mobiles nécessaires. Ce faisant, Challe débuta une nouvelle campagne dans la partie ouest de l’Algérie en février 1959, le tout appuyé par une utilisation massive d’hélicoptères. Au moment où Challe quitta le théâtre des opérations en avril 1960, la branche de l’ALN opérant en Algérie avait été réduite à moins de 9,000 hommes, ce qui signifia qu’en tant que force militaire effective, elle était virtuellement détruite. Le FLN dut abandonner tout espoir d’établir une Algérie indépendante par la voix des armes.

Dans un pays essentiellement désertique et comprenant peu de voies de communication terrestres, l'hélicoptère se révéla être un moyen de transport indispensable à la mobilité des forces françaises.

Vers un règlement politique

En mai 1958, des officiers dissidents de l’armée française et des Pieds Noirs prirent le pouvoir à Alger et travaillèrent au retour du général Charles De Gaulle qui, croyaient-ils, empêcherait l’abandon de l’Algérie aux rebelles du FLN. Au contraire, une fois élu président de la nouvelle Ve République en février 1959, De Gaulle reconnut publiquement l’écœurement généralisé qu’éprouvaient les Français face à cette guerre d’usure qui durait depuis plusieurs années, sans compter que la lutte coûtait cher à la France, et ce, dans tous les sens du terme.

Un soldat français "dissident" arborant l'insigne de l'Organisation de l'Armée Secrète.

C’est alors que De Gaulle envisagea une solution politique au conflit et alla de l’avant avec des propositions pour mettre fin à la guerre. Celles-ci furent bien mal accueillies en Algérie et elles rencontrèrent une opposition violente de la part des Pieds Noirs nouvellement insurgés à Alger en janvier 1960, comme ces propositions furent aussi mal reçues dans l’armée. Ce fut particulièrement le cas dans les unités parachutistes d’élite et la Légion Étrangère, dont nombre d’officiers avaient illégalement formé l’Organisation de l’Armée Secrète (OAS) en avril 1961. Cette rébellion à l’intérieur de la rébellion fut durement réprimée par des unités militaires loyales au régime gaulliste et le gouvernement ouvrit officiellement des négociations avec les rebelles à Évian le 20 mai suivant. Un cessez-le-feu fut conclu et celui-ci entra en vigueur le 19 mars 1962. La même année, lors d’un référendum tenu le 1er juillet, plus de 90% des électeurs algériens éligibles votèrent en faveur de l’indépendance.

Ainsi, le 3 juillet, le FLN achevait par des moyens politiques et diplomatiques ce qu’il n’avait pu réaliser sur les champs de bataille, soit l’indépendance pleine et entière de l’Algérie. Cependant, les coûts de cette victoire s’avérèrent très élevés. Selon les sources, les pertes algériennes lors de cette guerre de huit années s’élevèrent entre 350,000 et 1,500,000 morts, en plus des 2 millions de déplacés algériens composés de civils qu’on avait regroupés à partir de leurs villages natals dans le but de les déplacer ailleurs pour mieux les contrôler. De son côté, la France perdit quelque 28,500 soldats tués, sans compter des dizaines de milliers de blessés. Ajoutons enfin ces nombreux Pieds Noirs et Algériens musulmans loyaux qui quittèrent l’Algérie pour la France.

Au final, la France remporta la victoire militaire, mais l’issue politique primait par-dessus tout. En cela, l’Algérie sortit comme grande gagnante de la lutte. Cette guerre insurrectionnelle inspira probablement d’autres soulèvements armés en cette période de décolonisation d’après-guerre.

3 réflexions sur “La Guerre d’Algérie (1954-1962)

  1. Mon père était sur la ligne Morice…Si jeune. Il a aujourd’hui 77 ans et commence tout juste à parler de cette guerre, à vider son sac. Il raconte encore et encore, impérieux besoin.

  2. BONJOUR je suis la fille d un ancien legionnaire qui a fait la guerre d algerie ou moi même j y suis née j aimerais des document de cette epoque ou lon pourrait voir mon papa partis en 1961 a sidi bel abbes merci d avance …DOMINIQUE

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