De la Grande Allée à la caserne: le départ d’une autre légion

Loin sont les heures chaudes de l’été 2007 où nos soldats canadiens paradaient fièrement, bottes cirées et manches retroussées, sur la Grande-Allée à Québec. Clair encore est notre souvenir de ces gens attablés dehors, se levant spontanément entre deux services pour applaudir ces légionnaires qui allaient servir notre pays dans une contrée lointaine. D’accord ou non avec la mission, il était difficile de ne pas être envahi par cet effet électrique d’une foule qui applaudissait lentement, dans une atmosphère où se succédaient en un cycle régulier les « Bonnes chances! » et « Good luck ! ».

Nous savions pertinemment que bon nombre de ces légionnaires reviendraient dans des cercueils drapés, mais on ne voulait pas trop y penser. L’important c’était la mission. Des mois d’entraînement intensif avaient été récompensés, l’espace de quelques minutes, par ce beau défilé dans la capitale québécoise. Qu’en est-il aujourd’hui, en 2009 ? Une seconde légion partira au loin, dans un contexte qui a sensiblement changé. Loin de la Grande-Allée, le cérémonial se fait à la caserne. Nos 1,600 militaires sont accompagnés de leurs familles, sans plus.

Leur chef, le lieutenant-colonel Jocelyn Paul, a la lourde tâche de tout commandant, soit diriger son bataillon au front, et de tous les ramener. Tout le long de la rivière Argendhab, à l’ouest de Kandahar, les vétérans qui y retournent et les « bleus » verront comment ont évolué ces lieux aux noms toujours évocateurs de souffrances. La montagne de Ghundey Ghar, les routes Ring South et Foster, les villages d’Howz-e-Madad, Sangsar, Zangabad, tous des endroits qui ont été ensemencés de sang québécois.

Les images demeurent claires à l’esprit et les gestes posés seront les mêmes. Le soldat connaît par cœur chaque item qui compose ses 80 livres d’équipements. Il sait quoi faire lorsqu’il approche d’un vignoble sous une chaleur de 60 degrés. Il apprend à réagir à tout type de menace. On répète souvent que c’est un travail d’équipe, mais c’est également un énorme travail sur soi-même qu’il faut faire dans un théâtre d’opérations aussi hostile que l’Afghanistan. Le soldat voit et entend des choses. Il affronte quotidiennement des situations où il se fait canarder, soigne des gens, se fait insulter, reconstruit une école ou se fait ignorer.

En revenant du front pour retrouver les siens, cet homme aura vieilli de dix ans. Il savait qu’en épousant l’armée, il allait consacrer sa vie à son pays, à sa patrie, mais avant tout à une vocation. Néanmoins, la guerre l’aura profondément changé.

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