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Les guerres israélo-arabes (1948-1973)

Introduction

Les guerres israélo-arabes (1948; 1956; 1967; 1973) furent des conflits majeurs entre l’État d’Israël et ses voisins arabes, entrecoupés de nombreuses perturbations mineures, qui au final ponctuèrent plusieurs décennies d’antagonismes au Proche et Moyen-Orient. Dès le début de l’immigration juive en Palestine dans les années 1930, les Juifs et les Arabes furent en conflit sur l’enjeu d’une terre que chaque religion en présence considère comme sacrée. Notons aussi que les années séparant les guerres à grande échelle de 1948 à 1973, puis celles depuis 1973, virent une agitation relativement continue de la part des rebelles palestiniens désireux d’employer tous les moyens jugés nécessaires afin d’établir un État palestinien indépendant. Cela étant, ces événements combinés firent de cette région l’une des plus instables du monde.

1948

Tant les Arabes que les Juifs avaient des réclamations, voire des prétentions historiques sur ce territoire que l’on appelle la Palestine, de même que sur la cité sacrée de Jérusalem. Après un long exil, les Juifs commencèrent à réaliser leur vieux rêve d’immigrer sur ces terres qui furent alors sous la tutelle britannique au cours des années 1930. Par contre, ce fut surtout au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans le contexte des horreurs de l’Holocauste, que les Juifs de par le monde furent convaincus que seul un État juif indépendant pourrait assurer leur avenir et celui de leur religion.

Par conséquent, les immigrants juifs vers la Palestine arrivèrent par dizaines de milliers, si bien que la population juive de Palestine se chiffra à 650,000 personnes en 1948, malgré les tentatives des Britanniques de limiter, voire stopper cette immigration de masse. Dans ce contexte, certains militants juifs commencèrent à attaquer les garnisons britanniques et à se battre contre les Palestiniens, qui furent loin de bien accueillir ces immigrants soucieux d’établir un État indépendant juif dans cette région.

Des soldats arabes en 1948.

Incapable de garder le contrôle sur cette situation hautement volatile, la Grande-Bretagne décida de confier le problème à l’Organisation des Nations-Unies (ONU) nouvellement créée, dans le but de trouver une solution pacifique. Le 29 novembre 1947, l’Assemblée Générale des Nations-Unies ratifia un plan de partition de la région en deux États, l’un juif et l’autre palestinien. Bien accueilli par les Juifs de la région, ce plan de partition fut dénoncé et qualifié d’inacceptable par les Palestiniens et les gouvernements des États arabes limitrophes, ce qui amena ces États à faire des préparatifs de conquête militaire de la Palestine.

En prévision du conflit, les Israéliens accumulèrent des stocks considérables d’armes de toutes sortes, soit un matériel militaire qu’ils parvinrent à se procurer en bonnes quantités sur le marché noir au lendemain de la guerre en Europe, de même qu’ils entraînèrent des hommes, toujours en prévision des hostilités contre les voisins arabes. En fait, chaque camp n’eut guère de difficultés à recruter, dans la mesure où les armées purent combler leurs effectifs, entre autres, grâce à l’afflux de vétérans de la guerre de 1939-1945, dont nombreux étaient ceux ayant servi dans les rangs britanniques.

Des soldats israéliens lèvent leur drapeau national en 1948: c'est la déclaration d'indépendance.

Après l’annonce de la résolution onusienne de novembre 1947, de violentes et sanglantes émeutes, de même que des attaques au style terroriste, balayèrent la région au moment où chaque camp tenta d’acquérir des parcelles de territoire avant l’annonce de la partition officielle. Les forces britanniques, qui officiellement administrèrent la Palestine, tentèrent tant bien que mal de contenir ces violences, mais elles ne voulurent commettre aucun geste brusque qui aurait pu être interprété comme une prise de position partiale envers un camp au détriment de l’autre. Au moment où la date butoir d’application de la résolution onusienne approcha, les Britanniques procédèrent à un repli systématique de leurs troupes en Palestine, laissant la région dans un véritable chaos. Sans attendre l’entrée en vigueur de la partition, les dirigeants juifs prirent, pour leur part, la décision de déclarer l’indépendance d’Israël le 14 mai 1948.

Quant aux dirigeants palestiniens, ceux-ci refusèrent de reconnaître cette nouvelle nation juive et ils lui déclarèrent la guerre presque immédiatement. Six nations arabes (Égypte, Syrie, Transjordanie, Liban, Irak et Arabie Saoudite) s’allièrent et envoyèrent leurs soldats écraser cet État naissant dans ce qui fut appelé ultérieurement la Guerre israélo-arabe de 1948. En dépit de ses nets désavantages militaires, tant en hommes qu’en matériel, les forces israéliennes de défense parvinrent non seulement à survivre, mais aussi d’étendre le contrôle juif sur une plus large part de la Palestine. En ce sens, les Israéliens furent aidés par deux trêves concoctées par l’ONU qui accordèrent à chaque camp un temps de répit et pour se réarmer. Finalement, la pression internationale contraignit les belligérants à conclure un armistice qui fut signé au début de 1949. L’Égypte fut la première à le signer le 24 février et le tout se conclut le 20 juillet lorsque la Syrie accepta à son tour de cesser les hostilités.

Ces accords laissèrent Israël en contrôle d’un territoire beaucoup plus vaste que ce que prévoyait la résolution onusienne, en plus de 800,000 Palestiniens désormais sous administration israélienne. Cette première campagne militaire réussie permit à Israël de mettre sur pied une armée de métier, en plus de procéder à l’acquisition de matériel militaire de la France et d’autres nations occidentales. Dans l’autre camp, de nouveaux dirigeants firent leur apparition, dont le plus notable peut-être, l’Égyptien Gamal Abdel Nasser.

Des réfugiés arabes marchent sur une route du nord d'Israël vers le Liban (novembre 1948).

1956

Ces nouveaux chefs qui prirent le pouvoir dans les nations arabes se trouvèrent du coup rejetés par les puissances de l’Ouest et courtisés par l’Union soviétique, dans le contexte de la Guerre froide grandissante entre les blocs idéologiques. Alors que l’Union soviétique fournissait une aide militaire aux nations arabes, celles-ci en retour fournirent des appuis de toutes sortes à la résistance palestinienne et encouragèrent par le fait même un nationalisme panarabe en pleine croissance.

Dans cette optique, en 1956, Nasser provoqua une confrontation directe avec la France et la Grande-Bretagne en s’emparant du stratégique canal de Suez et coupant du même coup l’accès d’Israël à la Mer Rouge. Fort des encouragements franco-britanniques, Israël envahit la péninsule du Sinaï le 29 octobre de la même année et ses troupes reçurent des renforts appréciables des contingents français et britanniques débarqués dans la région. Ces forces combinées parvinrent rapidement à vaincre les troupes égyptiennes, si bien qu’elles purent contrôler toute la péninsule, du moins pour une courte période de temps. En effet, les vainqueurs ne purent savourer bien longtemps leur victoire, car la pression exercée par les États-Unis et la menace d’intervention soviétique forcèrent le retrait des forces d’invasion, et ce, moins d’un mois après le début des hostilités. Cette seconde guerre israélo-arabe pour le canal de Suez et le Sinaï s’avéra être un conflit sans réel lendemain, dans la mesure où il fit peu afin de solidifier la solidarité arabe, tout en alignant ces pays dans le camp soviétique.

Mieux équipée qu'en 1948, l'armée israélienne qui entame sa seconde guerre avec ses voisins arabes en 1956 se voyait fournie d'un important armement en blindés et avions de combat.

1967

Au cours de la décennie suivante, l’Union soviétique encouragea et appuya les développements militaires dans les nations arabes qui entouraient Israël. L’armée israélienne fit de même, notamment en mettant l’accent sur le développement d’une puissante force blindée et d’une aviation à toute épreuve. L’armée et le gouvernement israéliens interprétaient la montée en puissance des pays arabes comme une menace sérieuse, d’autant que les services de renseignements attestaient tous d’une autre imminente offensive contre l’État hébreu.

En conséquence, Israël mobilisa discrètement les unités de réserve de son armée puis, le 5 juin 1967, lança une attaque préventive contre l’aviation égyptienne. Au cours des deux journées suivantes, les forces israéliennes décimèrent les troupes égyptiennes, capturèrent la Bande de Gaza et à nouveau la péninsule du Sinaï. L’assistance fournie à l’Égypte par le Liban, la Jordanie, la Syrie et l’Irak s’avéra inefficace, car Israël avait pris soin d’éliminer rapidement les armées de l’air de ses ennemis. Lorsque Gaza et le Sinaï furent sécurisés, Israël tourna son attention vers la Jordanie et la Syrie. Au cours des quatre derniers jours dans ce qui sera appelé plus tard la Guerre des Six Jours, Israël s’empara de la Cisjordanie, du plateau du Golan et des secteurs de Jérusalem autrefois sous contrôle arabe.

L'offensive aérienne surprise d'Israël contre l'Égypte de juin 1967 permit de détruire la presque totalité de l'aviation égyptienne qui se trouvait toujours au sol.

Malgré ses succès, Israël se retrouva vite condamné par la communauté internationale après sa Guerre des Six Jours, parce que ses offensives apparaissaient aux yeux de plusieurs comme de purs actes d’agression, surtout lorsque l’on considère l’ampleur des gains territoriaux à la fin de ces brèves hostilités. L’Union soviétique ne cacha pas son appui renouvelé aux nations arabes défaites, s’attardant ainsi à refaire leurs forces militaires. À leur tour, les nations arabes réitérèrent leur appui à la résistance palestinienne, notamment à l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) alors dirigée par Yasser Arafat, un mouvement qui mena de nombreuses attaques terroristes en Israël et ailleurs dans le monde contre les intérêts juifs. Tout de même, Israël devait constamment sous-peser le degré de menace que représentaient ses voisins arabes, même si les dirigeants de ces nations n’affichaient plus la même unité, qu’ils avaient perdu d’importants territoires et trois guerres successives.

1973

Deux généraux israéliens d'expérience: Moshe Dayan et Ariel Sharon, lors de la guerre du Yom Kippour (1973).

Les nations arabes choisirent d’attaquer à nouveau Israël lors du congé férié du Yom Kippour, le 6 octobre 1973. Lancées simultanément de l’Égypte et de la Syrie, ces offensives prirent les forces israéliennes par surprise, leur infligeant de lourdes pertes lors des premières journées d’engagement. Conséquemment, les forces arabes connurent certains succès, reprenant entre autres une large partie du Sinaï au sud et du plateau du Golan au nord. Les choses commencèrent à tourner à la faveur des Israéliens le 10 octobre alors qu’une série de contre-attaques parvinrent à repousser les forces syriennes dans leurs pays, comme elles arrêtèrent également les Égyptiens sur la portion sud de la ligne de front.

Les États-Unis et l’Union soviétique répondirent à la crise en ravitaillant leurs alliés respectifs par la voie des airs. De plus, les Américains déployèrent trois groupes de porte-avions et mirent en état d’alerte maximale leur Strategic Air Command. Quant aux Soviétiques, ceux-ci menacèrent d’envoyer des troupes dans la région et placer leurs forces aériennes en état d’alerte. Dans le but d’éviter que ce nouveau conflit israélo-arabe ne dégénère en confrontation nucléaire entre les superpuissances, les diplomates s’activèrent frénétiquement afin de trouver une issue politique qui sache ramener la paix.

Leurs efforts prirent de plus en plus d’importance le 21 octobre, lorsque les troupes israéliennes traversèrent le canal de Suez et parvinrent à encercler la 3e Armée égyptienne. Devant la situation, l’Union soviétique réitéra sa menace d’envoyer des troupes pour secourir cette armée égyptienne, ce qui n’aida en rien les diplomates dans leurs tentatives de localiser le conflit et ramener la paix. Cependant, les diplomates purent conclure deux cessez-le-feu. Le premier échoua, mais le second put tenir jusqu’à la conclusion des hostilités le 25 octobre. Lors de ces deux semaines d’affrontements, les pertes totales arabes s’élevèrent à 8,500 hommes contre 6,000 pour les Israéliens. Ajoutons à cela les pertes financières considérables qu’encaissa chaque camp, des sommes qui pourraient avoisiner l’équivalent du PIB au cours d’une année.

Des soldats égyptiens posent pour la caméra sur le toit d'un bunker situé sur la ligne Bar-Lev, quelque peu à l'est du canal de Suez (1973).

La guerre du Yom Kippour convainc Israël d’être plus flexible dans ses négociations avec les États arabes. À titre d’exemple, une initiative américaine amena la signature des accords de Camp David en 1978 dans lesquels Israël rendit la péninsule du Sinaï à l’Égypte en retour de la reconnaissance égyptienne du droit d’exister de la nation juive. Le retrait de la menace égyptienne mit effectivement fin aux guerres israélo-arabes à grande échelle, du moins jusqu’au moment d’écrire ces lignes, mais le conflit dans la région perdure. Rappelons l’invasion par Israël du Liban en 1982, dans le but d’éliminer les bases de l’OLP en ce pays. Les troupes syriennes, qui occupaient la moitié nord du Liban, opposèrent une résistance à l’invasion, mais elles furent défaites. En conséquence, Israël maintint une force militaire d’occupation au Liban, tout en supportant des groupes paramilitaires chrétiens jusqu’en 2000.

Conclusion

Israël et l’OLP conclurent une entente en 1993 dans le cadre des accords d’Oslo, qui étaient censés fournir une base pour la négociation d’une paix permanente. Israël consentit à la création d’un État palestinien, de même qu’à une Autorité palestinienne dirigée par Arafat. Situé en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, sur des terres conquises par Israël lors de la guerre des Six Jours en 1967, le nouvel État palestinien ne fut doté que d’une autonomie limitée qui n’apporta pas une paix, ni une indépendance totale aux Palestiniens. Ironiquement, des attaques par des extrémistes des deux camps tuèrent davantage de personnes dans les huit années suivant la signature des accords d’Oslo que lors, par exemple, des quinze années qui les précédèrent depuis Camp David.

L'évolution des gains et des pertes de territoires dans le contexte des guerres israélo-arabes depuis 1948.

Les Croisades (XIe – XIIIe siècles). (2e partie)

L’interprétation de la donne stratégique

Richard 1er d'Angleterre dit "Coeur de Lion", l'un des artisans de la Troisième Croisade (1189-1192).

La montée de l’islamisme obligea également les Croisés à repenser leurs approches stratégiques. À titre d’exemple, lors de la Troisième Croisade, Richard 1er d’Angleterre était d’avis qu’il serait préférable d’attaquer l’Égypte en premier, le centre du pouvoir politique de Saladin, et ainsi prendre possession de ce riche royaume. L’Égypte était d’ailleurs l’objectif de la Quatrième Croisade avant que la cible ne soit détournée vers Constantinople, tout comme l’ancien empire pharaonique avait été dans la mire de Louis IX en 1249.

Il semble d’ailleurs que les croisades organisées au XIIIe siècle aient été un peu mieux organisées sur un plan militaire. Les armées apparaissaient mieux dirigées et équipées, quoique leurs effectifs demeuraient relativement restreints. Par exemple, la force assemblée par Louis IX ne dépassa pas 15,000 hommes, ce qui était à peine suffisant pour entreprendre la campagne égyptienne.

Pour leur part, les Francs qui partirent en croisades au Moyen-Orient avaient une compréhension claire des enjeux stratégiques du moment. Par exemple, la principauté d’Antioche au nord s’efforçait de prendre la ville d’Alep. De son côté, la Jérusalem chrétienne tenta à diverses reprises d’attaquer Damas et prendre de l’expansion en Égypte. Le problème était que chacune de ces principautés poursuivait des objectifs stratégiques distincts, comme si elles avaient chacune leur agenda. Inévitablement, ces différents desseins entrèrent fréquemment en conflit, si bien qu’il s’avéra difficile pour les Francs d’établir une stratégique commune.

L’armée franque

Malgré tout, les Francs disposaient d’un avantage important: la force de leur armée. Bien équipée et entraînée (et surtout disciplinée), l’armée franque était aussi crainte pour sa force de frappe résultante de son habilité à coordonner les manœuvres de l’infanterie et de la cavalerie. Cet aboutissement intéressant avait été obtenu à l’usure, par la longue expérience de cette force sur le champ de bataille où les hommes étaient habitués de combattre ensemble. Les Francs demeurèrent « loyaux » aux techniques de combat héritées de l’Ouest, qui plaçaient la charge de la chevalerie au centre du dispositif, mais ils reconnaissaient que celle-ci devait être effectuée en temps opportun.

La force des armées européennes: la cavalerie lourde.

Les Francs avaient également entraîné leurs forces de manière à ce que la coordination infanterie-cavalerie puisse se refléter au combat, certes, mais aussi lors des longues marches. Cela leur permit de voyager en territoire hostile, car l’ennemi, non sans surprise, avait l’habitude de les frapper alors que les forces étaient mal déployées. Ce que j’appelle la « marche combattante » consistait à placer des archers suivis de très près par des piquiers afin qu’ils forment un écran autour des escadrons de cavalerie dans le but de tenir à distance les archers à cheval ennemis, de loin les adversaires les plus dangereux.

Si les escadrons de la cavalerie ennemie s’approchaient suffisamment près pour livrer un combat au corps-à-corps, alors ils deviendraient des cibles parfaites pour ce qui était considéré comme la spécialité des Francs: la charge de masse. Bien orchestrée et disposée en rangs serrés, cette lourde cavalerie franque était à peu près impossible à arrêter en combat rapproché. À cela, les croisés pouvaient ajouter des éléments plus légers de cavalerie ainsi que des archers à cheval en nombre suffisant pour harceler l’ennemi, faire de la reconnaissance ou appuyer la cavalerie lourde.

Les archers à cheval turcs figuraient parmi les forces ennemies redoutées des croisés.

La crise des effectifs et la protection des acquis

Encore une fois, comme je l’ai mentionné, les Francs connurent le même problème que Louis IX, c’est-à-dire une carence d’effectifs. Leurs renforts se trouvaient loin en Europe et les routes terrestres et maritimes étaient hasardeuses. Les croisades apparaissent dans ce contexte comme étant davantage des entreprises réactives que proactives, d’où le problème mentionné auparavant de la difficulté d’établir une stratégique globale qui soit claire selon les ressources disponibles. Dans ce cas, au plus fort des croisades vers la fin du XIe et début du XIIe siècle, les Francs pouvaient aligner au maximum quelque 600 chevaliers et 5,000 soldats à pied.

Une représentation artistique des chevaliers templiers.

Les croisés pouvaient cependant compter sur l’appui d’ordres monastiques militaires. On pense notamment à l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem (les Hospitaliers) et à l’Ordre du Temple (les Templiers). Ces ordres avaient juré d’éradiquer l’Islam et leur dévotion et discipline en faisait des combattants redoutables. Selon les époques et les sources, ces ordres pouvaient aligner 6,000 chevaliers et un nombre inconnu de soldats à pied, sans compter sur les renforts que pouvaient fournir les pèlerins et les mercenaires.

Le faible nombre de combattants croisés amène à croire que la quantité impressionnante de châteaux en Terre sainte se voulait une mesure compensatoire à la crise des effectifs. Bien que les châteaux aient pu servir de bases, la plupart avaient de petites enceintes et ils étaient construits davantage pour affirmer le pouvoir du monarque que pour des fins stratégiques à proprement parler. Certains châteaux étaient établis pour servir d’appâts ou nuire aux communications de l’ennemi, surtout entre la Syrie et l’Égypte. Par contre, à mesure que la menace contre les États latins augmenta, une plus grande emphase fut mise sur le développement des châteaux.

Les ordres militaires monastiques du XIIIe siècle commencèrent à construire des châteaux massifs et des fortifications d’un style avancé pour l’époque. Les châteaux Krak des Chevaliers (Syrie), de Marqab (Syrie) et d’Athlit (Israël) en constituent d’intéressants exemples. En plus des châteaux, l’ancrage des royaumes chrétiens en Terre sainte reposait sur les villes fortifiées, où vivaient la majorité des chrétiens. Le renforcement des défenses d’une cité peut la protéger d’un assaut, mais le but est également de rechercher un effet dissuasif.

Le Krak (forteresse) des Chevaliers situé en Syrie.

Le recul des chrétiens

Ces impressionnantes installations n’ont par contre eu que peu d’effets sur un politicien et stratège militaire comme Saladin. En 1187, Saladin rassembla une imposante armée de 30,000 hommes face aux forces franques du nouveau roi de Jérusalem Guy de Lusignan. Le roi subissait les pressions des barons qui en avaient assez de voir les hommes de Saladin mener des raids destructeurs à travers le royaume. Numériquement inférieure, l’armée franque marcha pour livrer bataille à Hattin (près du lac Tibériade dans l’Israël moderne) et fut anéantie les 3 et 4 juillet 1187. Peu des 20,000 soldats francs engagés s’en sortirent, si bien que le royaume de Jérusalem fut laissé pour ainsi dire sans défense.

Le théâtre des opérations à l'époque de la Troisième Croisade.

En dépit des efforts de la Troisième Croisade, le royaume de Jérusalem ne se remit jamais de ce désastre. Après la mort du roi Amalric II en 1205, le frère de Guy de Lusignan, le royaume de Jérusalem était en quête d’un puissant monarque pour lui succéder. Jean de Brienne assuma ce rôle pendant un certain temps jusqu’à ce que l’Empereur Frédéric II prit la relève en 1225. Il parvint à se faire restituer Jérusalem en 1229, à la suite d’un accord conclu avec l’Égypte, mais sa propension à l’absolutisme lui attira la résistance armée des barons. Frédéric dut retourner en Europe, laissant le royaume en proie à une guerre civile qui freina son développement.

L'un des affrontements majeurs de l'époque des Croisades, la bataille de Hattin (1187).

Une nouvelle opportunité pour les États latins de reprendre des forces apparut en 1244 au moment où une guerre débuta entre Damas et l’Égypte. Avec l’aide des Templiers, les Francs appuyèrent Damas en fournissant un contingent de 1,000 chevaliers et 5,000 soldats à pied qui allèrent affronter quelque 15,000 Égyptiens le 17 octobre de cette année, à Harbiyah au nord de Gaza. Convaincus de l’emporter, les croisés se ruèrent sur les positions égyptiennes. Le résultat fut indiscutable: l’armée croisée fut massacrée. Affaibli militairement par les défaites de Hattin et de Harbiyah, le royaume croisé de Jérusalem en était à remettre son destin entre les mains de ses ennemis. Le bref séjour de Louis IX en Terre sainte entre 1250 et 1254 redonna au royaume une direction dont il avait grandement besoin. Son départ pour l’Europe ramena la discorde dans Jérusalem et les autres États latins, sans oublier que les barons et les ordres militaires monastiques se querellaient pour asseoir leur pouvoir.

Les Croisades ailleurs

Des habitants sont expulsés de Carcassonne lors de la Croisade des Albigeois en 1209.

La chute d’Acre en 1291 ne marqua pas immédiatement la fin des croisades en Terre sainte et la reconquête de Jérusalem continua de faire partie des préoccupations, mais cet enjeu perdit de son importance au sein de la dynamique politique dans la Chrétienté. De plus, précisons que les Croisades ne furent pas uniquement confinées géographiquement à la Terre sainte. Par exemple, une croisade fut proclamée en 1114 en Espagne et le pape Innocent III en fit déclencher une contre des hérétiques du sud de la France. À l’est, la conquête de Constantinople lors de la Quatrième Croisade fut bien accueillie et la restauration de l’Orthodoxie et des États latins de Grèce constituèrent des récompenses de l’appui de cette partie de l’Europe dans l’aventure.

L’idée de convertir au Christianisme des populations païennes sur les bords de la Mer Baltique et en Europe de l’Est alimenta des croisades dans ces régions, qui d’ailleurs furent généralement couronnées de succès. L’Église recruta intensément pour accompagner spirituellement ces nouveaux foyers de colonisation. Comme en Terre sainte, des ordres militaires monastiques furent fondés pour officiellement défendre ces nouveaux acquis. On pense aux Chevaliers Porte-Glaive ou encore à l’Ordre des Chevaliers teutoniques qui, à la fin du XIIIe siècle, déplaça le centre de ses activités de la Terre sainte vers le nord-est de l’Europe pour devenir une grande force politique et une principauté sur laquelle se développera quelques siècles plus tard l’État prussien.

Les Chevaliers teutoniques, le fer de lance de la poussée chrétienne en Europe de l'Est.

La croisade de la Baltique attira grand nombre d’aristocrates européens qui contribuèrent aux victoires militaires, notamment parce que l’organisation de la cavalerie lourde et la qualité des armements utilisés par les ordres militaires monastiques surpassèrent les forces locales. Un autre aspect qui a également contribué aux succès de la croisade à l’est de l’Europe réside dans le commerce, c’est-à-dire l’ouverture de nouveaux marchés dans des régions encore à découvrir.

En dépit de tout le sang versé, les Croisades, malgré tout, ont toujours résulté du droit papal de les déclencher. Par contre, les revers subis en Terre sainte, la poursuite des intérêts personnels du pape et toute une série de tractations politiques à l’époque enlevèrent aux Croisades leur essence spirituelle originelle. Bien qu’étant des échecs dans leur théâtre principal d’opérations au Moyen-Orient, les Croisades eurent une histoire qui illustra à la fois la durabilité et la capacité d’adaptation des façons de faire la guerre des Européens.

Les Croisades (XIe – XIIIe siècles). (1ère partie)

Une campagne idéologique

Un soldat croisé.

La papauté médiévale tenta à maintes reprises d’utiliser sa puissance spirituelle dans le but d’exhorter les seigneurs à accomplir des services militaires pour elle. Ce fut le cas notamment au moment de l’invasion de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant en 1066. Sa campagne avait bénéficié de l’appui du pape parce que l’Église anglaise était perçue comme schismatique à Rome. Dans le cas qui nous concerne, l’époque qui est généralement considérée comme étant celle des Croisades débuta en novembre 1095 lorsque le pape Urbain II (1088-1099) proposa une expédition militaire pour prendre la ville de Jérusalem. Situés à une distance d’environ 4,000 kilomètres de Clermont (France) où il avait prêché son sermon de reconquête de la Terre sainte, Jérusalem et ses environs ne signifiaient pas grand-chose dans l’esprit de ceux qui étaient venus entendre le pape. Le pays était loin, le climat était aride et la population locale pratiquait une religion différente du christianisme. Bref, le territoire leur serait hostile.

Cette idée de partir en croisade avait ceci de particulier, en ce sens qu’aucun monarque ne s’était vu promettre un commandement légitime de l’autorité papale, aucun n’avait réellement un intérêt de conquête dans la région et tous ceux qui partiraient auraient à défrayer les frais de leur expédition. En d’autres termes, il s’agissait d’une guerre idéologique au plus pur sens du terme. Les hommes auraient à quitter leurs richesses, leurs familles et leurs terres, tout cela dans le but de libérer Jérusalem des infidèles. Pour récompense, les croisés recevraient une indulgence, ce qui signifiait que leurs péchés leur seraient pardonnés et s’ils venaient à mourir sur le champ de bataille, ils auraient un accès direct au paradis, au Royaume des Cieux.

Le pape qui appela la croisade en Terre sainte en novembre 1095: Urbain II.

Par contre, la classe des chevaliers à qui était adressé l’appel du pape Urbain II était en quelque sorte familière avec cette notion de Guerre sainte. Le pape Innocent III (1198-1216) compara plus tard le devoir des croisés à celui d’un vassal qui viendrait en aide à son seigneur dépossédé. De plus, Urbain II sembla avoir toujours envisagé la fondation d’États chrétiens au Proche et Moyen-Orient comme quelque chose de nécessaire et légitime, ce qui en fin de compte accréditait la thèse de la guerre « juste ». La ferveur religieuse fut sans contredit une force motrice des Croisades, mais il faut considérer l’appât du gain comme une force corollaire à cette motivation. Tout cela eut pour conséquence qu’on estime à 100,000 le nombre de personnes qui ont joint la Première Croisade, bien qu’à peine la moitié soit parvenue à entrer en Asie Mineure au tournant de 1097.

Carte montrant les différentes trajets empruntés par les Européens lors des Croisades.

Le voyage vers l’inconnu

L’empereur byzantin Alexis 1er Comnène avait lui aussi envisagé l’idée d’une croisade. Il avait demandé au pape Urbain II une aide militaire composée de mercenaires, parce qu’il voyait dans le démembrement potentiel de l’Empire turc seldjoukide rival une opportunité de reconquérir l’Asie Mineure. Cela explique pourquoi la Première Croisade entra au Moyen-Orient à l’époque d’une fragilisation politique de la région. Cela expliqua partiellement son succès. L’objectif final, la libération de Jérusalem, était atteint en juillet 1099 et cela représentait un accomplissement digne de mention. On était parvenu à battre militairement de puissants ennemis (ex: le Sultanat de Roum en Anatolie, celui de Syrie, le califat fatimide du Caire…) qui étaient capables de lever de puissantes armées face aux croisés qui avaient perdu une large part de leurs effectifs lors de la traversée de l’Asie Mineure.

Une représentation de Bohémond de Tarente (XIe siècle).

Qui plus est, les croisés se trouvaient militairement affaiblis parce qu’ils avaient perdu un grand nombre de chevaux lors de la traversée de l’Asie Mineure, affaiblissant ainsi leur cavalerie face à l’ennemi. La Première Croisade fut en fin de compte un succès, surtout parce que les croisés ont pu compter sur certains chefs de guerre (ex: Bohémond de Tarente) qui surent maintenir l’unité et une certaine discipline, tant militaire que religieuse. Les croisés bénéficièrent également de l’appui de quelques alliés, notamment des Byzantins et des Arméniens et du contrôle de la mer. Ce dernier élément s’avéra déterminant lors des sièges d’Antioche et de Jérusalem. La prise de ces deux cités importantes fut possible grâce aux habiletés militaires des croisés, qui finirent par jeter les bases de la domination latine en Terre sainte.

Au plan stratégique, l’établissement de têtes de pont au Moyen-Orient (Édesse, Antioche, Jérusalem, Tripoli…) fut un accomplissement remarquable. Cependant, un désaccord potentiel avec les Byzantins signifierait qu’il serait impossible d’envoyer par la voie terrestre des pèlerins et des colons de l’ouest et qu’il faudrait recourir à la voie maritime pour arriver à cette fin. Par conséquent, il devenait clair à l’époque que d’autres croisades seraient nécessaires et cette réalité faisait partie du mode de vie médiéval.

Les divisions politiques

La Première Croisade avait connu une série de problèmes qui allaient se répéter pour les prochaines. La majorité de ceux qui dirigèrent les croisades n’était pas politiquement unifiée. Bien qu’on ne peut remettre en doute leurs efforts afin de maintenir une certaine unité, de sérieux désaccords survinrent, notamment après la prise d’Antioche en 1098. Pour sa part, l’armée qui avait pris Jérusalem afficha également d’inquiétants signes de divisions. Cela contribua probablement dans l’échec des chrétiens pour capturer Ashkelon sur le bord de la Méditerranée, l’ennemi ayant été mis au fait de la discorde dans les rangs chrétiens.

Les Croisades subséquentes furent aussi minées par les divisions entre chrétiens (ex: la Seconde en 1147, la Troisième en 1189, la Quatrième en 1204…). La Huitième Croisade menée par Louis IX de France peut être considérée comme une croisade entièrement française, mais dont les succès sont mitigés eut égard aux habiletés militaires douteuses du roi. Un autre facteur qui mina l’unité des Croisés était que tous les participants étaient en théorie égaux en statut, sauf qu’une fois au Moyen-Orient, ils importèrent la même structure hiérarchique sociale telle qu’elle existait à l’Ouest. En clair, des chefs de Croisades ne parvenaient pas à garder le contrôle sur des hommes qui ne leur devaient rien.

En d’autres circonstances, comme lors de la Seconde Croisade, l’armée de Louis VII subit d’importantes pertes au Mont Cadmus, entre autres parce qu’elle était affectée par un sérieux problème d’indiscipline. Un autre exemple est celui de l’expédition de 1204 où les grands barons, qui avaient signé des engagements avec les Vénitiens pour disposer d’une flotte de transport, connurent des problèmes financiers parce que leurs partenaires croisés refusèrent de s’acquitter de leurs obligations. Lors de la Cinquième Croisade, ce fut des contingents entiers de nationaux qui renoncèrent à l’aventure en plein chemin.

Une représentation du siège d'Antioche lors de la Première Croisade (1097-1098).

Dans la même veine des problèmes qui ont affecté les Croisés, on remarque que lors de la Première Croisade, les Byzantins apportèrent une aide initiale non négligeable. Cependant, après que l’empereur Alexis 1er eut failli à sa tâche de secourir les croisés qui étaient encerclés et menacés d’être anéantis dans Antioche en 1098, ceux-ci permirent à Bohémond de Tarente de garder la ville. Ce geste politique ne plut guère aux Byzantins, qui semblèrent par la suite conditionner leur appui selon leur bon vouloir. Par exemple, ils accordèrent sans trop de problèmes le passage aux Croisés en 1101 et en 1147, alors que ceux sous la Troisième Croisade, lancée au départ sous Frédéric 1er de Hohenstaufen dit « Barberousse », durent se frayer un chemin par la force.

Les problèmes logistiques: la terre ou la mer?

Néanmoins, l’aide accordée par les Byzantins au cours de la Première Croisade prit la forme d’une assistance navale et de l’établissement d’une base à Chypre, sans laquelle les flottes génoise et anglaise auraient eu des difficultés à opérer efficacement. Les croisés allaient développer une sorte de dépendance face à la flotte byzantine et l’absence de celle-ci lors de croisades subséquentes se fera sentir. Pendant la Seconde Croisade, les croisés durent se débrouiller seuls. La Troisième put compter sur un appui naval, si bien que les croisades qui ont suivi empruntèrent presque uniquement la voie maritime pour se rendre en Terre sainte.

La marine fut largement mise à contribution pour acheminer les pèlerins et les soldats en Terre sainte.

L’appui de la supériorité maritime des États italiens devint la condition de base avant d’entreprendre une nouvelle croisade. La fin de la Première Croisade avait aussi démontré la dépendance des États latins au Proche-Orient de la voie maritime. Vers 1124, hormis le port d’Ashkelon, tous les autres ports du Proche-Orient étaient entre leurs mains, et ce, grâce à la contribution de la flotte italienne. En échange, les cités italiennes obtenaient des droits territoriaux spéciaux pour leurs citoyens en Terre sainte, de même qu’un monopole virtuel sur le commerce de bien luxueux.

Le renouveau islamiste

Saladin, l'une des figures emblématiques de la résistance à l'envahisseur chrétien.

Dans une optique militaire, en maintenant l’idée que les croisades sont idéologiques, je pense que l’élément qui a eu le plus d’impact fut le renouveau de l’esprit islamique. Presque mort au moment de la Première Croisade, il connut une résurrection au moment où l’Islam faisait face à sa plus grande menace. Le coup de fouet fut asséné par certains chefs militaires ou politiques. On pense à Imad ed-Din Zengi qui parvint à reprendre Édesse en 1144, à Nur ad-Din qui unifia la Syrie et l’Égypte et Saladin qui reconquit Jérusalem et parvint presque à exterminer le royaume latin agglomérant à cette ville. Sous la dynastie des Ayyubides, les descendants de Saladin, les divisions de l’Islam réapparurent, particulièrement entre la Syrie-Palestine d’un côté et l’Égypte de l’autre, si bien que les croisades menées au XIIIe siècle tentèrent d’exploiter la situation.

C’est d’ailleurs ce que fit Frédéric II en 1229. Il profita des divisions entre Damas et l’Égypte pour négocier la restauration de Jérusalem aux chrétiens et la majeure partie du royaume, comme le fit à nouveau Thibaut de Champagne onze années plus tard. Cependant, à la suite de l’échec de la croisade de Louis IX en 1249, la montée des Mamelouks en Égypte combinée à leurs ambitions en Syrie rendit ce type d’exploitation impossible. L’irruption des Mongols en Syrie dans les années 1250 offrit une autre opportunité aux croisés de jouer la carte de l’exploitation des divisions contre les Mamelouks. Or, les Francs en Terre sainte hésitèrent à s’allier avec ces nouveaux voisins jugés dangereux. Les Mamelouks parvinrent à stopper la progression de l’Empire mongol vers la Terre sainte et ne tardèrent pas à se retourner contre les États latins dont le dernier, Saint-Jean-D’Acre, tomba en 1291.

Faire la guerre autrement

Au plan technologique, on ne peut pas prétendre qu’un camp avait un avantage particulier sur l’autre. Cependant, la conduite de la guerre au Moyen-Orient se fit dans un environnement radicalement différent de celui de l’Europe et les armées islamiques adoptaient des tactiques également différentes. La population au Moyen-Orient était concentrée en quelques endroits bien délimités, laissant ainsi de vastes espaces dégarnis de végétations abondantes comme c’est le cas en Europe. Dans ces circonstances, le premier constat qui était fait était que l’infanterie serait plus vulnérable aux attaques de la cavalerie qui pouvait manœuvrer à souhait dans ces larges espaces.

Par ailleurs, l’eau devient un facteur impossible à négliger en plein désert. Les armées en Europe n’ont guère de problème d’accès à la ressource lorsqu’elles sont en campagne, mais dans le désert, la question est tout autre. Toujours en termes tactiques, il était évident que le combat allait être rapproché. Néanmoins, dans les armées islamiques, cette donne était importante, mais pas autant que celle de l’approche, c’est-à-dire la manœuvre exécutée avant d’en arriver là. La cavalerie des armées islamiques était lourde, mais celle des chevaliers européens vers la fin du XIIe siècle l’était davantage. Les islamistes possédaient également une cavalerie plus légère qui pouvait harceler et encercler l’ennemi. On pense par exemple aux archers à cheval turcs dont le tir pouvait affaiblir la cohésion de l’adversaire.

Les chrétiens de la Première Croisade avaient en quelque sorte été chanceux que la cavalerie seldjoukide d’Asie Mineure ne fut pas bien organisée. Ce ne fut pas le cas lors de la Seconde Croisade où les chrétiens peinèrent à contrer la cavalerie ennemie. C’est essentiellement le manque de cohésion des armées chrétiennes qui empêcha d’offrir une résistance efficace et coordonnée face à ce type de charges. Comme nous l’avons mentionné, la discipline n’était pas la vertu première des croisés.

Il ne faut pas se surprendre si les croisés apportèrent leur bagage d’expérience militaire, ce qui est tout à fait normal, surtout si l’on comptait faire la guerre en Terre sainte pour une courte période. Par contre, la résistance et l’efficacité au combat de l’ennemi islamiste forcèrent les chrétiens à revoir leurs méthodes, quitte à s’adapter à celles de leurs adversaires. D’ailleurs, l’armée croisée qui marchait sur Ashkelon en 1099 avait pris la précaution d’envoyer des reconnaissances au devant, de manière à ne pas se faire prendre au dépourvu par la cavalerie ennemie. Combinée avec l’élément de la discipline, cette façon de procéder pouvait finalement arrêter l’ennemi.

(La suite des Croisades dans la seconde partie.)

La brutalité des affrontements n'eut d'égal que la ferveur religieuse de chaque camp.