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Brève histoire de l’armée française (2e partie)

De l’Année Terrible à la Grande Guerre

Des zouaves de l'armée française en action lors de la guerre franco-prussienne (1870-1871).

L’armée française du milieu du XIXe siècle avait la réputation d’être agressive et bien entraînée. Cela se vit dans les fréquents engagements qu’elle livra en Algérie, en Italie, en Crimée et au Mexique. Cette armée répondit aux attentes stratégiques de la France à une époque où les guerres pour la survie nationale étaient choses du passé et que des forteresses s’érigeaient aux frontières afin de gagner du temps et permettre la levée de troupes supplémentaires.

Cette armée avait également accompli sa mission politique au temps de Napoléon III, soit appuyer le régime, surtout que nombre de ses officiers supérieurs étaient personnellement liés à l’empereur. Cette armée comprenait en ses rangs des soldats servant sur une longue période, des hommes imbus de l’esprit militaire et désireux de défendre le régime contre ses ennemis externes.

La défaite de la France contre la Prusse et les états allemands en 1870 était le pâle reflet de ces hypothèses rudement démenties. Bien que l’armée du Second Empire ait eu à sa disposition l’excellente carabine à culasse Chassepot et des mitrailleuses, elle était essentiellement une force expéditionnaire et non une armée européenne de type continental. Les tentatives de modernisation avaient eu leurs limites et la mobilisation avait été chaotique, si bien que la France ne put déployer à sa frontière de l’est des forces suffisantes en un temps convenable. Les armées du gouvernement de la Défense nationale, qui avaient poursuivi la lutte après la chute du régime impérial, allaient désormais paver la voie de la future armée française.

Cependant, une série d’obstacles allaient se présenter en cours de route. La suppression de la Commune de Paris en 1871 avait renforcé la suspicion de la gauche politique face à tout ce qui est militaire. Les élus issus de la gauche, qui auraient à voter les crédits nécessaires aux réformes de l’armée, questionneront chaque dépense. L’armée étant perçue comme le symbole du pouvoir, elle serait au cœur des divisions entre la bourgeoise et les masses au lendemain de la Commune.

Simultanément, les années qui suivront la guerre franco-prussienne marqueront une sorte d’« Âge d’or » de l’armée française. Le nationalisme gagnera en popularité, dans un contexte où les regards seront tournés vers l’est afin de venger le désastre de 1870 et de reprendre les provinces perdues d’Alsace et de Lorraine. Pour se préparer, la première étape avait consisté en la réintroduction d’une conscription universelle entre 1872 et 1875. Les vieilles familles militaires redécouvraient également la profession des armes. Il y avait également une certaine compréhension à l’effet de garder l’armée et ses dirigeants en dehors des cercles politiques.

Le fusil d'infanterie Lebel, en service dans l'armée française de 1887 jusqu'au début des années 1940.

L’étape suivante des réformes avait été la création d’un état-major général avec un Conseil Supérieur de la Guerre. Le mandat de ces organisations consistait à perfectionner la structure organisationnelle de l’armée du temps de paix dans le but d’être au fait des avancées les plus modernes et ainsi éviter les erreurs de 1870-1871. Les régiments se virent confier des garnisons fixes et allaient recruter localement afin de créer un sentiment d’identité. Par exemple, le 35e Régiment d’Infanterie (R.I.) de Belfort, le 41e R.I. de Rennes, le 110e R.I. de Dunkerque et ainsi de suite. Les armes et les équipements allaient à leur tour être changés. Le fusil à répétition Lebel allait équiper l’infanterie et les artilleurs recevraient un véritable bijou d’équipement, le célèbre canon de campagne de 75mm qui servira de modèle pour les artilleries du monde entier.

Canon de campagne à frein hydraulique de 75mm modèle 1897. Un chef d'oeuvre technique de l'artillerie française.

Malgré tout, ce qui semblait être une « lune de miel » dans la réorganisation de l’armée française allait être assombri par l’Affaire Dreyfus qui divisa la nation en 1894. L’armée allait intervenir à plusieurs reprises au cours de grèves et de révoltes locales, dans toute une série d’incidents qui divisaient les Français au quotidien. À certaines reprises, la loyauté des régiments français avait été testée. Par exemple, le 100e R.I. se mutina en 1907 par sympathie pour des grévistes.

En parlant de loyauté, on ne peut passer outre l’Affaire des fiches qui concernait une opération de fichage politique et religieux survenu dans l’armée française au début du XXe siècle. Dans une tentative malavisée de vérifier la « loyauté » des officiers au régime républicain, le ministre de la Guerre, le général André, avait gardé des dossiers secrets qui contenaient des informations sur les sympathies politiques et religieuses. C’est dans ce contexte qu’un officier tel le futur maréchal Foch avait vu l’une de ses promotions anormalement retardée parce qu’il avait un frère qui était jésuite.

Néanmoins, les promotions étaient effectivement lentes à obtenir. Un jeune officier pouvait demeurer lieutenant pendant douze à quinze ans et un capitaine de quinze à vingt ans à ce grade. Alors que la bureaucratie se faisait lourde en France métropolitaine, il s’avéra qu’outre-mer les colonies fournissaient davantage de possibilités de nouveaux défis et d’avancements. Les diverses conquêtes coloniales avaient apporté un baume sur les scandales qui avait entaché la réputation de l’armée française.

L’épreuve de la Grande Guerre

Pourtant, lorsque la guerre éclate à nouveau en 1914, l’armée française releva le défi. Contrairement à 1870, la mobilisation de 1914 se fit en bon ordre et l’appui populaire à la guerre, en dépit de certaines réserves dans les campagnes, fut convaincant. L’arrivée de la guerre marqua une sorte de renaissance nationale, que certains auteurs traduisaient par un élan vital et une volonté d’affronter l’ennemi avec une armée fière et violente. Au niveau de la doctrine tactique, les derniers règlements datés de 1913 étaient clairs: l’armée française ne connaît aucune loi, sauf celle de l’offensive à outrance.

Pour traduire concrètement cette doctrine séduisante et simpliste, l’état-major français avait conçu le désastreux Plan XVII visant à reprendre l’Alsace et la Lorraine. Au cours des cinq premiers mois de la guerre, l’armée française enregistrait des pertes de 300,000 soldats tués (sans compter les blessés, ni les prisonniers), sous la direction de son imperturbable commandant en chef, le général Joffre. Pendant les dix-huit prochains mois, Joffre monta une série d’offensives avec l’aide des Britanniques qui furent plus coûteuses les unes que les autres.

C'est en rangs serrés et baionnettes au canon que l'armée française chargea à répétition l'ennemi d'août à décembre 1914. Résultat: 300,000 morts.

À la fin de 1915, l’armée française avait déjà perdu la moitié de ses officiers réguliers d’avant-guerre et son total de soldats tués égalisait presque ce que l’Angleterre et ses Dominions perdront pendant toute la guerre. La bataille subséquente livrée pendant presque toute l’année 1916 à Verdun apporta encore son lot effarant de pertes. La colère au niveau de l’armée prenait de l’ampleur et cela se reflétait dans les journaux de tranchées qui circulaient parmi les soldats.

Ceux-ci enduraient de terribles conditions de vie, un régime alimentaire peu varié et ils ne jouissaient pas de permissions sur une base régulière. Nombre de leurs meilleurs officiers n’étaient plus et la notion du devoir devenait quelque chose de plus en plus difficile à inculquer dans l’esprit de ces combattants fatigués. Ces derniers pestaient contre ceux qui n’accomplissaient pas ledit devoir, notamment ces embusqués qui profitaient supposément d’un boulot confortable et bénéficiaient de certains privilèges que la troupe estimait ne pas avoir. Ce sentiment d’inégalité entre l’avant et l’arrière pouvait faire en sorte que les soldats français se soient sentis des étrangers dans leur propre pays.

Pour ajouter aux malheurs des soldats, l’offensive majeure lancée par le général Nivelle en avril 1917 sur le Chemin des Dames avait été vendue comme une victoire assurée. Or, elle fut un massacre qui ne fit qu’accroître un mécontentement généralisé qui se transforma en mutineries. La plupart des unités de l’armée ont été affectées à plus ou moins grande échelle. Par contre, et contrairement à ce que certains dirigeants politiques et militaires avaient cru initialement, les mutineries n’étaient pas les résultats d’une agitation révolutionnaire bien orchestrée. Elles constituaient les réponses de ces soldats-citoyens à une situation d’ensemble qui leur était devenue intolérable. Le général Pétain, qui succéda à Nivelle, parvint à redresser le moral en instaurant une combinaison de fermeté et d’attention face à ce qu’il considérait être des demandes justifiées.

Bien que l’Union sacrée, ce contrat à saveur patriotique négocié entre les différentes factions politiques françaises au début de la guerre, avait survécu au moins jusqu’à la fin de 1917, de vives tensions perduraient au sein de la classe politique et entre les politiciens et les soldats. En novembre, Georges Clemenceau devint premier ministre. Sa suspicion presque jacobine de tout ce qui est du domaine militaire rendit ses relations avec l’armée difficiles par moment, mais sa détermination à gagner la guerre donna à Foch, le commandant suprême des Alliés en 1918, le support dont il avait besoin pour les dernières offensives. En novembre de cette année, le Président de la République Poincaré fit son entrée dans Metz, la capitale de la Lorraine, avec Clemenceau et Foch.

En arrière-plan, une première vague d'assaut française s'est élancée sur les positions ennemies. À l'avant-plan, la vague suivante attend à son tour le signal de l'assaut.

D’une guerre à l’autre

Avec ses 1,4 millions de soldats tués, la guerre de 1914-1918 fut de loin la plus coûteuse pour l’armée française. Cette armée était morte, en quelque sorte. L’euphorie de la victoire de 1918 fut de courte durée. Proportionnellement plus élevées que celles de l’armée allemande, les pertes françaises allaient affecter le taux des naissances. Cela eut comme conséquence première un sérieux problème de recrutement pendant la période de l’entre-deux-guerres. Les sacrifices des soldats de la Grande Guerre avaient été « récompensés » par des taux de chômage et d’inflation élevés et bien que la France ait récupéré l’Alsace-Lorraine, la révision des crédits budgétaires accordés à la défense susciterait de vifs débats dans les années à venir.

De plus, l’armée devait faire face à une certaine division idéologique dans son corps d’officiers, certains d’entre eux ayant flirté avec le fascisme par exemple. Aussi, les politiciens de gauche, qui ont largement dirigé la France de l’entre-deux-guerres, s’opposaient fréquemment aux suggestions d’améliorer l’armement, dans un contexte de réforme d’une armée qui se voudrait plus petite, professionnelle et mécanisée. À la tête de l’armée française jusqu’à sa retraite en 1935, le général Maxime Weygand eut de fréquentes prises de bec avec un gouvernement qu’il jugeait être antimilitariste.

En dépit des querelles entre les mondes politique et militaire, la France alla de l’avant dans certains dossiers relatifs à sa défense. La réalisation qui frappa le plus l’imaginaire fut probablement la construction de la Ligne Maginot censée protéger la frontière franco-allemande de la frontière suisse jusque vers le Luxembourg. Contrairement à ce qui est fréquemment véhiculé, la Ligne Maginot n’était pas un projet si fou et elle pouvait avoir son utilité, à condition que des forces mobiles puissent l’appuyer en cas d’invasion. Le problème était davantage au niveau d’une doctrine mal adaptée aux réalités tactiques, dans la mesure où la mentalité de l’époque amenait nombre de Français à croire que la Ligne Maginot aurait un effet dissuasif sur une Allemagne qui aurait à nouveau le dessein d’envahir la France.

La France et son armée divisées

L’armée française qui partit à la guerre en 1939 était le produit de toutes les tares des vingt dernières années. Son équipement était relativement adéquat, mais le problème était au niveau de la doctrine tactique et stratégique. Le moral était moyen et des tensions étaient palpables entre les officiers et les hommes du rang, notamment à cause de divisions d’ordre idéologiques. La défaite de 1940 était conséquente.

Les causes sont à chercher dans la qualité du travail du haut commandement, de la compréhension de la doctrine et par-dessus tout du moral déficient. Certains combattants se sont néanmoins bien battus, surtout dans la seconde phase de la campagne de 1940, alors que les Allemands faisaient mouvement vers le sud de la France. De plus, les soldats français postés dans le sud du pays avaient largement tenu tête aux forces italiennes.

Des soldats français vers 1940.

La défaite de 1940 divisa l’armée. Charles de Gaulle lança un appel patriotique aux Français, si bien que des soldats des Forces Françaises libres poursuivirent la lutte au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, en Italie et éventuellement en France à la fin du conflit. Cependant, le maréchal Pétain, âgé de 84 ans en 1940 et à la tête de l’État français de Vichy, représentait pour une partie des Français la continuité et la stabilité. La réflexion s’appliqua aussi dans ce qui restait de l’armée française et certains des soldats qui demeurèrent loyaux à Vichy n’étaient ni des illuminés, ni des criminels.

C’est dans ce contexte qu’il n’est pas étonnant de voir que pendant la Seconde Guerre mondiale, des soldats français se sont affrontés. Lorsque les Alliés débarquèrent en Afrique du Nord en novembre 1942, des forces françaises fidèles à Vichy offrirent quelque résistance. Autre signe des déchirements internes parmi les militaires français, lorsque les Allemands se décidèrent à occuper la zone libre en France à la même époque, au moins un des généraux leur résista en refusant d’obéir aux ordres de Vicky: de Lattre de Tassigny.

De l’Indochine à l’OTAN

L’armée française de l’après-guerre devait panser ses plaies. Les plus graves étant celles des divisions internes de ses soldats qui avaient suivi différents chemins. Les lendemains du conflit seraient aussi peu prometteurs. L’armée connaissait des problèmes d’effectifs, de soldes réduites et elle devait répondre aux besoins du moment dans un empire en pleine décolonisation. À cet égard, le gouvernement français qui amorçait la guerre d’Indochine en 1946 avait pris la décision de ne pas envoyer de soldats conscrits, préférant laisser le fardeau du travail aux forces professionnelles.

Largement impopulaire et éprouvante, la guerre d’Indochine s’acheva en 1954 avec la défaite française à Diên Biên Phu. Le sentiment d’amertume occasionné par ces longues années d’usure pour l’armée française cristallisa le sentiment parmi nombre d’officiers qu’il fallait revoir les doctrines militaires. La guerre pour l’indépendance de l’Algérie qui allait commencer la même année serait peut-être encore plus symbolique pour l’armée française. Celle-ci livrait un combat près du territoire métropolitain, et, historiquement parlant, l’Algérie constituait un théâtre d’opérations familier à cette armée qui avait contribué à forger l’empire colonial français.

Guerre d'Indochine. Des parachutistes françaises sont largués sur le site de Diên Biên Phu (novembre 1953).

Comme mentionné, l’héritage de 1940 était lourd. Certains officiers étaient de plus en plus critiques de leur gouvernement et avaient fini par s’aliéner une société qui semblait ne pas apprécier leurs sacrifices, ni leurs actions. Il y eut à cet effet des tentatives de coups d’État militaires dans le contexte de la guerre d’Algérie, notamment en 1958 et 1961, et la France ne fut pas épargnée l’année suivante par une campagne terroriste sur son propre territoire.

Les tensions inhérentes à la guerre d’Algérie s’inscrivirent également à une époque où la France cherchait à redéfinir sa politique de défense dans les années 1960. L’armée allait être incorporée dans ce qu’on appela une politique Tous Azimuts qui consistait à préparer des scénarios de défense en prévision d’une ou de plusieurs attaques qui pourraient provenir de tous les points cardinaux, et non plus seulement de l’est. Tout cela est également à mettre en contexte avec le retrait de la France de la structure de commandement de l’OTAN en 1966. D’ailleurs, l’acquisition de l’arme nucléaire, qu’on nomma la Force de Frappe, donna un certain prestige à cette nouvelle politique de défense française.

Il empêche que des frictions persistassent. D’une part, il y avait des craintes légitimes au sein de l’armée à l’effet que les conscrits soient « infectés » de l’esprit révolutionnaire de Mai 1968. D’autre part, des craintes circulaient au sein du corps des officiers, notamment lorsqu’un gouvernement socialiste arriva au pouvoir en 1981 avec François Mitterrand. Le gouvernement subissait également des pressions de part et d’autre afin que soit aboli le service militaire obligatoire. D’ailleurs, sur ce point, le gouvernement indiqua clairement son intention de recourir uniquement à des soldats issus de la force régulière lors de ses interventions dans les anciennes colonies africaines ou lors de la Guerre du Golfe en 1991.

Dans les années 1990, la France se rapprocha à nouveau de l’OTAN, notamment parce qu’elle partagea avec celle-ci une expérience commune en ex-Yougoslavie. À la même époque, la décision d’abolir finalement la conscription fut prise en 1996. Le plan de restructuration des effectifs dressé cette année-là prévoyait que l’effectif d’alors de 239,000 soldats devait être ramené à 136,000 d’ici 2015. Pour atteindre cet objectif, il fallait grandement réduire le nombre de soldats professionnels tout en maintenant une petite force réserviste volontaire.

L’armée française de demain

Comme bien des armées de l’OTAN en pleine réorganisation au tournant du millénaire, l’armée française allait devoir respecter certains principes de guerre. Le premier serait celui de la modularité, soit que de troupes de toutes armes peuvent être rapidement assemblées en groupements tactiques pour accomplir des missions spécifiques. Ensuite, l’armée devait se plier au principe de l’économie des forces, surtout dans un contexte de réduction massive de ses effectifs depuis l’abolition du service militaire obligatoire. Enfin, une importante réorganisation allait s’effectuer dans le but d’établir une nette séparation entre la chaîne de commandement opérationnel (les quartiers généraux opérationnels et les unités actives) et la chaîne de commandement organique (les dépôts militaires et services administratifs).

La fin officielle du service militaire en 2001 avait bien été accueillie par les officiers et elle marquait l’entrée de l’armée française dans une nouvelle ère. La France allait désormais confier sa défense entre les mains des professionnels, mettant ainsi fin à une longue tradition d’« appel aux armes » à l’ensemble de ses citoyens. Cependant, le défi demeure le même pour l’armée française: être au service de l’État et de la Nation.

Brève histoire de l’armée française (1ère partie)

Armée et État: un destin partagé

Des arquebusieurs français au début du XVIe siècle.

Le développement de l’armée française s’est effectué parallèlement à celui de l’État qu’elle sert. Dès le XVe siècle, les rois français avaient le contrôle sur des « bandes » de soldats d’infanterie recrutés sur leur territoire, de même qu’ils se payaient les services de compagnies d’ordonnance de cavalerie lourde ainsi que des mercenaires. En 1483, les bandes de Picardie étaient postées en garnison dans le nord de la France et elles allaient former en 1558 le Régiment de Picardie, le plus ancien des régiments d’infanterie de ligne français, et probablement le plus ancien régiment constitué dans la Chrétienté.

Au cours du XVIe siècle, une structure plus formelle de grades fut instaurée et un plus grand nombre de régiments furent levés. Des unités de mercenaires suisses, allemands, irlandais, écossais et italiens garnissaient largement les rangs de l’armée royale, et ce, tant dans l’infanterie qu’au sein de la cavalerie. De plus, dans les années 1630, la France se dota de régiments d’infanterie de marine.

Cette armée française qui se constituait progressivement depuis un siècle avait été mise à l’épreuve lors de la bataille de Rocroi en 1643 contre les Espagnols. La victoire décisive qu’obtint la France au cours de cet engagement était hautement symbolique, dans la mesure où la bataille marqua la fin de la suprématie militaire espagnole, puis l’entrée de l’armée française dans une ère nouvelle.

L’armée sous l’Ancien Régime

Le marquis de Louvois, un important réformateur militaire et ministre de la Guerre sous Louis XIV.

Vers la fin du XVIIe siècle, l’armée française se développa sous la direction du marquis de Louvois, l’administrateur militaire du roi, afin d’appuyer la politique étrangère en pleine expansion de Louis XIV. L’armée grossit rapidement, surtout en temps de guerre, où ses effectifs pouvaient atteindre un peu plus d’un demi-million d’hommes. Le recrutement était souvent laissé aux capitaines qui avaient tendance à diriger leurs compagnies de soldats comme s’il s’agissait de comptoirs commerciaux. Ils allaient chercher les recrues un peu partout dans la société civile. Ils acceptaient certainement les volontaires, mais ils allaient également chercher les démunis, les dépossédés et tous les hommes contraints par quelconque autorités à s’enrôler.

Non sans surprise, le problème de la désertion parmi les rangs était endémique. Par exemple, au cours d’une inspection qu’il fit des unités d’infanterie lors d’une expédition en Sicile en 1677, le maréchal de Vivonne constata que sur une force de près de 7,000 hommes, il en manquait plus de 4,000. Il fallait revoir en profondeur les conditions de service dans l’armée, en particulier au niveau du recrutement. Par exemple, des bataillons provinciaux de milice furent levés à partir de 1688 pour la défense nationale. Ceux-ci étaient recrutés par un tirage au sort et cette méthode fut fréquemment utilisée pour garnir les rangs de l’armée régulière.

Bien que les campagnes menées par Louis XIV à la fin du XVIIe siècle firent la fortune des fournisseurs militaires, il y avait néanmoins des inquiétudes quant aux coûts monétaires de la conduite de la guerre et du comportement des soldats (toujours la sempiternelle problématique de la désertion). La pénurie de recrues força l’État à maintenir le recours au service des mercenaires. Au XVIIIe siècle, on évalue à environ 12 % les effectifs de l’armée du temps de paix composés de ce type de soldats, et la proportion a pu monter à 20% en temps de guerre.

L’armée française était minée par une série de problèmes qui faisaient en sorte qu’elle avait des difficultés à stabiliser ses effectifs, en particulier en temps de paix. Il y avait des plaintes à l’effet que nombre de recrues n’étaient pas fiables. Pour sa part, le corps des officiers avait un moral chancelant, notamment en raison de la faible solde et du peu de possibilités d’avancements. De plus, certaines défaites, comme celles de 1757, où les forces françaises étaient simultanément battues en Allemagne et en Amérique du Nord, ne firent rien pour améliorer la situation.

La vie en garnison était également difficile. Les casernes étaient perçues comme des prisons haut de gamme où les soldats s’entassaient avec un régime alimentaire peu varié et où la maladie était omniprésente. D’ailleurs, en 1722, une épidémie dans les casernements du Régiment de la Motte avait carrément tué la moitié de l’effectif. Une fois leur contrat terminé, les soldats démobilisés prirent souvent le chemin du banditisme. Le phénomène s’était observé avec une plus grande ampleur en 1718 lorsqu’un ancien soldat régulier forma une compagnie qui effectua des raids sur la route reliant Paris à Caen. Ironiquement, au moment de son arrestation, une trentaine de gardiens qui le surveillaient préfèrent déserter, craignant que le prévenu les implique.

Des soldats français au milieu du XVIIIe siècle. À gauche, un fantassin du Régiment de Guyenne. À droite, un fantassin du Régiment de Béarn.

Malgré tout, la mauvaise réputation de l’armée et la qualité douteuse de nombre de ses soldats n’ont pas empêché que certains finirent par se distinguer. Des chefs et des soldats d’une efficacité redoutable purent entreprendre des réformes d’importance sur le long terme. Les tactiques et l’organisation de l’armée pouvaient être débattue de façon intelligente et posée. Par exemple, il y avait un débat entre les tenants d’une formation d’infanterie déployée sur une mince ligne afin d’accroître l’étendue du tir, puis ceux d’une formation plus profonde, sur plus d’un rang, dans le but de créer un choc lorsque l’ennemi est chargé, ou recevoir le choc dans le cas contraire. Pour sa part, le comte Jacques-Antoine-Hippolyte de Guibert, un général et auteur militaire prolifique du XVIIIe siècle, défendit la thèse des deux camps, y voyant des bénéfices de part et d’autre selon les situations.

Jean-Baptiste Vaquette de Gribeauval, le grand maître à penser de l'artillerie française au XVIIIe siècle.

Toujours dans l’optique des réformes militaires à la même époque, l’inspecteur-général Jean-Baptiste Vaquette de Gribeauval effectua des changements en profondeur dans l’artillerie royale française. Il développa une standardisation et une rationalisation du système de canons alors utilisés. Du côté des fortifications, le marquis de Vauban domina son époque et dota la France d’un système efficace de défenses. Cette professionnalisation de l’armée française au XVIIIe siècle s’accompagne de réformes dans le monde des ingénieurs militaires. À cet effet, une école à leur intention fut ouverte à Mézières dans le but de former non seulement des ingénieurs militaires, mais aussi des ingénieurs qui pourraient servir dans le secteur civil, et ce, au plus grand bénéfice de l’État.

En dépit des réformes, les problèmes du recrutement et de la désertion ramenaient toujours à l’ordre du jour la question du type d’hommes que désir avoir l’armée dans ses rangs. Certains auteur auront pu louanger le caractère du paysan soldat-citoyen, un homme supposément plus sobre, plus fort et habitué au travail, un homme attaché à la mère-patrie parce qu’il travaille la terre. Même si ce type de candidat plaisait, il n’était pas adéquatement représenté dans l’armée. Une majorité de recrues provenait des villes et ces citadins représentaient environ 60% des effectifs au milieu du XVIIIe siècle.

Plusieurs percevaient la profession des armes comme une carrière au même titre que les autres et cela les irritait de voir que leurs compatriotes voyaient d’un mauvais œil le métier qu’ils avaient embrassé. Il n’était pas rare de voir dans des lieux publics des affiches indiquant que les soldats n’avaient pas le droit d’entrer dans un lieu particulier comme des parcs. Encore une fois, il était impératif de voir à l’amélioration de la discipline.

L’armée française tenta à cet égard d’adopter le modèle de l’armée prussienne à partir des années 1780. En effet, le ministre de la Guerre de Louis XV, le comte de Saint-Germain, voulut instituer une série de réformes qui s’en prendraient directement aux maux qui affectèrent l’armée en ces dernières décennies d’Ancien Régime. En fait, le comte de Saint-Germain souhaitait introduire la discipline militaire à la prussienne dans l’armée française. Cependant, de vives oppositions l’empêchèrent d’aller de l’avant.

Le recrutement d’officiers posait un autre épineux problème. On avait fondé en 1751 l’École Militaire Royale pour la formation des officiers. En 1776, cette école fut remplacée par douze écoles militaires en province, pour être ressuscitée l’année suivante. Le corps des officiers comprenait à la fois des hommes de la petite noblesse, dont François de Chevert qui s’enrôla comme soldat pour atteindre le grade de général. Ces hommes souhaitaient obtenir de l’ascension sociale par leurs compétences militaires, mais ils devaient composer avec la présence d’officiers issus d’un plus haut rang et qui n’avaient pas de réels intérêts pour le métier des armes.

À mesure que la haute aristocratie renforçait son contrôle sur les nominations aux rangs supérieurs, notamment depuis l’Édit de Ségur de 1781 qui fermait l’accès à des postes de commandements aux roturiers, la conséquence inévitable fut que l’armée comprit dans ses rangs une quantité de plus en plus importance d’officiers déchus et de sous-officiers qui ne pouvaient plus accéder au corps des officiers. Concrètement, de 1781 à 1789, seulement 41 officiers issus du rang reçurent une commission.

L’armée au temps de la Révolution et du Premier Empire

À la veille de la Révolution de 1789, l’armée régulière, qui incluait essentiellement des Français et des Suisses, comprenait un effectif de 113,000 fantassins, 32,000 cavaliers et 10,000 artilleurs. Cette force était appuyée par une milice d’environ 75,000 hommes. Confrontés au soulèvement populaire dans Paris, les régiments de l’armée se montrèrent peu fiables. Le 14 juillet, jour de la chute de la Bastille, cinq des six bataillons de la garde française dans la capitale joignirent les rangs des insurgés. Dans d’autres régions du pays, des régiments refusèrent d’obéir aux ordres de dispersion des foules. Non sans surprise, le taux de désertion grimpa en flèche et nombre de déserteurs décidèrent de joindre les rangs de la nouvelle Garde Nationale. Cependant, certains régiments demeurèrent fidèles à la couronne, notamment ceux de langue allemande en garnison dans l’est de la France.

La Révolution affecta donc directement les rangs de l’armée française, et ce, à tous les niveaux. En 1790-1791, l’armée était déchirée par un conflit qui illustrait la polarisation idéologique entre ses régiments et elle était infiltrée par des activistes locaux. Par ailleurs, bon nombre d’officiers (environ 6,000 à la fin de 1791) quittèrent la France et les soldats continuaient de déserter en masse, notamment au profit de bataillons de volontaires nationaux levés en 1791 où les opportunités de promotions étaient meilleures.

Tout cela doit être mis en parallèle au débat politique tenu à l’époque sur le rôle et la composition de l’armée. Celle-ci était confrontée au soulèvement populaire depuis 1789, puis devait mener une guerre contre des puissances étrangères envahisseurs à partir d’avril 1793. Certains pensaient que l’armée devrait simplement être réformée, dans le but de demeurer une petite force professionnelle. D’autres souhaitaient la voir se transformer en une grande armée de citoyens qui pourraient du jour au lendemain laisser tomber la fourche au profit du mousquet.

L’Assemblée Constituante revit les règlements, réforma la justice militaire et ouvrit les commissions d’officiers aux membres du rang de même qu’aux étrangers (en n’oubliant pas qu’il y avait énormément de postes d’officiers à combler). En 1792, l’émigration et la désertion signifiaient que la plupart des soldats actuellement dans l’armée l’avaient jointe depuis la Révolution et qu’à peine 4% de ses effectifs provenaient de l’extérieur. Une autre réforme obligea les régiments à abandonner leurs anciennes appellations pour les remplacer par des nombres. Malgré tout, l’esprit de la vieille armée demeurait. Par exemple, lorsque le 50e Régiment d’Infanterie attaqua Jemappes en 1792, ses hommes, qui connaissaient cette unité sous le nom de Régiment de Navarre, entamèrent leur vieux cri de guerre En avant, Navarre sans peur.

Deux soldats de la Garde Nationale vers 1793.

En août 1793, la Convention décida qu’au lieu d’appeler sous les drapeaux des volontaires afin de répondre à des menaces spécifiques, il vaudrait mieux procéder à une levée en masse de tous les hommes jugés aptes et âgés de 18 à 25 ans. Cet afflux de soldats-citoyens, dont plusieurs étaient déjà dans les rangs des sans-culottes, radicalisa l’idéologie dans l’armée, si bien que bon nombre d’officiers qui ne partageaient pas les idéaux de la Révolution furent expulsés ou guillotinés. Une fois le ménage dans ses rangs effectué, l’armée devait être prête à défendre la France contre ses nombreux ennemis extérieurs.

Les réformes allaient donc se poursuivre. En 1793, une première phase d’amalgamation vit le remplacement des régiments par des demi-brigades. En clair, il s’agissait de mixer les militaires en uniformes blancs de l’ancienne armée royale avec ceux en uniformes bleus des nouveaux bataillons de volontaires. C’est peut-être de là que vient l’expression le bleu pour identifier une recrue. De plus, on améliora la récente structure divisionnaire qui avait été introduite. La division comprendrait deux brigades d’infanterie, un régiment de cavalerie et un détachement d’artillerie. Malgré tout, ces changements, aussi importants fussent-ils, ne réglèrent pas tous les problèmes de l’armée française au temps de la Révolution.

Les généraux devaient composer avec l’inexpérience des nouveaux soldats, l’insécurité constante, les pressions politiques (souvent évidentes par la présence de « représentants » dans les unités) et la qualité très variable des recrues. Les tactiques ont fini par se développer et s’améliorer. Aux tactiques douteuses et peu professionnelles des sans-culottes on finit par introduire un entraînement beaucoup plus rude inspiré de l’armée royale. Par exemple, on parvint à manœuvrer l’infanterie pour qu’elle se déploie simultanément en colonnes et en ligne, avec des tirailleurs pour aller en reconnaissance, harceler l’ennemi et maintenir le contact.

Cela préparait bien les principales vagues d’assaut à la véritable bataille, celle où le choc se délivre et s’encaisse en respectant des principes élémentaires. De son côté, et heureusement pour les Français, l’artillerie avait moins souffert que les autres branches du phénomène de l’émigration massive de ses cadres. À Valmy en 1792, après avoir encaissé une solide canonnade, le Duc de Brunswick préféra ne pas attaquer les positions françaises, une décision qui fut déterminante et qui sauva probablement la Révolution.

Un épisode emblématique de la Révolution française: la bataille de Valmy (20 septembre 1792). D'après une peinture de Jean-Baptiste Mauzaisse (1835).

La levée en masse avait produit une armée doté d’un effectif sur papier de 1,200,000 hommes, bien que sa force réelle se situa autour de 800,000 soldats. Une seconde amalgamation survenue en 1795 restructura une fois de plus l’infanterie. En 1798, le terme réquisition (l’enrôlement forcé de citoyens) fut remplacé par celui de conscription. Concrètement, la nouvelle « conscription » signifiait l’enrôlement des hommes pour une période de quatre ans en temps de paix, puis pour une période indéfinie en temps de guerre. Bien que la proportion des anciens soldats de l’armée royale tomba à 3%, l’armée de 1798 était en général bien entraînée, beaucoup plus disciplinée qu’au début de la Révolution, sans compter que le jeune Bonaparte avait mené deux ans plus tôt une brillante campagne en Italie qui avait démontré ce que lui et son armée pouvaient accomplir.

L’armée de Napoléon avait été construite sur ces fondations. Il maintint ces principes de base à travers un système de conscription qui commença à peser lourd sur la société, surtout après 1812. En tout, quelque 2 millions d’hommes furent conscrits entre 1800 et 1814. Ce chiffre impressionnant cache l’omniprésent problème de la désertion et du refus de se présenter sous les drapeaux. Il y eut plus de 50,000 conscrits réfractaires et déserteurs, sans compter que plus de la moitié des conscrits provenant de certains départements du sud de la France refusèrent l’enregistrement.

Des grenardiers de la Garde impériale de Napoléon.

Paradoxalement, on remarque un retour en force des étrangers, qui formaient environ le tiers des effectifs de l’armée française à partir de 1809. Napoléon réintroduisit le terme de régiment en 1803 et il prit soin d’entretenir l’esprit martial dans son armée en créant la Légion d’Honneur, en préparant d’impressionnantes cérémonies militaires et ainsi de suite. La féroce énergie que dégageait l’empereur lui permettait souvent de régler lui-même des problèmes administratifs au sein de son armée, si bien qu’il en restait peu pour ses ministres de la Guerre.

L'empereur Napoléon 1er.

À l’apogée de sa force, l’armée impériale avait peu de rivaux pour lui faire face. D’ailleurs, la campagne d’Austerlitz de 1805 et celle de Jena/Auerstadt l’année suivante combinaient la ferveur patriotique, une solide expérience et une direction inspirée. Le temps et les pertes finirent naturellement par user l’armée impériale. La campagne d’Espagne avait été éprouvante à cet égard, de même que celle de Russie. Cette armée dépendait largement du génie militaire de l’empereur, si bien qu’en son absence, peu de ses maréchaux possédaient le talent nécessaire pour exercer un commandement indépendant. Bien que le retour d’exil de Napoléon lui permit de livrer une dernière campagne en 1815, celle des Cent-Jours, sa puissance militaire connut une fin abrupte à Waterloo. En fait, la France était lasse de la guerre qui durait depuis vingt-cinq ans. Une pause était nécessaire.

Sous la Restauration

La restauration du pouvoir des Bourbons ramena certains traits de l’Ancien Régime dans l’armée française. D’abord, l’effectif fut ramener à environ 100,000 hommes et bon nombre d’officiers ayant servi sous Napoléon furent placés en demi-solde, leurs postes ayant en partie été comblés par les émigrés d’avant la Révolution. Les régiments d’infanterie, qui avaient temporairement été remplacés par des « légions départementales », continuaient néanmoins de recourir à la conscription pour leur recrutement.

Lors de la révolution de 1830, l’armée offrit peu de soutien à la restauration de la monarchie et l’accession de Louis-Philippe au trône signifia de nouveaux problèmes dans l’attribution des postes de commandements. Par exemple, la Loi Soult de 1832 décréta qu’au moins la moitié des sous-lieutenants de l’armée devraient recevoir leurs commissions du rang. L’autre moitié proviendrait des académies militaires telles Saint-Cyr pour l’infanterie et la cavalerie, puis de l’École Polytechnique pour les artilleurs et les sapeurs. Dans la pratique, ce ratio ne fut pas respecté. La réalité était qu’un officier promu à partir du rang dépassait rarement le grade de capitaine, sauf dans quelques cas comme celui du futur maréchal Bazaine.

La même Loi Soult de 1832 statua également sur le système de recrutement. Le contingent recruté annuellement allait diviser les conscrits en deux catégories. La première choisirait les recrues par tirage et celles-ci devaient servir sous les drapeaux pour une période de sept ans, tandis que la seconde catégorie consisterait en une force de réservistes non entraînés. La loi de 1855 apporta de très légères modifications et il fallut attendre la Loi Niel de 1868, qui avait été passée après la victoire prussienne contre l’Autriche en 1866, avant de voir une tentative de conscription universelle.

L’armée française issue de la Loi Soult avait plusieurs qualités. Elle était agressive et bien entraînée. Cela se vit dans les fréquents engagements qu’elle livra en Algérie, en Italie, en Crimée et au Mexique. Cette armée répondit aux attentes stratégiques de la France à une époque où les guerres pour la survie nationale étaient choses du passé et que des forteresses s’érigeaient aux frontières afin de gagner du temps et permettre la levée de troupes supplémentaires. Cette armée avait également accompli sa mission politique au temps de Napoléon III, soit appuyer le régime, surtout que nombre de ses officiers supérieurs étaient personnellement liés à l’empereur. Cette armée comprenait en ses rangs des soldats servant sur une longue période, des hommes imbus de l’esprit militaire et désireux de défendre le régime contre ses ennemis externes.

L'armée française en Crimée (1854-1855).

La bataille de France (1940)

Introduction

Dans l’histoire de la guerre, peu de campagnes livrées entre de grandes puissances de force à peu près égales se soldèrent par une victoire écrasante et sans appel d’un camp sur l’autre. L’étude de la campagne de l’Europe de l’Ouest de mai et de juin 1940, en particulier la bataille livrée en France, est intéressante à cet égard.

À peine cinq jours après le déclenchement de la campagne par l’Allemagne le 10 mai, les Pays-Bas déposaient les armes et les forces françaises retranchées derrière la Meuse se désintégraient progressivement. Le premier ministre Paul Reynaud évoquait même la possibilité d’une défaite.

Le déroulement et la durée de cette campagne avaient surpris à peu près tout le monde y compris les Allemands. Si leur plan original d’une offensive à l’Ouest, tel qu’il avait été conçu et reporté à maintes reprises entre octobre 1939 et janvier 1940, avait été mis à exécution, il est fort à parier qu’on se serait ramassé dans une impasse comme en 1914-1918. En effet, d’importants changements au niveau de la réorganisation des armées et de ceux qui allaient les commander eurent cour dans les mois qui précédèrent l’offensive à l’Ouest.

Le doute s’installe

Si on regarde la carte, on note que l’effort principal initial de l’offensive repose sur le Groupe d’Armées B, dont les divisions mécanisées devaient écraser les Pays-Bas et pousser rapidement en direction sud-ouest en Belgique. Ce mouvement en faux, qui rappelle quelque peu le Plan Schlieffen de 1914, serait appuyé au sud par le Groupe d’Armées A, dont les 22 divisions d’infanterie à pied devaient assurer la protection du flanc gauche du groupe B. Malgré l’ambition apparente du mouvement du groupe B, rien n’indique que la manœuvre sera déterminante, bien que j’ai qualifié de « principal » l’effort offensif qui serait mené par cette dernière formation.

Carte des opérations de la bataille de France (1940).

Précisément, les objectifs territoriaux du groupe B se limitaient à la capture des Pays-Bas et de la côte donnant sur la Manche (pour servir de futures bases pour attaquer l’Angleterre), ce qui laisse entendre que rien n’indique, toujours dans les plans militaires, que la France devait être officiellement éliminée. Par conséquent, cela peut en partie expliquer les conditions de paix relativement modérées qui ont été imposées à la France après le cessez-le-feu. Ces conditions avaient permis, pour un certain temps, à la moitié du territoire français d’être gouverné indépendamment à Vichy.

Comme je l’ai dit, le plan d’assaut initialement conçu sous le nom de code Fall Gelb avait des ratés. Les historiens s’entendent généralement pour accorder au Feldmarschall Erich von Manstein, le chef d’état-major du groupe A, le crédit d’avoir identifié les carences de Fall Gelb, tout en proposant une alternative pour sécuriser une victoire décisive. On peut également ajouter que dans les premières semaines de 1940, le haut commandement de l’armée allemande (Oberkommando des Heeres, OKH) et quelques autres généraux exprimaient à leur tour leur insatisfaction face à Fall Gelb. L’objet principal de leurs critiques était l’incertitude quant à l’utilisation des chars d’assaut.

Le Feldmarschall Erich von Manstein, l'un des artisans de la campagne de 1940.

Essentiellement, Manstein proposait de changer le rôle des chars et de transférer le gros des unités (sept des dix divisions de panzers) au Groupe d’Armées A. Ce groupe devait attaquer directement à travers les Ardennes contre ce que l’on croyait être la portion du front français la moins bien défendue, soit la ligne Sedan-Dinant sur la Meuse. La conception audacieuse pour l’époque du nouveau plan présenté par Manstein rencontra une opposition à l’OKH, mais à la mi-février Hitler prit à son tour connaissance du nouveau plan et l’accueillit favorablement. Sans partager entièrement les vues de Manstein, l’essentiel de ses idées figurait dans le nouveau plan, c’est-à-dire un redéploiement de la force blindée pour un assaut concentré dans les Ardennes et non sur les Pays-Bas.

La réévaluation du plan d’assaut au printemps de 1940 n’enleva en rien l’importance initialement accordée au Groupe d’Armées B. Ce groupe aurait l’importante et l’ingrate tâche d’attirer et fixer en Belgique les meilleurs éléments des armées franco-britanniques, puis composer avec la résistance de l’armée belge. Par contre, le rôle consistant à percer le front des Alliés reviendrait au groupe A. Celui-ci devait traverser les Ardennes et la Meuse à cette hauteur. Ensuite, selon les circonstances, le groupe A devait tourner au sud afin de contourner la Ligne Maginot ou faire mouvement au nord, le long de la Somme, pour atteindre la côte de la Manche (qui était un objectif initialement attribué au groupe B).

La supériorité relative des Allemands

La bataille de France débuta le 10 mai 1940. L’Allemagne avait mobilisé 136 divisions et, contrairement à ce qui est fréquemment véhiculé, le soldat allemand de la campagne de France a généralement combattu à pied. En effet, sur les 136 divisions, seulement 10 étaient blindées (panzers), 7 étaient motorisées, une était de cavalerie et la dernière était aéroportée. De leur côté, les Français et les Britanniques alignaient 104 divisions (94 françaises et 10 britanniques) auxquelles vinrent s’ajouter 22 divisions belges le 10 mai. Les soldats alliés ont aussi fait généralement la guerre à pied. D’après les chiffres, l’armée française disposait de 3 divisions blindées, 3 divisions motorisées (aussi bien équipées que celles des Allemands) et 5 divisions de cavalerie.

Les divisions motorisées et blindées ont joué un rôle essentiel. Par contre, la plupart des divisions allemandes en France en 1940 marchaient.

Sur la question du total comparatif des chars sur le front Ouest, les Français en disposaient d’un plus grand nombre que les Allemands, soit environ 3,200 unités contre 2,500. Quant à la qualité de celles-ci, on peut dire que, généralement, les chars français étaient inférieurs. Malgré un puissant armement et un blindage plus épais, les chars français étaient plus lents et leur rayon d’action plus restreint, ce qui ne constitue nullement un avantage dans une guerre mobile.

En fait, la véritable faiblesse des forces alliées au printemps de 1940 est dans le ciel, bien que la supériorité allemande à ce chapitre ait été fréquemment exagérée. Au début de l’offensive, l’Allemagne aligne quelque 1,000 chasseurs, 250 bombardiers moyens, 1,100 bombardiers plus légers, 340 bombardiers en piqué Stuka et 500 appareils de reconnaissance, pour un total estimé à 3,190 unités. En face, l’armée de l’air française possédait seulement 1,100 appareils modernes parmi lesquels 700 étaient des chasseurs, 140 des bombardiers et un peu moins de 400 avions de reconnaissance de qualité variable. À cela il faut ajouter la contribution britannique consistant en quelque 25 escadrons de chasseurs, de bombardiers et d’appareils de reconnaissance. Une fois de plus, les forces aériennes allemandes étaient mieux organisées pour les tâches anticipées. Par exemple, en dépit de leur lenteur et de leur vulnérabilité, les appareils de bombardements en piqué Stuka, lorsque bien utilisés et escortés, jouèrent un rôle vital dans les premiers jours de l’offensive.

Une bataille perdue dès les premiers jours

Comme l’avait anticipé Manstein, la percée décisive eut lieu sur le front du Groupe d’Armées A. À la fin de la journée du 12 mai, les divisions blindées de tête de l’armée allemande avaient déjà atteint la Meuse en deux points, alors que les Alliés croyaient qu’elles n’atteindraient le fleuve que le 14. La ville de Sedan avait été capturée par des éléments des 1ère et 10e Divisions de Panzers sous le commandement de Heinz Guderian, alors que la 7e Panzer sous Erwin Rommel prenait l’autre point stratégique mentionné en début de texte, soit Dinant. Les prises de Sedan et Dinant étaient typiques de l’esprit offensif agressif inculqué à l’armée allemande, si bien que les troupes n’eurent pour ainsi dire aucun repos.
Dès les premiers jours de l’offensive, les états-majors franco-britanniques étaient débordés et ne savaient plus où donner de la tête.

Malgré ces circonstances dramatiques, l’armée française menait sur son front une lutte acharnée. Ses ingénieurs étaient parvenus à faire rapidement sauter les ponts, et, lorsqu’ils n’étaient pas contournés, de nombreux éléments de l’armée offrirent une résistance acharnée. Cependant, à la fin de la quatrième journée de la campagne, les Allemands avaient établi plusieurs têtes de pont fragiles sur la rive ouest de la Meuse. Ce furent dans ces circonstances particulières que certaines contre-attaques de l’armée française furent neutralisées à Sedan, notamment par la couverture aérienne assurée par les Stukas.

D'hommes à hommes, les soldats de l'armée française de 1940 n'avaient rien à envier à leurs ennemis. Les causes de la défaite sont à chercher ailleurs, notamment dans la doctrine.

Il y avait quand même un espoir pour les Alliés de lancer une contre-offensive qui aurait pu faire la différence, surtout au moment où les Allemands se trouvaient confinés dans des têtes de pont congestionnées par le trafic. Devant l’hésitation des Alliés, les Allemands poursuivirent l’offensive. Comme on le voit sur la carte, ils s’en prirent judicieusement à la jonction de deux armées françaises, les 2e et 9e, qui comprenait des troupes réservistes peu entraînées.

Qui plus est, dans la soirée du 14 mai, le général André Corap, le commandant de la 9e Armée, ordonna par erreur une retraite générale sur une nouvelle position défensive située à 15 kilomètres à l’ouest de sa position initiale. La retraite précipitée de son armée se transforma en déroute, tandis qu’au sud, la 2e Armée du général Charles Huntziger se trouva à son tour dans une situation précaire. Dans la nuit du 14 au 15, certaines têtes de pont allemandes tentèrent avec succès de se dégager, dont celle du général Guderian qui se trouvait à environ 50 kilomètres à l’ouest de la Meuse.

L'ennemi juré des chars d'assaut au sol, le bombardier en piqué allemand JU-87 Stuka.

Il était clair que cinq jours après le début de l’offensive, les Allemands possédaient un avantage décisif. Tous les corps de panzers avaient largement dépassé les têtes de pont de la Meuse et avançaient en trombe vers l’ouest, sans presque rencontrer de résistance sérieuse sur les arrières chaotiques des armées françaises, en particulier ceux de la 9e. En dépit de belles résistances locales comme je l’ai dit, l’armée française était malgré tout débordée par les événements.

Cette stupéfaction semblait aussi partagée à l’état-major allemand. Certains généraux, et Hitler lui-même, semblaient même dépassés par la rapidité de l’avance et s’inquiétaient de l’étirement dangereux de l’avance sur certaines portions du front. Seuls quelques généraux, comme Guderian et Rommel, semblaient en parfait contrôle de leurs moyens. Confiants, les hommes sous leur commandement fonçaient littéralement vers la Manche qui fut atteinte dès le 20 mai.

La fameuse halte devant Dunkerque

Plus le temps avançait, plus l’espoir de voir les forces alliées contre-attaquer s’amenuisait. Le chef d’état-major de l’armée française, le général Maurice Gamelin, prit conscience sur le tard du besoin de retirer ses forces trop avancées en Belgique. La vraie bataille se déroulait au sud dans les Ardennes et les troupes françaises au nord risquaient d’être séparées de celles au sud. Ce ne fut que le 19 mai, jour du remplacement de Gamelin par le général Maxime Weygand, que l’ordre de lancer une contre-offensive conjointe des forces françaises au nord et au sud fut émis. L’idée était de créer un double encerclement des forces mobiles de panzers qui s’étaient dangereusement avancées, se trouvant ainsi coupées du reste de l’infanterie à pied.

Le seul épisode qui inquiéta sérieusement les Allemands fut une contre-offensive menée par l’armée britannique dans la région d’Arras le 21 mai. L’épisode de la bataille d’Arras confirmait ce que certains généraux allemands (Kleist, Kluge et Rundstedt) redoutaient, c’est-à-dire un assaut ennemi contre des forces blindées qui étaient trop exposées. Cela contribua d’ailleurs à la décision d’ordonner aux panzers de faire halte pendant trois jours, du 24 au 27 mai, le temps notamment que l’infanterie puisse suivre. Cette décision eut un impact décisif sur l’incapacité ultérieure des forces allemandes à prendre en souricière les restants de l’armée britannique lors de l’évacuation de Dunkerque.

Cependant, l’arrêt temporaire de l’offensive ordonné le 24 mai reposait sur des raisons opérationnelles et tactiques. La première raison soulevée était le besoin qu’avait la Luftwaffe d’asséner un coup décisif sur les forces alliées désorganisées, sans risquer de frapper ses propres troupes au sol. Ensuite, bien qu’ils soient dans leurs chars, les équipages des blindés étaient épuisés et devaient prendre une petite pause et attendre l’infanterie. Enfin, la pause était nécessaire afin de revoir les rôles qu’occuperaient les Groupes d’Armées A et B dans la poussée finale vers Dunkerque où étaient pris les Alliés.

Le temps était au rendez-vous, puisqu’il semblait à peu près impossible, d’un point de vue logistique croyait-on, que des centaines de milliers de soldats puissent s’échapper de l’immense trappe dans laquelle ils se trouvaient. Le temps que Hitler et ses généraux réalisent leur « erreur », les soldats alliés de la poche de Dunkerque étaient évacués vers l’Angleterre au début juin.

Professionnel et bien entraîné, le Corps expéditionnaire britannique dépêché sur le continent en 1939-1940 ne put, lui non plus, enrayer la force de l'offensive allemande.

Juin 1940: l’armée française se bat seule

Bien que l’évacuation réussie de Dunkerque fut perçue comme un triomphe en Angleterre, la perspective sur le continent était toute autre. C’était loin d’être un échec, au contraire. Cela marquait l’apogée de la bataille de France, l’ultime étape d’une campagne effrénée. Au cours des trois premières semaines, les Allemands avaient fait un million de prisonniers pour des pertes d’à peine 60,000 hommes. Les armées hollandaise et belge étaient détruites, cette dernière ayant déposé les armes à la fin de mai après avoir offert une résistance digne de mention.

Pour leur part, les Français avaient perdu quelque 30 divisions, soit le tiers des forces initialement engagées, en plus de l’entièreté de leur corps blindé. De plus, l’armée britannique avait quitté le continent, ce qui représentait une douzaine de divisions en moins. Sur papier, le général Weygand disposait de 66 divisions en piteux état pour défendre un front improvisé, soit une ligne qui était encore plus étirée que celle établie le long de la Meuse au 10 mai. En fait, un mois plus tard, l’armée française tenait une ligne s’étirant d’Abbeville sur la Somme jusqu’à la Ligne Maginot à l’est.

La seconde phase de l’offensive allemande débuta le 5 juin 1940. Dès lors, face à la situation désespérée de l’armée française, certains cadres en venaient à débattre de l’utilité de poursuivre la lutte. Se battre pour l’honneur au lieu de la victoire était certes une option, et elle cadrait bien avec une certaine tradition militaire, mais l’éventualité d’une capitulation semblait davantage correspondre à la réalité. Seuls certains militaires comme Charles de Gaulle étaient d’avis qu’il fallait poursuivre la lutte, quitte à ce que celle-ci se fasse en dehors de la métropole.

Lors d'une mise en scène bien orchestrée, Hitler avait spécifiquement exigé que l'armistice de juin 1940 soit signé dans le même wagon de train que l'armistice de novembre 1918 qui avait marqué la défaite de l'Allemagne lors de la Première Guerre mondiale.

Conclusion: Comprendre la défaite

De son côté, le cabinet français avait déjà envisagé la possibilité d’un armistice, indépendamment de l’avis de Londres, et ce, même avant l’époque de l’évacuation de Dunkerque. Le premier ministre Reynaud dut se ranger à l’avis des généraux Weygand et Pétain, qui souhaitaient un cessez-le-feu immédiat pour sauver ce qui restait de l’armée française. La démission de Raynaud au profit de Pétain le 16 juin signifiait la fin des espoirs. La lutte n’allait pas se poursuivre en Bretagne ou en Afrique du Nord. Le 22, la capitulation inconditionnelle de l’armée française devenait réalité à Compiègne.

En dépit de signes évidents d’une chute du morale et d’un défaitisme largement répandu dans la troupe, on peut penser que les raisons plus profondes pouvant expliquer la mauvaise performance de l’armée française en 1940 résident dans une conception stratégique fautive aux plans doctrinal et organisationnel. Contrairement aux Allemands, les Alliés, et en particulier l’armée française, étaient prisonniers d’une chaîne de commandement complexe dans laquelle le rôle d’un chef d’état-major comme Gamelin n’a jamais été clairement établi.

Le général Maurice Gamelin (2e à droite), chef d'état-major des armées françaises en 1940. On a imputé à Gamelin une part de responsabilité dans le désastre de 1940.

Le général Gamelin avait l’habitude de déléguer des pouvoirs considérables à ses adjoints. Le premier d’entre eux était le général Alphonse Georges, qui commandait le front nord-est, puis au général Gaston Billotte, qui coordonnait à un échelon inférieur le groupe des armées française, belge et britannique entre la Manche et la Ligne Maginot. Qui plus est, la chaîne de commandement des Alliés n’était pas adaptée au type de guerre rapide que les Allemands avaient imposé. Dans le contexte d’une guerre aux mouvements plus lents, comme en 1914-1918, les communications des Alliés auraient pu fonctionner et permettre à Gamelin de diriger une bataille qu’il anticipait, soit un affrontement fixe dans les tranchées. Dès le moment où les Allemands avaient franchi la Meuse et imposé leur agenda, la situation était difficilement récupérable.

Le triomphe des armées allemandes ne s’explique pas nécessairement par la supériorité du nombre ou celle des équipements. Il repose davantage sur le parfait contrôle exercé sur les ressources disponibles, et leur exploitation optimale, tout en profitant à chaque moment des erreurs de l’ennemi.

D’un strict point de vue militaire, la bataille de France de 1940 fut une victoire d’un style classique. Se battant avec des forces à peu près égales à son adversaire, le vainqueur avait réalisé un grand fait d’armes stratégique, tout en économisant sur les moyens et sans trop subir de pertes.